Introduction La Chambre de commerce internationale (CCI), organisation internationale non gouvernementale dont le siège est à Paris, a adopté, en 2010, une nouvelle version des règles Incoterms, les règles Incoterms® 2010. Cette nouvelle version succédant à l'ancienne, les règles Incoterms 2000 est entrée en vigueur le 1er janvier 2011. Conscientes des incidences de cette nouvelle version sur la valeur en douane des marchandises importées, les douanes du monde entier ont essayé par le truchement de leur site internet notamment, de sensibiliser leurs agents, leurs auxiliaires et les opérateurs économiques sur de telles retombées. Qu'en est-il des douanes algériennes ? La visite de leur site internet www.douane.gov.dz a permis de constater l'absence totale d'informations concernant les règles Incoterms® 2010. Le silence de cette administration sur ces règles dont l'entrée en vigueur a coïncidé avec le message que le Secrétaire général de l'Organisation mondiale des douanes (OMD) a adressé, le 26 janvier 2011, Journée internationale de la douane, aux 177 douanes nationales, par lequel il leur demande de faire de l'année 2011, l'année de la connaissance, est déconcertant à plus d'un titre. En effet, passer sous silence ces règles, c'est en même temps ignorer le message du Secrétaire général de l'OMD et s'abstenir d'assister en matière douanière les opérateurs économiques à défendre leurs droits et à s'acquitter de leurs obligations à l'international ! De quoi s'agit-il au juste ? De l'historique des règles Incoterms® La première version des règles Incoterms a été publiée pour la première fois en 1936 par la CCI sous le vocable «Incoterms 1936». Cette version a fait l'objet par la suite de plusieurs modifications dont les dernières en date remontent aux années 1980, 1990, 2000 et 2010, soit une modification tous les 10 ans. Il s'ensuit que c'est la CCI qui a codifié, revu et corrigé les règles Incoterms et c'est elle qui les gère depuis maintenant plus de 70 ans. De la signification de l'acronyme «Incoterms» L'acronyme «Incoterms» est la contraction de trois mots anglo-saxons «Iternational Commercial Terms», voulant dire dans la langue de Molière, le français, «termes du commerce international». Pour enrichir leur langue et ne pas dépendre continuellement et totalement de celle de Shakespeare, l'anglais, laquelle est la langue de référence juridique des Incoterms, les Français ont trouvé à l'acronyme «Incoterms» un substitut, l'acronyme «CIV» signifiant «Conditions internationales de vente». De la définition des règles Incoterms® Les règles Incoterms® peuvent être définies comme étant un ensemble de définitions des conditions internationales de vente. Autrement dit, les règles Incoterms®, dont le nombre et les caractéristiques sont repris au tableau synoptique ci-après, s'analysent en un ensemble de sigles constitués chacun de trois lettres alphabétiques représentant chacune un mot significatif (ex. CIF : Cost, Insurance and Freight (Coût, assurance et fret). Des règles Incoterms® 2010 L'analyse du tableau synoptique précédent laisse apparaître que celui-ci, outre qu'il reprend onze règles Incoterms® 2010 : CIF, CFR, FOB, FAS, DAT, EXW, FCA, DAP, CPT, DDP et CIP, est agrémenté d'une image originale et géniale ayant la forme d'un crayon de couleur taillé des deux côtés et orné sur la surface et les côtés de certaines figures et indications significatives, le tout symbolisant les obligations du vendeur et de l'acheteur à l'occasion d'une transaction commerciale internationale. En réalité, par le truchement de ce graphique, il est question d'inculquer par l'image aux personnes concernées par le commerce international (exportateurs, importateurs, douaniers, banquiers, assureurs, transporteurs, consignataires, enseignants, apprenants, juges, avocats, etc.), les règles Incoterms® 2010, c'est-à-dire les conditions internationales de vente. L'examen du même tableau synoptique repris ci-dessus fait ressortir également que les règles Incoterms® 2010 y figurant ont été scindées par la CCI en deux familles : les «règles pour tout mode de transport» et les «règles applicables au transport maritime et au transport par voies fluviales» ( ). Des «règles pour tout mode de transport» La CCI les appelle ainsi, parce qu'elles peuvent être utilisées par les cocontractants quel que soit le mode de transport choisi par eux pour l'acheminement des marchandises de l'établissement du vendeur à celui de l'acheteur : maritime, aérien, terrestre, multimodal. Au nombre de sept, ces règles sont : EXW, FCA, CPT, CIP, DAT, DAP et DDP. Afin de connaître, d'une part, leur signification en anglais et en français et, d'autre part, les obligations qu'elles mettent à la charge du vendeur et de l'acheteur, il importe de les reprendre au tableau ci-après, en s'inspirant évidemment des règles de la CCI pour l'utilisation des termes de commerce nationaux et internationaux. Des «règles applicables au transport maritime et au transport par voies fluviales» La CCI les nomme ainsi, parce que le vendeur et l'acheteur ne peuvent les utiliser que lorsqu'il s'agit pour eux d'acheminer les marchandises soit par voie maritime, soit par voies fluviales. Au nombre de quatre, ces règles sont : FAS, FOB, CFR et CIF. Il s'ensuit que grâce au type de règle Incoterms® retenu par les cocontractants pour l'acheminement des marchandises de l'établissement du vendeur à celui de l'acheteur, il est possible de déterminer, au vu des documents commerciaux et par anticipation : pour les cocontractants, la part que chacun d'eux devra supporter au titre des frais et risques liés au contrat commercial qu'ils ont conclu ; pour la banque où est domicilié ce contrat, le montant de la créance à transférer à l'étranger ou à rapatrier en Algérie en vertu de cette transaction ; pour la douane, la valeur en douane à prendre en considération pour calculer les droits et taxes