Le cinéma algérien va mal. Constat démontré par les deux documentaires de Salim Aggar et de Larbi Benchiha, ça tourne à Alger et L'Algérie, son cinéma et moi, projetés, samedi et dimanche, au Centre culturel français (CCF) de Annaba, à la faveur de la deuxième édition de « Cinéma sous les étoiles ». Annaba De notre envoyé spécial Documentariste et producteur à la chaîne publique France 3, Larbi Benchiha est revenu en Algérie pour « pleurer » la situation du septième art. A Sidi Bel Abbès, il constate qu'il ne reste qu'une salle de cinéma pour 600 000 habitants. « Par le passé, la ville possédait six salles », a-t-il noté. Il a montré le chantier de rénovation de la cinémathèque de Sidi Bel Abbès. A Alger et à Sidi Dahou, son village natal, il a fait parler des jeunes et des moins jeunes. Ils sont tous unanimes : ils ne vont plus au cinéma. Mais, cela on le sait. Larbi Benchiha reste dans l'état des lieux connu. Il ne donne aucune perspective comme s'il s'agissait d'une fatalité. Subjectif, le documentaire laisse une impression de pessimisme exagéré, comme s'il n'y avait rien en Algérie. Larbi Benchiha ose même dire que Mohamed Chouikh est parmi les rares réalisateurs qui n'ont pas choisi « l'exil ». Au-delà du fait que cela est faux, le documentariste ne fait parler aucun jeune cinéaste. Cela dit, Larbi Benchiha a fait une bonne remarque sur les journaux algériens : la publication exclusive et quotidienne des programmes des chaînes de télévision françaises, alors qu'une grande partie du public s'est détournée de ces chaînes au profit des télévisions arabes. Salim Aggar, pour sa part, est revenu sur les conditions difficiles de réalisation des films à Alger, ville encore sous état d'urgence. Il a donné la parole à Malik Lakhdar Hamina dont le long métrage Octobre est encore censuré en Algérie, dix-huit ans après sa production. Il a également expliqué comment des acteurs professionnels ont refusé de jouer dans le film Rachida, de Yamina Bachir Chouikh, qui a traité du phénomène terroriste. Animant les débats sur ces deux documentaires, Mohamed Bensalah, universitaire, critique et cinéaste, a relevé que l'état du cinéma en Algérie est inquiétant. Il a évoqué la fermeture des salles, l'absence de ciné-clubs, le désengagement des institutions de l'Etat et la fermeture des laboratoires de développement de films. Evoquant la perte des métiers liés au cinéma, il a révélé que l'Algérie n'a plus de projectionnistes professionnels ni de décorateurs de studios ni de confectionneurs de costumes. « Pour les besoins de son film Ben Boulaïd, Ahmed Rachedi a été obligé de commander des habits en Italie », a-t-il relevé, soulignant que Youcef Sahraoui, célèbre directeur photos aujourd'hui disparu, n'a pas été remplacé. Selon lui, on a « dé-sensibilisé » les jeunes par rapport au cinéma. Des intervenants ont relevé que l'expression cinématographique ne se fait pas uniquement par 35 mm puisque le numérique supplante tous les autres supports. Les jeunes préfèrent télécharger des œuvres sur internet que d'aller dans les salles. « Aujourd'hui, nous sommes dans une iconosphère, partout il y a des images. Avec l'importe quel appareil, vous pouvez faire des images. Mais apprenez à le faire », a lancé Mohamed Bensalah à l'adresse des jeunes. Mohamed Bensalah prépare un ouvrage sur le cinéma au Maghreb. Avec Vent de sable, le Sahara des essais nucléaires, Larbi Benchiha a fait mieux que L'Algérie, son cinéma et moi en allant faire des recherches sur un sujet encore tabou. Démarche poursuivie avec L'Algérie, de Gaulle et la bombe, qui vient de sortir en France, et dans lequel le documentariste raconte la chronologie de l'explosion de la première bombe atomique française le 13 février 1960 dans le Sud algérien. « On sait aujourd'hui que les Algériens avaient négocié en 1962 pour la poursuite des essais nucléaires au Sahara. Larbi Benchiha a demandé à Réda Malek, dernier négociateur des Accords d'Evian, de témoigner dans son documentaire. Il a refusé après avoir accepté », a révélé Mohamed Bensalah. Demain sera projeté dans la cour du lycée ex-Pierre et Marie Curie, Le Dernier Combat, un film d'anticipation peu connu, de Luc Besson. Mercredi, le public de Annaba sera convié à (re)voir Beur, blanc, rouge, de Mahmoud Zemmouri. Ce long métrage drôle est inspiré d'une certaine rencontre de football France-Algérie. Cela tombe bien avec le Mondial sud-africain !