Une activité quasi pittoresque qui concourrait, l'on se rappelle, à mettre du bémol dans une agitation urbaine. Un décor urbain qui se montrait généreux à la vue des passants dans la trépidante ville, sur les terrasses et vérandas. On y vendait à même le sol des bas de laine des fleurs blanches d'orangers (ezz'har), diffuseur aromatique dont le délicieux parfum, qui caresse les narines, est destiné à la distillation pour extraire l'essence de fleur d'agrumes. Suave exhalaison aussi lorsqu'il s'agit de l'eau de rose (mâ mqattar ou mâ ward) que les ménages s'offraient en abondance à des fins cosmétiques ou lors des rituels du hammam pendant les premiers tumultes printaniers. Mais autres temps autres mœurs, me diriez-vous ! Cette terre enchanteresse a laissé la place, sommes-nous tenus de dire, dans nombre d'endroits à du béton ou un commerce jugé plus juteux. « Toutefois, quelques pépiniéristes tiennent bon et continuent d'exercer leur activité qu'ils tiennent de père en fils », souligne Ammi Rezki, propriétaire d'une roseraie du côté de Birtouta. En somme, peu d'hectares sont consacrés à la production de roses, notamment le long de la côte littorale algéroise et dans le cordon du Sahel. Des fournisseurs qui alimentent quelque 700 fleuristes à travers le Grand Alger, confie un autre pépiniériste à Staouéli, qui emploie une quinzaine de tâcherons. Pour les Algérois, l'été n'est pas synonyme seulement de farniente et de grande bleue. Beaucoup de gens affluent vers les fleuristes pour s'acheter des roses, à l'occasion des célébrations mondaines ou pour offrir des bouquets à ceux qui s'apprêtent à convoler en justes noces. Des carrosses flambant neufs sont enjolivés lors des cortèges nuptiaux. « Peu importe le tarif que nécessite la décoration florale confiée au fleuriste, l'essentiel est de mettre la bagnole des heureux époux dans ses plus beaux atours », lance une dame à notre endroit. « Cela varie entre 2500 et 10 000 DA pour orner de roses la voiture de cérémonie », nous dit un gérant d'échoppe à El Biar qui s'affaire à « habiller » le capot (ecchabka) du véhicule de la mariée. Et à chaque budget son bouquet ou sa corbeille de fleurs, laisse-t-il entendre. « On me passe des commandes et je suis tenu de satisfaire toutes les demandes, principalement lors de la saison estivale », nous dit-il. Et de renchérir : « Hormis la saison d'hiver où le prix de la rose grimpe, le reste de l'année, il est revu à la baisse vu l'abondance du produit. Il oscille entre 30 et 50 DA, voire plus dans les quartiers dits huppés de la capitale. » Hormis l'exubérance des roses qui meublent sa fleuristerie, les fleurs ornementales à coloris variés, comme les glaïeuls, dahlias, œillets, arums, fleurs d'oiseau du paradis, etc., achalandent peu son éventaire. Quant à la rose ramenée du Maroc ou d'Espagne, elle coûte bien plus cher pendant la saison d'hiver. Elle est cédée entre 150 et 180 DA l'unité lors de la St-Valentin, mais elle a du mal à bousculer le produit local en termes de prix pendant la période d'été, apprend-on. La rose du Royaume chérifien, produite sous serre, envahit, en effet, le marché algérien lors de la saison morte, entre décembre et mars, lors du repos physiologique, précise Abdelhafid, un jeune fleuriste sis à Bab El Oued qui n'hésite pas, par ailleurs, à mettre à nu certains fleuristes indélicats qui dupent la clientèle en lui faisant prendre « des vessies pour des lanternes ». Des fleuristes qui, selon lui, usent de subterfuges en proposant le produit du terroir au prix de celui ramené du Maroc. Passionné de la rose, il cultive l'art de la décoration événementielle, met du cœur à l'ouvrage dans le décorum et prend tout son temps à disserter sur le langage de la variété de roses et de fleurs avec les chalands.