que les marchandises importées doivent supporter avant leur enlèvement par le déclarant en douane ; pour le transporteur, le montant du fret, s'il est payant à destination, à réclamer au réceptionnaire des marchandises. De l'utilité des règles Incoterms® Les règles Incoterms® permettent la réalisation de deux choses simultanément : éviter aux acteurs du commerce international (vendeurs, acheteurs, commissionnaires en douane, etc.) incompréhensions, litiges, procès et pertes de temps et d'argent ; dissocier deux questions fondamentales : a) le transfert de risques du vendeur à l'acheteur, lequel dépend de la règle Incoterm® choisie par les cocontractants et b) le transfert de propriété, lequel est tributaire du droit applicable au contrat. Des frais à inclure dans la valeur en douane et des frais à ne pas y inclure en vertu du code des douanes Aux termes des articles 16 ter et 16 octiès du code des douanes, la valeur en douane des marchandises importées, est la valeur transactionnelle, c'est-à-dire le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises lorsqu'elles sont vendues pour l'exportation à destination du territoire douanier algérien, augmentée des éléments suivants : les commissions et frais de courtage, à l'exception des commissions d'achat ; le coût des contenants traités, à des fins douanières, comme ne faisant qu'un avec la marchandise ; le coût de l'emballage, comprenant aussi bien la main-d'œuvre que les matériaux ; la valeur, sous réserve qu'elle n'a pas été incluse dans le prix effectivement payé ou à payer : – des matières, composants, parties et éléments similaires incorporés dans les marchandises importées ; – des outils, matrices, moules et objets similaires pour la production des marchandises importées ; – des matières premières consommées dans la production des marchandises importées ; – des travaux d'ingénierie, d'étude, d'art et de design, plans et croquis, exécutés ailleurs que dans le pays d'importation et nécessaires pour la production des marchandises importées ; et de toute partie du produit de toute vente, cession ou utilisation ultérieure des marchandises importées qui revient directement ou indirectement au vendeur ; les redevances et les droits de licence relatifs aux marchandises à évaluer, que l'acheteur est tenu d'acquitter, soit directement, soit indirectement, en tant que condition de la vente des marchandises à évaluer, dans la mesure où ces redevances et droit de licence n'ont pas été inclus dans le prix effectivement payé ou à payer ; les frais de transport et d'assurance, les frais de chargement et de manutention connexes au transport des marchandises importées, jusqu'au lieu d'introduction des marchandises dans le territoire douanier. Il convient de noter que les éléments suivants, lorsqu'ils sont distincts du prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises importées, ne doivent pas être intégrés à la valeur en douane : les frais relatifs à des travaux de constructions, d'installation, de montage, d'entretien ou d'assistance technique entrepris après l'importation en ce qui concerne des marchandises importées, telles des installations, des machines ou du matériel industriel ; et les droits de douane et autres taxes à payer en Algérie en raison de l'importation ou de la vente des marchandises. Des frais à inclure dans la valeur en douane en vertu des règles Incoterms® 2010 Contrairement au site internet des douanes algériennes (www.douane.gov.dz) dont la visite s'est soldée comme on l'a vu par la découverte de zéro informations concernant les règles Incoterms® 2010, la visite du site internet des douanes françaises (www.douane.gouv.fr), au contraire, a permis de découvrir un tableau synoptique intitulé «Incoterms : Frais à inclure dans la valeur en douane». L'examen de ce tableau publié le mois de novembre 2010, c'est-à-dire avant l'entrée en vigueur le 1er janvier 2011 des règles Incoterms® 2010, laisse apparaître que celui-ci résume impeccablement le contenu de ces règles en ce qui concerne les frais à inclure dans la valeur en douane. Autrement dit, ce tableau précise, règle Incoterms® par règle Incoterms®, les obligations du vendeur et de l'acheteur, en ce qui concerne en particulier les frais à inclure dans la valeur en douane, ce qui est de nature à éviter aux acteurs du commerce international, d'une part, incompréhensions, litiges, procès et pertes de temps et d'argent et, d'autre part, de tomber sous le coup des dispositions répressives, par ailleurs très sévères, du code des douanes. Eu égard à la pertinence et au caractère universel de ces informations, il importe par voie de conséquence de les reprendre au tableau suivant. Il s'ensuit que les frais à inclure dans la valeur en douane sont : pour certains, communs à l'ensemble des règles Incoterms® ou sigles (ex. emballage, chargement en usine ou en entrepôt, acheminement vers une plateforme de départ) ; pour d'autres, spécifiques à plusieurs règles Incoterms® ou sigles (ex. chargement du moyen de transport principal au départ, transport principal) ; et pour d'autres encore, particuliers à une ou deux règles Incoterms® ou sigles (ex. formalités douanières, déchargement du moyen de transport principal à l'arrivée, etc.). Conclusion L'usage des règles Incoterms® est purement volontaire et les vendeurs (exportateurs) sont libres de les utiliser ou pas et surtout d'utiliser n'importe quelles règles Incoterms®, comme par exemple les règles Incoterms 2000. C'est grosso modo dans ces termes que la CCI a, dans une lettre qu'elle adressée à l'OMD en date du 20 janvier 2011, répondu à certaines douanes, notamment japonaises, qui bloqueraient certaines livraisons au motif qu'il n'est pas fait état des règles Incoterms® 2010. Enfin, il est fort probable que la CCI nous fera comme d'habitude, au titre de l'année 2020, un cadeau consistant en une nouvelle version des règles Incoterms® 2020.