La répression militaire durant la guerre d'Algérie a été la cause de centaines de disparus, au-delà du cas emblématique de Maurice Audin. Alors qu'un arrêté ministériel autorisant l'ouverture des archives sur cette affaire vient d'être publié au Journal officiel, une journée d'étude se tiendra vendredi à l'Assemblée nationale. C'est un événement unique qui se prépare pour vendredi prochain à l'Assemblée nationale. Suite aux avancées institutionnelles pour dévoiler les secrets de l'assassinat de Maurice Audin en 1957, la question des disparus apparaît aujourd'hui au grand jour dans sa cruauté. A tel point qu'une journée d'étude aura lieu le vendredi 20 septembre à l'Assemblée nationale sur le thème : «Les disparus de la guerre d'algérie du fait des forces de l'ordre françaises : vérite et justice». L'idée de cette journée d'étude est née d'une rencontre, celle d'historiens, de juristes et d'archivistes. Son origine remonte à la déclaration du président de la République, Emmanuel Macron, le 3 septembre 2018, lors de sa visite à Josette Audin, veuve du mathématicien et militant communiste Maurice Audin, «disparu» à l'âge de vingt-cinq ans à la suite de son arrestation à Alger, le 10 juin 1957, par des parachutistes français. Le chef de l'Etat avait dit : «La disparition de Maurice Audin a été rendue possible par un système dont les gouvernements successifs ont permis le développement : le système appelé "arrestation-détention" à l'époque même, qui autorise les forces de l'ordre à arrêter, détenir et interroger "tout suspect dans l'objectif d'une lutte plus efficace contre l'adversaire" et affirmant que "ce système s'est institué sur un fondement légal : les pouvoirs spéciaux". » La journée d'étude met enfin au cœur de l'actualité les travaux des historiens, entamés à chaud durant cette époque trouble et dramatique. L'historien Fabrice Riceputi, un des cofondateurs du site 1000 autres.org, rappelle à ce sujet que «des historiens, notamment Pierre Vidal-Naquet (1930-2006), ont travaillé depuis longtemps sur cette pratique généralisée de la torture pendant ce qu'il est convenu d'appeler la ‘‘Bataille d'Alger'' et sur ce système institutionnalisé d'arrestation-détention, avec son cortège de disparitions. Durant le temps de la guerre elle-même, des journalistes l'ont porté à la connaissance de l'opinion publique, ce qui a valu la condamnation de plusieurs journaux et éditeurs. Depuis les années 2010, des historiens, des mathématiciens et des élus de la nation ont joué un rôle décisif dans l'obtention de la déclaration du président de la République». Cette activité, soutenue enfin au plus haut de l'Exécutif, avait agi comme un nouveau défi pour dire que le cas Audin n'était qu'un des nombreux cas de disparitions inexpliquées en Algérie. D'ores et déjà, nous annonce l'historien Fabrice Riceputi, des proches des familles des disparus, venus d'Algérie, seront présents vendredi à Paris. Accès aux archives : Enjeux historique et citoyen En septembre 2018, à l'initiative de l'association Histoire coloniale et postcoloniale et de l'Association Maurice Audin, le site de recueil de témoignages «1000autres.org», avait été ouvert. Il a rapidement reçu de nombreuses contributions sur les autres disparus algériens de la «Bataille d'Alger». Pour Fabrice Riceputi : «Dès l'origine, des juristes avaient dénoncé la remise en cause des principes constitutionnels et des engagements internationaux de la France, alertant l'opinion sur les ‘‘libertés à l'abandon''. A partir des années 1970, la pratique généralisée des disparitions forcées en Amérique latine a suscité un renforcement considérable du droit international autour des principes consacrés par la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies en 1990) et l'affirmation du droit à la vérité, du droit à la justice et du droit à la réparation (‘‘principes Joinet''). Ces avancées du droit international pénal nous interrogent à nouveau sur les disparitions forcées de la guerre d'Algérie (1954-1962), avec une perspective juridique élargie dans le temps et l'espace.» La journée d'étude réaffirmera : «La question des archives est centrale, à la fois au plan historique et en ce qui concerne l'enjeu citoyen de leur accès.» Le président de la République avait énoncé le 13 septembre 2018 son souhait «que toutes les archives de l'Etat qui concernent les disparus de la guerre d'Algérie puissent être librement consultées et qu'une dérogation générale soit instituée en ce sens». C'est fait, depuis l'arrêté du 9 septembre, publié au JO le 10 septembre 2019. Cette ouverture des archives est un nouveau pas qui soulagera les historiens dans leurs exigences de vérité et facilitera le repérage des sources publiques et privées sur cette douloureuse page d'histoire.