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Le rôle des sciences cognitives dans les recherches sur la littérature se développe très rapidement
Denis Legros. Professeur émérite (universités Paris 8 et Paris 12)
Publié dans El Watan le 18 - 09 - 2019

Selon le Pr Denis Legros, de nombreux doctorants algériens dans le domaine des sciences du langage et de la didactique du français se sont appuyés dans leurs travaux de recherche sur les sciences cognitives, et plus précisément sur la psychologie cognitive expérimentale.
– Quel est l'intérêt des sciences cognitives dans le domaine de la littérature et notamment la compréhension du texte romanesque ?
De nombreux théoriciens du texte littéraire, et plus précisément du texte romanesque, comme Mikhaïl Bakhtine, Umberto Eco, Tzvetan Todorov, ont mis en évidence «le pouvoir heuristique» fantastique de la littérature et montré sa puissance cognitive. La littérature permet en effet de mieux connaître l'individu humain dans toutes ses dimensions, d'explorer le monde et de mieux le comprendre, de sentir et de ressentir toutes les palpitations de la vie, les plus subtiles, les plus discrètes et les plus secrètes.
La lecture d'un texte littéraire et en particulier d'un texte romanesque est donc un activateur de processus cognitifs très puissants, mais elle est en même temps, parce que porteuse d'une composante affective et d'une charge émotionnelle très forte, un activateur de processus affectifs très important. Tout roman parle à notre intelligence, mais aussi à notre cœur. Les sciences de la cognition, c'est-à-dire les sciences du connaître et du savoir, permettent d'explorer et de mieux comprendre les processus de production de textes et de créations littéraires, mais aussi les processus de lecture, de compréhension et d'interprétation des textes les plus divers dans toutes leurs dimensions.
– En quelques mots, comment définir les sciences cognitives ?
Le terme cognition vient du latin cognoscere, qui signifie connaître, savoir. Les sciences cognitives étudient les mécanismes de la pensée et peuvent être définies comme l'ensemble des domaines de recherche qui interrogent et explorent les différentes dimensions du connaître et du savoir. Ainsi, la linguistique, la philosophie, la psychologie cognitive, la didactique, les neurosciences…travaillent de plus en plus en «inter-résonance» (Varela, 1999), provoquant une révolution conceptuelle et de nouvelles méthodologies de recherche.
En effet, la langue et les activités langagières ne sont plus seulement pensées comme des moyens de communication, mais comme des moyens de construire les représentations des connaissances. Les travaux sur ces représentations ont rendu possible la compréhension des processus de traitement de l'information et en particulier les processus «cognitifs» de compréhension et d'interprétation des textes littéraires. C'est ainsi qu'en France, par exemple, un programme du CNRS (Ecole et sciences cognitives) (2003) a provoqué des avancées dans ces domaines dans la mesure où «le cœur» de ce programme était de tisser une nouvelle alliance entre les disciplines orientées vers l'étude des processus de lecture et de compréhension et les disciplines qui concernent la mise en œuvre de pédagogies «innovantes».
Des ouvertures se sont alors produites dans les sciences du langage, la philosophie, la didactique…et ont permis des avancées efficaces dans le domaine de l'interdisciplinarité et des recherches interdisciplinaires. (Varela, Francisco (1999). «Quatre phares pour l'avenir des sciences cognitives», TLE Dynamique et cognition : nouvelles approches, n° 17, pp. 7-23)
– Pouvez-vous nous parler de l'importance des sciences cognitives aujourd'hui ?
La révolution du numérique et les bouleversements qu'elle apporte dans tous les domaines de la vie et des sociétés entraîne aussi une révolution dans le domaine de la science du savoir. Les recherches conduites dans le vaste domaine des sciences cognitives, qu'il s'agisse des sciences humaines ou des sciences dures, rendent possible la compréhension des processus mentaux et des mécanismes neurophysiologiques à la base de la construction des connaissances. L'ensemble des sciences qui s'intéressent à la cognition, et qui interagissent de plus en plus, analysent en effet les activités langagières, la perception, la mémoire, l'attention, la compréhension, l'émotion, l'imagerie, le raisonnement, la communication. Elles étudient également la prise de décision, l'engagement des individus dans la planification et l'exécution de l'action, une longue liste de champs scientifiques qu'il est impossible pour un individu de maîtriser, mais dont le développement et la diffusion, notamment dans le monde éducatif deviennent nécessaire.
– Et comment évaluez-vous justement les travaux de recherche des doctorants algériens dans le domaine des sciences du langage et de la didactique ?
De nombreux doctorants algériens, en particulier dans le domaine des sciences du langage et de la didactique du français, se sont appuyés sur les sciences cognitives, et plus précisément sur la psychologie cognitive expérimentale. Leur but était de comprendre et d'analyser le fonctionnement cognitif de l'apprenant en vue de concevoir, de proposer et de valider expérimentalement des stratégies d'enseignement/apprentissage et des aides pédagogiques efficaces. Ils ont ainsi montré que sciences du langage, didactique et sciences cognitives pouvaient être considérées comme des domaines de recherche complémentaires et devaient interagir. Les développements récents dans le champ de la didactique cognitive en sont la preuve, et les didacticiens et les cognitivistes sont appelés à collaborer de plus en plus. Les premiers travaillent sur les réalités concrètes du terrain, variables selon les contextes linguistiques et culturels des apprenants, alors que les seconds conduisent des recherches de laboratoire.
