Tout ça pour ça ! Alors que les revendications populaires sont axées sur un changement radical des méthodes et des hommes ayant conduit la politique désastreuse du Président déchu, voilà que la place politique renoue avec le système honni. Pour s'en convaincre, il n'y a qu'à voir les candidatures, symboles du système Bouteflika, se bousculer au portillon de la présidentielle et l'absence quasi totale de figures nouvelles et celles jouissant d'un certain crédit au sein des citoyens. On n'a eu de cesse de louer les vertus des élections qui sont une des clefs de la démocratie et dont elles sont un passage obligé. Mais y aller au pas de charge, dans un climat tendu qui accuse un déficit de confiance mutuelle, d'apaisement, vainement réclamé, des préalables et des garanties rejetés ainsi que des libertés continuellement malmenées et confisquées, n'est-il pas de nature à créer des fissures dans l'édifice de l'unité de la nation ? Le futur Président va jouir des mêmes prérogatives énormissimes que le locataire d'El Mouradia déchu s'est octroyées. N'aurait-il pas fallu procéder à des changements dans la Constitution avant d'engager l'avenir du pays ? Car la première vertu d'une Constitution est d'établir le pouvoir, sur des assises fermes, en veillant aux équilibres sociaux et institutionnels (séparation des pouvoirs) et à la stabilité sur la base d'un assentiment général. Il faudra aussi à l'avenir expliquer l'esprit et la lettre de ce texte et ceux des institutions avec clarté, en évitant de le détourner, tout en se cachant derrière, comme l'a fait le Président démissionnaire qui s'est accordé des «privilèges» considérables qui rompent les équilibres. Alors que l'unité de la nation repose sur le rôle d'arbitre de son Président bien élu. Il ne le sera que si les textes nouveaux à inventer obéissent au consentement général de la société. Aussi, il ne faut pas que ce Président élu ne le soit par défaut ou pas dépit ! Car il doit incarner le lien social, donc rassembleur et qui doit rendre des comptes devant la représentation populaire, c'est-à-dire les Assemblées élues dont on doit redéfinir les rôles vu l'état de délabrement moral auquel elles sont arrivées à travers des personnels issus de la triche et de la fraude. Les Assemblées, à des exceptions près, sont devenues de grandes foires où se négocient les fructifications des fortunes, les magouilles dans l'impunité totale ! Car protégées par l'immunité, qui à l'origine leur a été accordée pour se prémunir contre les excès de l'Exécutif et non pas pour se protéger personnellement malgré toutes leurs dérives. Ceux-là aussi doivent, à l'instar du commun des citoyens, être jugés comme tous les justiciables en cas de faute et se plier à la responsabilité pénale de droit commun devant des juridictions ordinaires. Le texte fondamental à venir a pour rôle aussi d'instaurer un équilibre entre la capacité de gouverner d'une majorité sortie des urnes, et la capacité de lui succéder d'une opposition en vertu d'une alternance aboutie. Il s'agit pour les uns de gouverner sans faiblesse, et pour les autres de s'opposer sans concession !