Trois projets de musées, consacrés à la présence française en Algérie, ont été lancés dans le Sud, plus précisément à Perpignan, Marseille et Montpellier, en septembre 2007 par des élus et des associations pieds-noirs « nostalgériques ». Paris. De notre bureau La guerre d'Algérie se prolonge dans le sud de la France où sont regroupés la plupart des rapatriés. Parmi eux des groupuscules très actifs qui entretiennent une mémoire nostalgique et revancharde de « l'Algérie française » et de « grandeur coloniale » perdue. Dans leur combat en vue d'obtenir que leur mémoire devienne l'histoire officielle, ils ont trouvé des soutiens actifs auprès de nombreux députés du Midi méditerranéen. « Ce n'est pas un hasard si des élus qui ont porté ce discours de dénégation et de légitimation de la colonisation se situent géographiquement dans le Midi de la France », nous affirmait l'historien Gilles Manceron dans une récente interview . Et l'historien de préciser, au sujet de la polémique autour du film de Bouchareb avant même sa présentation officielle à Cannes : « Cette polémique témoigne d'un phénomène qu'on connaît déjà, c'est-à-dire l'existence de milieux nostalgiques de la colonisation qui sont portés par l'extrême-droite, mais qui sont aussi représentés au sein même de la majorité politique actuelle en France. Le secrétaire d'Etat aux Anciens combattants, Hubert Falco, maire de Toulon, a été un relais pour les députés qui l'ont saisi à la demande de cette fraction de l'opinion française, notamment Lionel Luca, député de Nice, vice-président du conseil général des Alpes-Maritimes, et aussi un autre député de l'Hérault, Elie Aboud qui n'ont pas supporté qu'un film dise et montre un certain nombre de choses sur l'histoire de l'Algérie coloniale et sur la guerre d'indépendance. » Cette instrumentalisation mémorielle sélective et vengeresse - à des fins électoralistes mais aussi de réécriture de l'histoire coloniale -, loin de contribuer à l'apaisement des esprits et à la réconciliation, souffle sur les braises. D'où la multiplication des manifestations dites du souvenir, comme l'inauguration de mémoriaux à la gloire des tueurs de l'OAS. Cette « campagne révisionniste qui se développe sur ce que fut la réalité du régime colonial en Algérie ainsi que sur le bien-fondé de la décolonisation et, pour les Algériens, de la guerre de libération » est dénoncée par des associations qui militent pour la reconnaissance de toutes les mémoires liées à la colonisation, à l'instar de l'Association nationale des pieds-noirs progressistes et leurs amis (ANPNPA). C'est de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur qu'est partie l'initiative de l'article 4 de la loi du 23 février 2005. C'est aussi à partitr de cette région que se mène une bataille pour la réhabilitation de l'OAS. C'est encore de cette région qu'est partie la polémique virulente contre Hors la loi , le film de Rachid Bouchareb. Révisionnisme A partir des années 1970, une demande mémorielle a commencé à se manifester, émanant souvent de petits groupes nostalgiques s'affirmant représentatifs de l'ensemble des rapatriés. C'est ainsi que le Cercle algérianiste a été fondé en novembre 1973 par une poignée de jeunes pieds-noirs « pour sauvegarder de l'oubli et du néant le peu qui nous reste de notre passé magnifique et cruel ». Le dépôt à l'Assemblée nationale, le 10 mars 2004, d'un projet de loi « portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés » a représenté la prise en compte par le gouvernement Raffarin de nombreuses revendications du « lobby algérianiste ». Trois projets de musées, consacrés à la présence française en Algérie, ont été lancés dans le Sud, plus précisément à Perpignan, Marseille et Montpellier, en septembre 2007 par des élus et des associations de pieds-noirs « nostalgériques ». A Perpignan, la réalisation d'un Centre de documentation de la présence française en Algérie été confiée au Cercle algérianiste. « Ce projet de centre est encore plus grave », dénonce Anne Gaudron, présidente de la LDH de Perpignan. « Sans aucun comité