Parmi la flopée d'images qui ont fait le tour du monde depuis l'attaque de la flottille « Liberté » par l'armée israélienne, il en est une qui attire particulièrement l'attention : celle de l'omniprésence du drapeau algérien sur nombre de ces images. Cela s'explique essentiellement par l'importante présence algérienne dans cette louable et courageuse expédition humanitaire qui vise, rappelle-t-on, à briser le blocus imposé à Ghaza. Paradoxalement, malgré la forte implication algérienne dans cette opération, ici, à Alger, c'est le calme plat. Alors qu'une lame de fond planétaire semble soulever comme un seul homme les sociétés civiles du monde entier, chez nous, ce sont toujours les mêmes brides qui semblent tenir en laisse la société, la poussant à refouler son fiel et ravaler sa colère. Il y eut, malgré tout, quelques initiatives pour dire plus énergiquement la solidarité algérienne. L'un des rares gestes à noter, en l'occurrence, nous vient du professeur Daho Djerbal qui a organisé une minute de silence avec ses étudiants à l'université de Bouzaréah. « Devant l'impuissance et l'innommable lâcheté dont nos gouvernements et leurs représentants font preuve face à l'acte ignoble dont ont été l'objet les passagers de la flottille d'aide humanitaire à la population de Ghaza, elle-même suppliciée du droit international, et devant l'assourdissant silence de l'université algérienne, je ne trouve rien de mieux que de demander aux étudiants de l'amphi « Intifadha » de l'université de Bouzaréah, venus passer leurs examens de fin d'année, d'observer une minute de silence à la mémoire de ces nouveaux martyrs », déplorait Daho Djerbal dans un communiqué. Une minute de silence devait être observée également hier soir, boulevard de la Palestine, à Oran, à l'initiative d'un collectif de citoyens. Blocus de Ghaza et d'Alger… On se souvient qu'au plus fort de la guerre de l'hiver 2009 contre Ghaza, la rue algérienne avait mis du temps à s'ébranler. Et ce fut les mosquées qui mobilisèrent les premières les foules avant que des organisations politiques et autres associations civiles ne prennent le relais. « Nous avons organisé hier (avant-hier, ndlr), un petit rassemblement devant la mosquée, entre les prières du maghreb et de l'icha, pour dénoncer l'agression israélienne », confie un citoyen résidant à Belcourt. Oui : une nouvelle fois, c'est des mosquées que monte la contestation. Ce sont elles qui semblent avoir la primauté sur le dossier palestinien. Quoi qu'il en soit, tout porte à croire que l'état d'urgence demeure le principal obstacle à une réactivité plus spontanée de la part de la rue algérienne, ce qui souligne l'abîme qui sépare la société des élites dirigeantes. Un décalage qui se fait cruellement sentir, justement, sur des sujets aussi sensibles que la question palestinienne, et où l'on mesure l'écart sidérant entre des régimes timorés et veules et des populations qui ne demandent qu'à en découdre avec l'arrogance israélienne, malgré sa puissance de feu. Aujourd'hui, les Algériens eux-mêmes vivent une situation de blocus dans la mesure où ils ne peuvent plus organiser la moindre manif', marche populaire ou grève sauvage sans que les foudres de la répression policière s'abattent sur eux. Petite consolation : un petit groupe de citoyens s'est donné rendez-vous aujourd'hui, à 11h, devant l'ambassade des Etats-Unis à Alger, pour dénoncer le silence complice d'Obama. Soyons nombreux…