La Bulgarie et ses 7,7 millions d'habitants a enregistré l'an dernier un record de 1181 naissances de jumeaux. Fille d'une jumelle, Tereza Todorova du village de Roudnik dans l'est de la Bulgarie, est elle aussi jumelle, tout comme ses deux filles et sa nièce. Son oncle et même les voisins sont jumeaux. Depuis 1944, une cinquantaine de paires gémellaires y ont vu le jour. Aussi, chaque printemps depuis 2005, Roudnik célèbre la fête des jumeaux avec concert et gâteaux. Des jumelles en tenue traditionnelle plantent un arbre et, sur la place devant la mairie, on croise des villageois ressemblant à la perfection à leur voisin, des plus jeunes aux plus âgés. Portant pantalons kaki et un T-shirt vert, Dimitar et Stoïan, jumeaux monozygotes de 3 ans, grimpent dans un arbre sous l'œil attentif des parents. « A notre mariage, ma tante, qui a des jumeaux, m'a dit de ne pas désespérer si je n'avais pas des jumeaux dès le premier coup. Et comme je les ai tant désirés, ça a marché », raconte leur mère, Milena Slavova, ingénieur de 29 ans. Ouvrières au chômage de la mine de charbon, les jumelles dizygotes Urmuz et Amide Moustafa, 59 ans, ne s'étonnent point : « Ici c'est normal, nous sommes jumelles comme beaucoup d'autres, notre grand-mère était jumelle. » Les naissances multiples ont lieu autant dans la minorité Rom, à laquelle appartiennent Urmuz et Amide, que dans la communauté bulgare de Roudnik de 5000 habitants. Quatre paires de jumeaux y sont nées de façon naturelle en 2009, trois en 2008 et deux en 2007, alors que 55 à 60 enfants y naissent chaque année. La Bulgarie et ses 7,7 millions d'habitants a, par ailleurs, enregistré l'an dernier un record de 1181 naissances de jumeaux, soit une pour 6525 habitants, notamment du fait du recours plus fréquent à la fécondation « in vitro », selon l'institut des statistiques. Dimka Katelieva, résidente de Roudnik originaire de Tchirpan (centre) et initiatrice de la fête des jumeaux, a développé sa thèse personnelle : « Qui a bu de la source minérale de Roudnik, qui s'est fait caresser par le vent de Roudnik, qui a buté contre les pierres de Roudnik aura forcément des jumeaux. » A l'inspection régionale de la santé publique, on assure dur comme fer que « les eaux dans toute la région, y compris les sources minérales, correspondent aux normes ». Dans l'attente d'études spécialisées sur le phénomène gémellaire de Roudnik, encore ignoré des scientifiques, un gynécologue et chercheur célèbre, s'exprimant sous couvert de l'anonymat, souhaite qu'on « cherche la présence d'éléments stimulant l'ovulation dans le sens de la production de plusieurs ovules mûrs » dans les eaux et le sol de la région. Pour le professeur Ivo Kremenski, chef du laboratoire national de génétique à Sofia, l'hérédité joue un rôle. « Certains couples seraient même des parents lointains et la migration dans ces villages aurait été limitée, le matériel génétique demeurant inchangé », a-t-il estimé. En effet, la plupart des familles interrogées sont originaires de Roudnik, d'autres s'y sont installées avec la vague d'industrialisation dans les années 1950.