Deux ans après les événements de Berriane, le consensus sur la feuille de route vers la paix, élaborée en mars 2009, semble avoir enfin trouvé de la concrétisation. Hier, la salle de conférences de la wilaya de Ghardaïa a abrité la cérémonie officielle de signature du pacte de paix intercommunautaire baptisé « charte de Berriane » qui ouvre une nouvelle page d'histoire dans la cohabitation ethnique et rituelle à Berriane, le sixième des sept ksour historiques de la vallée du M'zab. Quelque cinq cents représentants des communautés malékite et ibadite de Berriane et de la pentapole Ghardaïa ont pris part à cet acte solennel qui a regroupé des imams, des élus, des délégués du mouvement associatif, des membres de l'exécutif, chefs de daïra et présidents d'APC de la wilaya de Ghardaïa ainsi que les représentants des instances militaires et de sûreté de wilaya. La signature de la charte de Berriane s'est effectuée sous la présidence du ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Daho Ould Kablia, en présence de Yahia Fahim, wali de Ghardaïa. Après une allocution introductive du wali, le docteur Daoud Bourguiba et M. Hadj Bachir Kouadri, représentants respectivement les ibadites et les malékites de Berriane, ont présenté à l'assistance le contenu de la charte. M. Bourguiba a exprimé l'engagement total de sa communauté à la mise en œuvre effective du pacte de paix basé sur la feuille de route de mars 2009, marquant à l'occasion son allégeance « à la charte de la paix et de la concorde nationale sous le parrainage du ministre de l'Intérieur et le suivi bienveillant du président de la République ». Dans un discours religieux empreint d'une multitude de paraboles et citations coraniques, l'homme du consensus côté ibadite a qualifié cette ratification de « triomphe sur Satan qui a profité d'un moment de faiblesse et d'un manque de vigilance intercommunautaire pour semer la zizanie entre deux communautés qui vivent ensemble depuis des siècles ». La citation sera d'ailleurs reprise par le ministre de l'Intérieur lors de sa conférence de presse. Hadj Bachir Kouadri, représentant des malékites, focalise son propos sur les dix clauses de la charte de Berriane, énumérées explicitement. Selon lui, « l'esprit de la charte de Berriane est celui de l'harmonie sociale dans le respect de la citoyenneté et des constantes nationales. » Au-delà des différences de doctrine, de rite et de mouvance politique, le but, selon lui, est de vivre en intelligence et de préserver l'intégrité physique et morale de chaque citoyen. Le consensus sur ces principes est semble-t-il atteint puisque les deux représentants des communautés s'accordent à dire que les derniers mois ont été dédiés à une large concertation qui a englobé jeunes et vieux des deux sexes au sein des deux clans opposés. La concertation s'est effectuée en plusieurs rounds jusqu'en début de la semaine où 600 hommes et femmes, à égalité, ont constitué le noyau de base de la charte. Les signataires précisent que toutes les mouvances se sont mises d'accord sur les 10 clauses de la charte, les jeunes contestant la position des chefs spirituels y compris. Un pacte « définitif » Donner une chance à la paix, oui, ex pliquent-ils, car Berriane a besoin d'une trêve pour soigner ses blessures et reconstruire un espace de vie commune. Pour ce faire, le choix des hommes a été difficile pour arriver à un consensus sur les personnes portant l'engagement des deux communautés à éviter les confrontations belliqueuses. D'autres ne voient dans cette charte qu'une manière de limiter les dégâts : pousser les pouvoirs publics à amnistier les prisonniers des événements de Berriane, indemniser au maximum la population meurtrie dans sa chair et ses biens. L'allocution de M. Ould Kablia s'est articulée autour des fruits de la paix. Ferme et déterminé, il a estimé que « la charte de Ghardaïa revêt un caractère définitif et irrévocable qui trouve son authenticité et sa raison d'être dans la volonté commune des malékites et des ibadites de Berriane à vivre en parfaite confiance et cohésion après une longue et dure période de discorde ». M. Ould Kablia a rappelé son rôle précurseur dans le traitement du dossier de Berriane et ses efforts pour nouer un dialogue serein et continu avec les différentes parties. L'heure est à présent au développement, selon le ministre, qui appelle les uns et les autres à tourner la page, à prendre leurs responsabilités et à se regrouper autour de l'intérêt général à travers les 74 opérations de développement inscrites au lendemain des événements de Berriane pour une enveloppe globale de 988 milliards de centimes. La cérémonie de signature de la charte de Berriane s'est donc déroulée dans une ambiance de cordiale entente, selon une formule mathématique édictée par le ministère de l'Intérieur. En première position, les chefs de file représentant les deux communautés malékite et ibadite ; venaient ensuite 7 représentants de chaque côté, constituant le bureau du conseil communautaire ayant participé à la rédaction de la charte, et enfin 24 membres de la société civile représentant également chacune des deux communautés. Dix principes pour la conciliation : La charte est un document de deux pages recensant 10 clauses ou principes de bonne conduite. En voici la traduction intégrale. 1- Mise en application de la feuille de route du 31 mars 2009. 2- Bannissement de toutes les formes de violence et ouverture du dialogue intercommunautaire. 3- Respect des constantes religieuses et nationales. 4- Intensification des efforts de lutte contre les fléaux sociaux et maintien de la sécurité. 5- Education à la culture de la paix sociale et du respect mutuel de la vie privée et des us et coutumes. 6- Donner la priorité au dialogue et à l'esprit de la djemaâ dans le règlement des conflits. 7- Pérennisation des espaces organisés de dialogue pour lutter contre les frictions et renforcement de la concertation intercommunautaire et au sein des instances élues de la commune de Berriane. 8- Responsabilisation des notables, élus et associations dans l'application de la charte de Berriane. 9- La charte de Berriane est instaurée comme pacte de paix, de bon voisinage et de fraternité. 10- Application du principe « entraide en cas d'entente et indulgence en cas de mésentente ».