Après le Forum populaire, le Forum du hirak des idées est né à Constantine. Désormais, il prolongera la marche hebdomadaire du vendredi, donnant un cachet thématique, voire solennel au débat. L'idée a été soumise aux hirakistes sur les réseaux sociaux par un noyau d'universitaires. Si l'initiative a été saluée virtuellement, à l'épreuve du terrain, elle n'a pas eu l'assentiment tant espéré. Certes, in fine, la nouvelle version a été adoptée, mais sans l'unanimité. Les propos échangés, vendredi à la fin de la marche, entre initiateurs et réfractaires ont été houleux, voire un tantinet violents. Les habitués du forum populaire n'ont pas vu d'un bon œil cette «intrusion intellectuelle», qui risque de changer la donne. Beaucoup ont ressenti cette approche comme une tentative visant à représenter le hirak. Certains ont crié au crime de lèse-majesté, fustigeant l'idée et ceux qui la portent. «De la sorte, c'en est fini avec le hirak, nous allons tout droit vers une représentativité, ce qui n'est nullement de l'intérêt de notre mouvement populaire», lance un activiste de la scène locale, en interrompant le Pr Boulekroune, l'un des encadreurs, qui a pris la parole pour expliquer sa démarche. Un autre ira plus loin en faisant le parallèle avec le combat des arouch en Kabylie au début des années 2000. «Nous aurons le même sort que celui des arouch qui ont échoué à cause de la représentativité.» Il est vrai que cette question demeure un point sensible, voire une pierre d'achoppement. Elle n'est toujours pas tranchée et divise encore. Bon nombre d'observateurs avertissent contre cette option qui, selon leurs analyses, offre à l'adversaire une possibilité d'affaiblir le hirak, en le phagocytant pour mieux le faire imploser. Les instigateurs s'en défendent. Il n'est fait aucune allusion à la représentativité, c'est plutôt une structuration du mouvement qui s'en dégage. Au bout de dix mois de la vie du mouvement populaire du 22 Février, plusieurs voix se sont élevées pour appeler à son organisation à l'effet de s'imposer en force de proposition face à un pouvoir en place aphone aux aspirations citoyennes. Lors du 43e acte de la contestation, soit au lendemain de l'élection présidentielle du 12 décembre, la question fut abordée. Les hirakistes à Constantine n'étaient pas hostiles à cette proposition, sauf que les intentions n'ont pas été suivies de faits. «Les débats redondants n'offraient aucune alternative concrète en termes de feuille de route», peut-on entendre. L'entrée en jeu de l'élite, dont des universitaires, va peser sur la force de frappe du hirak, via le discours ciblé. «Notre force est dans notre union et dans notre synergie. Le hirak n'est pas un parti politique, et il ne le sera pas, mais comment concrétiser la dawla madania ? » s'est adressé le Pr Boulakroune à l'assistance, dont une partie affiche une méfiance à l'égard de ce forum des idées. Et un autre universitaire d'insister sur l'organisation, qui demeure un préalable à la suite du combat, rappelant que le pouvoir est très structuré avec ses institutions. Dans cette optique, une tribune libre s'offre, chaque vendredi pendant une quinzaine de minutes, à quatre intervenants via des communications, avant l'ouverture du débat. Les thèmes, s'ils sont différents, auront certainement un lien avec l'actualité. Il y a donc fort à parier que les notions de la IIe République, Etat civil ou encore amendement de la Loi fondamentale, soient le point d'orgue du menu de la première rencontre de ce nouveau forum.