Or, les didacticiens et les enseignants de terrain ont besoin de s'appuyer sur les apports des sciences cognitives pour concevoir et mettre en œuvre des stratégies pédagogiques adaptées aux différents profils des élèves. Les chercheurs doivent connaître les besoins des enseignants pour concevoir et mettre en place leurs protocoles de recherche et définir les facteurs les plus importants sur lesquels travailler. Le plurilinguisme algérien a été au cœur des travaux novateurs et de questions de recherche nouvelles particulièrement importantes dans le contexte de la mondialisation des échanges. Des synergies se sont ainsi développées depuis de nombreuses années en Algérie et ont montré leur efficacité. De nombreuses recherches conduites dans différentes universités algériennes tentent de développer ce nouveau courant de recherche. Par exemple, la prise en compte du contexte plurilingue et pluriculturel des apprenants algériens dans l'étude du traitement cognitif des textes en français langue étrangère a fait l'objet de nombreux travaux.
Avec la révolution numérique, le développement de l'apprentissage en réseau et du co-apprentissage à distance, les caractéristiques culturelles et linguistiques des apprenants sont devenus des facteurs indispensables et à prendre en compte pour comprendre l'activité de (co)compréhension, de (co)écriture et de (co)construction des connaissances. A l'ère de l'internet et de la généralisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication à l'école et en classe de langue, de nombreuses recherches sur la littératie numérique et la didactique cognitive des langues s'appuient sur les contextes plurilingues et pluriculturels des apprenants, et permettent de sortir des cadres théoriques ethnocentrés, inefficaces et dépassés.
– Comment voyez-vous aussi l'intérêt des sciences cognitives dans le domaine de la recherche sur la communication ?
Dans son rapport «Programme de recherche sur les sciences de la communication», publié en 1989, Dominique Wolton considérait comme essentielles les collaborations entre linguistes, psychologues et informaticiens et montrait l'importance de l'Association pour la recherche cognitive, qui a permis de casser les frontières et de faire travailler en synergie les chercheurs des différentes disciplines. Depuis, de nombreux travaux ont permis de montrer l'intérêt des sciences cognitives dans l'analyse de la communication et des médias. Avec la généralisation de l'internet et la multiplication des échanges, le recours aux apports des sciences de la cognition s'avère de plus en plus indispensable pour comprendre et analyser les processus de communication, en particulier dans la co-construction des connaissances scientifiques (voir par exemple Ben Ismaïl D., Alkhatib M.Y. &Legros D., 2015).https://www.igi-global.com/book/handbook-research-virtual-environments-hypermedia/142136
– Et dans le domaine de la recherche sur la littérature ?
L'intérêt et le rôle des sciences cognitives dans les recherches sur la littérature se développent très rapidement depuis quelques années. Les études sur le texte littéraire et son traitement s'appuient en effet de plus en plus sur l'appareillage conceptuel et les méthodologies de recherche utilisés dans les travaux sur le traitement cognitif du texte et l'activité interprétative. Cette ouverture, favorable au développement de recherches inter et pluridisciplinaires, peut s'expliquer par la dynamique et la sensibilité créatrice de la pensée contemporaine, mais aussi par la multiplication des travaux consacrés à l'activité de lecture proposés par les sciences de la cognition. Des modèles issus de cette révolution conceptuelle se développent dans tous les domaines, et en particulier, depuis peu, dans le domaine de la littérature et de l'activité interprétative des textes littéraires.
– Barthes aujourd'hui à la lumière des sciences cognitives…
Roland Barthes dans L'analyse structurale du récit (1966) a été l'un des initiateurs de cette nouvelle génération de méthodologies de recherche qui, selon Jean Petitot (1989), a permis d'avancer dans la problématique des rapports entre l'esprit et le sens et dans l'analyse des structures à la base des opérations sémiologiques, c'est-à-dire plus largement des opérations cognitives. Il a de cette façon contribué au développement massif du paradigme cognitiviste. C'est ainsi qu'à sa suite, des auteurs comme Van Peer (1990) ont pu montrer que «les poèmes et les textes littéraires possèdent des caractéristiques textuelles structurales spécifiques qui permettraient au lecteur, lorsqu'il traite le texte, de dépasser la signification des mots et des phrases et d'atteindre la signifiance littéraire (voir Legros, 1991), c'est-à-dire une dimension «supérieure» de l'expérience textuelle, traditionnellement appelée la «dimension esthétique». (Van Peer, W., (1990), The mesurement of metre. Its cognitive and affective functions. Poetics, 19, 259-275. Legros, D. (1991). Le Traitement du texte poétique, Psychologie française, 36, 2, 187-196) ).


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