La folie meurtrière des années 1990 a été accompagnée d'un étonnant foisonnement « d'associations de défense des droits moraux et matériels des victimes et des ayants droit ». Ce pullulement de comités et de collectifs a eu pour conséquences les polémiques, les mésalliances souvent bruyantes et les querelles de leadership. Au lieu d'apporter aide et réconfort aux familles des victimes, ces associations se sont enlisées dans des problèmes spéculatifs. Ce fut le 26 décembre 1993, au moment où le terrorisme atteignait le seuil de l'intolérance, qu'un groupe de familles des victimes du terrorisme s'est réuni à Alger pour, à la fin des travaux, annoncer la création du premier embryon de l'Association nationale des familles des victimes de terrorisme (ANFVT). Ce fut la première association mise sur pied pour laver l'affront. Née dans la douleur, l'ANFVT a été, dès le début, le théâtre de tous les tiraillements. Ses membres ne faisaient pas bon ménage et la contestation avait poussé de nombreux adhérents de ces associations à claquer la porte. La tension avait, toutefois, atteint son paroxysme avec le soutien apporté, en 1997, par Mme Flici, présidente de l'association, au RND, le parti de l'administration, créé en un éclair. Les membres du bureau de la wilaya de Blida, sous la conduite de Mme Cherifa Khedar, se sont aussitôt retirés de l'ANFVT pour créer une association locale indépendante dénommée Djazaïrouna. Simultanément, plus de 500 membres de l'ANFVT, venus de différentes wilayas du pays, ont tenu une assemblée générale à Alger pour retirer leur confiance à Flici, accusée de connivence et de complaisance avec les autorités. Malgré la répression, les participants avaient adopté et rendu publique une motion de retrait de confiance à la présidente. Forte du soutien du RND, Mme Flici avait refusé de s'y soumettre. Durant la campagne pour le référendum de 1999, Flici s'était exprimée en faveur de la concorde civile après l'avoir dénoncée, de façon véhémente, quelques jours auparavant ! Presque à la même période, à l'initiative de Djamil Benrabah, une dizaine de familles de victimes de terrorisme, dont certaines affiliées déjà à l'association nationale, se sont réunies à Alger pour créer l'Organisation nationale des familles victimes du terrorisme et des ayants droit (ONVITAD). Le bureau d'Alger a été confié à une dissidente de Mme Flici, en l'occurrence Mme Rabha Tounsi. L'ANFVT a été transformée, en 1999, en ONFVT (ONG). Ce fut aussi l'époque où Mme Tounsi se lança dans une campagne virulente contre M. Benrabah. Ce dernier se retira de l'ONFVT et créa le Comité de coordination pour la vérité et la justice (CCVJ) dont il devint le porte-parole. Le CNOT s'était élevé contre la logique de capitulation devant le terrorisme. De son côté, Ali Merabet a créé Somoud, une association de familles des victimes enlevées par les groupes armés. D'autres collectifs ont vu également le jour durant la décennie noire. Il s'agit de l'Association nationale des familles de disparus (ANFD) et du comite SOS Disparus.