scientifique, ce centre va délivrer une vision partisane, en droite ligne de la politique du gouvernement de réhabilitation de l'entreprise coloniale. » Dans un appel du 7 novembre 2007, le collectif « Non au musée de la mairie de Perpignan à la gloire de la colonisation » (ce collectif est composé de plusieurs dizaine d'associations locales et nationales) relevait qu'« alors que le discours sur les bienfaits de la colonisation semble être revenu à la mode, tout ce que la France compte de nostalgiques de l'Algérie française et d'apologistes du colonialisme lève la tête »… Le collectif affirmait soutenir, pour sa part, « les musées, centres de documentations ou mémoriaux où s'écrirait l'histoire : celle des colons, des immigrants et des militaires, mais aussi celle des colonisés, ce qui implique de travailler aussi avec des historiens algériens », et « toutes les réalisations qui, sans privilégier ni ignorer aucune mémoire, chercheraient à poser un regard apaisé sur ce passé et s'inscriraient dans une démarche de réconciliation pour l'avenir ». Pour la réhabilitation de l'OAS Le 25 novembre 2007, a été inauguré le Mémorial national des disparus érigé au couvent Sainte-Claire de Perpignan. Sa conception a été confiée par le sénateur-maire UMP de Perpignan, Jean-Paul Alduy, au Cercle algérianiste. « Ce qui est grave, c'est que ce monument instrumentalise les mémoires et les souffrances réelles et légitimes de certaines victimes européennes alors qu'il en occulte d'autres. Avec ce mémorial, tous les ingrédients idéologiques sont présents pour enflammer une nouvelle guerre des mémoires, pour diviser et attiser la haine et le communautarisme », dénonçaient alors vingt-et-une organisations départementales et trente-et-une organisations nationales opposées à cette réalisation parmi lesquelles l'Anpromevo (Association de victimes de l'OAS), l'association Les amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs compagnons, la Ligue des droits de l'homme, le MRAP, l'Association d'amitié France-Algérie… Ces organisations considéraient que « tout au contraire, un mémorial, installé sur un espace public, s'inscrivant dans une démarche de réconciliation et de paix aurait dû rendre hommage à toutes les victimes de la guerre d'Algérie ». A Montpellier, Georges Frèche, « grand ami des pieds-noirs » depuis trente ans, en avait fait une affaire personnelle. Il s'agissait « de rendre hommage à ce que les Français ont fait là-bas », expliquait l'ex-maire de la ville (aujourd'hui président de l'Agglomération urbaine, et de la région Languedoc-Roussillon En 2008, le Premier ministre François Fillon, annonçait la création en 2008 d'une Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie en application de l'article 3 de cette même loi du 23 février 2005. Cette fondation, contestée par les historiens, doit ouvrir ses portes prochainement. Autre combat de ce lobby, appuyé par quelques députés comme Kléber Mesquida, François Alberti, Rudy Salles, celui d'attribuer la mention de « Mort pour la France » aux victimes de l'ex-rue d'Isly (actuelle rue Larbi Ben Mhidi), soit de faire reconnaître comme des héros les manifestants d'Alger qui ont répondu à l'appel du commandement de l'OAS le 26 mars 1962. Tout récemment, la colonne centrale du Mémorial national des morts pour la France en Afrique du Nord, quai Branly à Paris « a été mise à la disposition d'associations d'anciens activistes et sympathisants de l'OAS pour y faire défiler les noms des victimes de la fusillade ayant tragiquement conclu cette manifestation, rue d'Isly » dénoncent des associations d'anciens combattants et de victimes de l'OAS. « De façon brutale, en l'absence de toute concertation préalable avec les associations d'anciens combattants concernées, et sans la moindre considération à l'égard des porteurs d'autres mémoires, le secrétaire d'Etat à la défense et aux anciens combattants a annoncé, en décembre 2009, qu'hommage serait officiellement rendu aux participants à une manifestation interdite, initiée par l'OAS, le 26 mars 1962 à Alger » relèvent ces associations.