Un groupe de députés issus de plusieurs partis politiques représentés à l'Assemblée populaire nationale et des indépendants ont déposé il y a quelques jours sur le bureau de l'APN une demande de constitution d'une commission d'enquête parlementaire sur la corruption. Parrainée par 25 parlementaires, dont deux élus du FLN et un du RND, dont les formations font partie de la majorité présidentielle, la requête des députés réunit, en droit, le quorum nécessaire fixé par les textes réglementaires en vigueur à 20 députés pour obtenir le quitus du bureau de l'APN. Dans la présentation liminaire de 4 pages accompagnant la demande, les députés préviennent, pour éviter tout amalgame, qu'il n'est nullement dans leur intention d'empiéter sur le travail de la justice et qu'ils entendent simplement exercer de manière « concrète et légitime des prérogatives et des droits et devoirs constitutionnels et légaux de l'instance parlementaire ». Selon ses instigateurs, la commission d'enquête aura pour mission d'engager des investigations sur « l'ampleur, les sources, méthodes et niveaux de responsabilité de la corruption et de proposer les correctifs juridiques et institutionnels susceptibles de mettre un terme à l'hémorragie qui saigne les ressources de la nation ». Vaste programme qui incline à se demander si la commission parlementaire pourrait avoir les moyens de sa politique en vue d'engager une telle réflexion, bousculer interdits et tabous qui entourent ce dossier sensible en accédant à l'information, quelles qu'en soient la puissance et l'influence des personnes mises en cause. Si toutefois, bien sûr, la demande est déclarée recevable par le bureau de l'APN, ce qui n'est pas évident, compte tenu précisément des enjeux stratégiques du dossier et des sensibilités politiques de la majorité des députés signataires du document. Au plan légal, le bureau de l'APN est souverain pour donner une suite favorable ou jeter au rebut l'initiative des députés. Mais d'un autre côté, le bureau se trouve, d'une certaine manière, piégé par ce coup de force constitutionnel dans la mesure où la demande des députés réunit le quorum exigé par la loi. Au-delà des manœuvres et des joutes parlementaires que cette initiative ne manquera pas de provoquer, telle qu'elle est déclinée, la commission d'enquête demandée ressemble, pour certains, à un forum de réflexion sur la corruption. Peut-être pas dans ses objectifs qui sont respectables et louables pour tous ceux qui militent pour la transparence dans la gestion des deniers publics, mais dans sa méthodologie de travail et les résultats pratiques sur lesquels pourraient déboucher les travaux d'une telle commission. D'aucuns y voient déjà, en effet, un simple abécédaire, un guide pratique de la lutte contre la corruption, tout juste bon à être enseigné dans les facultés de droit. Sans aucun effet exécutoire et contraignant pour les pouvoirs publics. L'initiative des députés aurait eu sans nul doute plus de pertinence aux plans politique et législatif si elle était mieux ciblée sur des dossiers concrets de corruption que le Parlement peut débattre dans les limites de ses prérogatives et dans le respect de l'institution judiciaire. Le compromis politique qui se dégage en filigrane de la formulation de l'intitulé de la commission d'enquête trouvera-t-il, malgré tout, des oreilles attentives au niveau du bureau de l'APN ?