Le film de Fatima Sissani »Résistantes » n'a pas pu être projeté à Sainte-Livrade sur Lot, suite à la pression d'un groupe de pieds-noirs et harkis soutenus par le Rassemblement national. Les organisateurs (AOC de l'égalité, Ancrage en partage, Rahmi, Alifs, Cinéma L'Utopie) ont préféré renoncer à l'intégralité de leur programme de rencontres qui devait avoir lieu samedi dans le petit village de Sainte-Livrade sur Lot, dans le Lot et Garonne. Le point d'orge de l'événement devait être la projection du film documentaire »Résistantes » de Fatima Sissani : « nous souhaitions donner la parole à des femmes engagées, d'hier à aujourd'hui. Mais il semble malheureusement que l'Histoire soit encore trop douloureuse pour pouvoir engager un dialogue serein. Nous n'avions pas d'autre objectif que d'ouvrir un espace de dialogue, respectant la dignité de tou.te.s, et surtout pas d'encourager des discours haineux, encore moins des actes de violence », ont-ils indiqué sur la page Facebook du Cinéma Utopia. Quand à Fatima Sissani, également sur sa page Facebook, elle devait affirmer à chaud, samedi soir : « Face aux menaces du Rassemblement national, d'une partie de la communauté harki et des pieds noirs, il m'a été très fortement conseillé de renoncer à me rendre à cette projection sauf à accepter, comme proposé par le commandant de gendarmerie d'y aller sous la protection d'un escadron de policiers (…). A son tour le directeur du cinéma qui souhaitait tout de même maintenir la projection a dû finalement y renoncer en raison des menaces que ces extrémistes ont continué à faire peser sur le cinéma. In fine, le cinéma lui-même a fermé ses portes aujourd'hui. Stupéfiant. Evidemment, cette horde d'ignares n'a même pas vu le film. Car alors ils auraient découvert qu'à aucun moment les Harkis ne sont mentionnés et qu'il ne s'agit pas d'une apologie du FLN. Ce film est une ode à la résistance à l'oppression. Mais 50 ans plus tard, il demeure toujours impossible pour certains d'entendre que la colonisation française en Algérie constitue un génocide doublé d'un »sociocide ». Impossible d'entendre parler du FLN dans des termes autres qu'injurieux et méprisants. Tant que l'Etat français ne reconnaitra pas et ne condamnera pas l'ampleur du crime colonial et des horreurs commises par l'armée française pendant la guerre d'Algérie, nous serons confronté.e.s à ce type de situations ». « NOUS CONTINUERONS A FILMER, ECRIRE, RACONTER, CHANTER, HURLER CETTE HISTOIRE DE L'OPPRESSION » La réalisatrice est d'autant plus « en colère et stupéfaite par tant de bêtises » que la projection du film devait être précédée d'une visite du camp de Bias, du Cafi et de Sainte-Livrade où « les Harkis avaient été parqués, pour les remercier de leurs »bons et loyaux services ». Merci la France ». Fatima Sissani se dit d'autre part « stupéfaite par la capacité de nuisance de ces gens, dont certains sont organisés en parti politique, qui font de l'ignorance, la haine et la violence leur porte-drapeau en toute légalité ». Optimiste elle affirme que de « Santiago à Alger, nous continuerons à filmer, écrire, raconter, chanter, hurler cette histoire de l'oppression et celle de la résistance car c'est aussi dans ces récits que nous puisons la force de lutter ». A l'origine, le titre du film était »Tes cheveux démêlés cachent une guerre de sept ans ». Il prit le titre de »Résistantes » lors de sa sortie commerciale en 2018. Le documentaire donne surtout la parole Eveline Lavalette (veuve du militant et journaliste Abdelkader Safir). Elle s'est éteinte à l'âge de 87 ans, le 25 avril 2014, alors que le film n'était pas encore finalisé. Une autre militante et moudjahida y est interrogé sur l'engagement, Zoulikha Bekkadour. On y entend aussi la militante de la cause nationale, psychiatre et psychanalyste Alice Cherki.