Vingt décembre. 44e vendredi de la mobilisation populaire ! Au lendemain de l'investiture du nouveau président de la République, Abdelmadjid Tebboune, le hirak prête aussi son serment pour poursuivre la lutte pour une rupture avec le système en place. Ceux qui s'attendaient à un essoufflement du mouvement, après le passage en force du 12 décembre, doivent être déçus. Très, même. Car la mobilisation n'a pas faibli. Au contraire, elle est toujours intacte. En effet, les manifestants ont envahi massivement les rues d'Alger, mais aussi des autres villes du pays, pour exprimer, à nouveau, leur rejet de l'agenda du pouvoir en place, ses élections, son Président et son appel au dialogue. Dans la capitale, comme c'est le cas depuis le début du mouvement populaire, il y a eu plusieurs marches qui ont toutes convergé vers la place Audin et la Grande-Poste. Des processions immenses se sont ébranlées de différents quartiers de la capitale. La première a démarré de la rue Belouizdad pour traverser la place du 1er Mai et s'engouffrer ensuite dans la rue Hassiba Ben Bouali en direction d'Alger-Centre. Elle est composée de plusieurs centaines de personnes ; hommes, femmes, vieux et jeunes et même des enfants. La foule a brandi des pancartes et banderoles sur lesquelles sont transcrits des slogans hostiles au plan du pouvoir en place. «Le hirak ne reconnaît pas le Président désigné par le système pour assurer sa pérennité. Pas d'acquiescement, pas de soumission, la révolution pacifique continue», peut-on lire sur l'une des pancartes. Les manifestants reprennent aussi les slogans habituels du hirak, appelant notamment à l'instauration d'un «Etat civil et non pas militaire !» «Daoula madania matchi 3askaria !» lancent-ils, en s'attaquant violemment aux généraux, accusés d'avoir confisqué le pouvoir politique. «Les généraux à la poubelle et l'Algérie recouvrera son indépendance !» et «Nous sommes engagé à chasser les généraux d'El Mouradia !» scandent-ils. Au même moment, d'autres foules, encore plus importantes, arrivent de Bab El Oued, de la place des Martyrs et de La Casbah. Les mêmes slogans sont aussi entonnés en chœur, au milieu d'un important dispositif policier déployé dans toute la ville. «Ya hna ya ntouma, ma ranach habsine !» (Ou c'est vous, ou c'est nous, nous n'allons pas nous arrêter), affirment les protestataires à l'adresse des tenants du pouvoir. Tebboune : la nouvelle cible Comme ce fut le cas à l'occasion de l'annonce de son élection, le nouveau président, Abdelmadjid Tebboune, a été la cible des manifestants. Ces derniers ont adapté les chansons consacrées par le passé au chef d'état-major de l'ANP, Ahmed Gaïd Salah, pour s'adresser à lui. «Ya Tebboune faq el ghachi dégagez !» (Eh Tebboune, le peuple est maintenant conscient, dégagez !) Et d'enchaîner : «Nous n'allons pas nous soumettre !» Les marcheurs qui ont rejoint aussi la foule amassée, dès le début d'après-midi, à la place Audin et à la Grande-Poste, disent ne pas reconnaître le nouveau Président. Ce faisant, ils rejettent aussi son invitation au dialogue faite il y a une semaine. «S'ils veulent un dialogue, qu'ils le fassent avec les personnes qui sont actuellement en prison», lance un des manifestants. «Je suis contre le dialogue tel qu'il est préconisé par le pouvoir», enchaîne un autre. Les manifestants n'ont pas également oublié les détenus politiques et d'opinion et ils réclament leur libération inconditionnelle, tout en brandissant leurs portraits et leurs photos. L'autre fait remarquable de ces manifestations est l'engagement, comme d'habitude, des débats avec des personnalités présentes dans le hirak. En effet, l'économiste Smail Lalmas et l'historien Mohand Arezki Ferrad ont engagé de longues discussions avec des groupes de manifestants dans la rue autour de la situation politique et des étapes à suivre pour atteindre l'idéal du changement.