Il aura fallu des décennies d'attente pour que l'Afrique arrache le privilège d'organiser un événement d'un tel prestige comme peut l'être la Coupe du monde, la plus grande et la plus riche compétition du monde. Même si l'Afrique du Sud peut être considérée comme un exemple à part dans le contexte global d'un continent voué aux gémonies internationales et largement en marge du processus de mondialisation, il n'empêche que c'est là une juste consécration. Méritée, parce que l'Afrique, avec les moyens dérisoires qui sont les siens, a su s'intégrer dignement dans le gotha mondial en donnant au sport des athlètes émérites et au football des joueurs de niveau supérieur. Il était donc tout à fait concevable de donner la chance à cet espace ravagé au passé (esclavagisme, guerre interethnique, pillages coloniaux, etc.), et au présent (mauvaise gouvernance, régimes dictatoriaux, sida, famine, etc.) par des souffrances multiformes, la chance d'émerger à l'actualité planétaire. Car c'est une belle revanche que nous, Africains, prenons sur les Afro-sceptiques qui ont de tout temps relégué notre désir de nous départir des clichés réducteurs dont ils n'ont eu de cesse de nous affubler pour nous empêcher d'évoluer vers plus de progrès. L'Afrique du Sud est une belle vitrine rutilante (la moitié de la richesse du continent) à présenter aux 4 milliards de téléspectateurs, même si l'arrière-boutique laisse un peu à désirer. Pays de paradoxes (les quatre cinquièmes des terres sont encore détenus par les Blancs), où cohabitent extraction diamantifère et pauvreté extrême, émergence d'une bourgeoisie noire et insécurité majeure (officiellement 20 000 meurtres et 50 000 viols par an), des villes « américanisées » et des bidonvilles par centaines de milliers, un tissu industriel dense et enviable, et un taux de chômage record (40% de la population noire), l'Afrique du Sud est devenue l'hôte du Mondial grâce à la personnalité de Nelson Mandela. Le plébiscite de celle-ci a été aidé, il faut le reconnaître, par le rayonnement de cet homme à la dimension supérieure qui est aussi populaire parmi les peuples que peut l'être la Coupe du monde. Sans être tout à fait politique, la désignation de cette terre d'accueil est perçue comme un cadeau de la FIFA au vainqueur de l'apartheid, à celui qui a su empêcher que l'Afrique du Sud ne sombre dans la guerre civile, mais qui n'a pu, en revanche, effacer efficacement les fractures raciales bien que les intérêts des Blancs aient été soigneusement préservés. Trop leurrée, souvent victime d'ingérence et parfois carrément administrée, l'Afrique se trouve encore aujourd'hui à la croisée des grandes luttes d'influence politico-économique que se livrent, tout en haut, l'Occident européen, de l'Est, l'Orient sino-nippon et de l'Ouest, Américains et Brésiliens. C'est en ce sens que l'organisation de la Coupe du monde à la pointe sud de l'Afrique se tiendra comme une épreuve qui déterminera le degré de maturité d'un continent à la recherche de repères durables. Le pays de Mandela se doit de réussir cette épreuve très difficile, ne serait-ce que pour faire taire définitivement les Afro-sceptiques de tout horizon à cœur de maintenir un continent dans une image de sous-développement irréversible. Quant à la compétition footballistique proprement dite, qui débute demain à la faveur d'une grandiose cérémonie d'ouverture, que le meilleur gagne…