Hosni Moubarak était hier à Alger ! Ce n'est pas un canular ou un mirage d'été. Le président égyptien s'est lui-même déplacé pour présenter ses condoléances à son homologue Abdelaziz Bouteflika, suite au décès de son frère et médecin Mustapha. Accompagné d'Ahmed Aboul Gheit, son ministre des Affaires étrangères, Moubarak a bien été accueilli à l'aéroport international d'Alger par le président Bouteflika, avec lequel il s'est entretenu au cours de la journée. Si d'autres chefs d'Etat, notamment des pays voisins et « frères », se sont contentés d'envoyer un message de condoléances ou de dépêcher un représentant, Moubarak, lui, a saisi l'opportunité pour continuer son « œuvre » visant à ramener à la normale les relations entre les deux pays, gravement altérées depuis près de huit mois. Outre son caractère compassionnel, cette visite revêt bien un cachet hautement politique. Le ministre égyptien des Affaires étrangères a bien souligné, à son arrivée, l'objectif de cette visite hautement symbolique : « Je pense que la rencontre prévue aujourd'hui (hier, ndlr) entre les présidents Bouteflika et Moubarak et leur précédente rencontre à Nice (...) viennent confirmer la ferme volonté des deux présidents, peuples et gouvernements des deux Etats de poursuivre l'édification d'une relation forte pour la défense des droits arabes et la préservation de la sécurité de la région. » M. Gheit, qui s'est entretenu avec son homologue Mourad Medelci, a affirmé qu'il s'agit bien d'« une visite amicale et de courtoisie ». Selon lui, « l'Algérie et l'Egypte sont deux pays frères et n'ont cessé d'œuvrer ensemble depuis une soixantaine d'années ». C'est la deuxième rencontre entre les deux chefs d'Etat depuis la crise entre les deux capitales éclatée au lendemain de l'agression de la délégation de l'équipe nationale de football au Caire, en novembre 2009. La première rencontre entre Bouteflika et Moubarak, après ces incidents, a eu lieu sur le sol français, à l'ouverture du 25e sommet France-Afrique, à Nice, le 31 mai dernier. Cette brève rencontre s'est limitée à une chaleureuse accolade entre les deux présidents, immortalisée par quelques cliquetis d'appareils photo. Cette accolade avait fait la une de plusieurs journaux égyptiens, qui l'ont qualifiée d'acte de réconciliation entre les deux Etats. Les relations algéro-égyptiennes ont connu un froid après l'agression du bus de l'équipe nationale, à la veille du match retour des éliminatoires de la Coupe du monde, joué le 12 novembre 2009 au Caire. Les incidents, non assumés par les autorités égyptiennes, se sont développés et transformés en une véritable crise diplomatique. L'Egypte avait rappelé son ambassadeur pour consultation suite au saccage par des manifestants en colère de quelques édifices de ses entreprises présentes en Algérie. Et l'Algérie a appliqué la réciprocité. Au Caire, des manifestants se sont attaqués à l'ambassade d'Algérie et ont brûlé l'emblème national. A cela s'ajoute une virulente campagne médiatique, menée par les chaînes satellitaires égyptiennes, contre les symboles de l'Algérie, traitant les Algériens de « mercenaires » et de « terroristes » et salissant la mémoire de nos martyrs. Au lieu de rappeler à l'ordre ses médias et de jouer plutôt la carte de l'apaisement, Hosni Moubarak avait durci le ton avec Alger. On se rappelle encore de ses propos menaçants envers l'Algérie, le 21 novembre 2009, devant les députés égyptiens : « Le bien-être de nos citoyens à l'étranger relève de la responsabilité de notre pays, nous nous assurons que leurs droits soient respectés et rejetons les violations et erreurs qui sont commises à leur égard. L'Egypte ne sera pas tolérante envers ceux qui portent atteinte à la dignité de ses citoyens. » Bien que le nom de l'Algérie n'ait pas été cité, le message était clair. Le lendemain de cette « menace », à savoir le 22 novembre, Hosni Moubarak avait reçu le président israélien, Shimon Pères, au Caire. La crise a sérieusement affecté la coopération économique et le commerce entre les deux pays. La facture s'avère ainsi lourde à supporter par une économie égyptienne sous perfusion. Ainsi, l'Egypte s'est vite ressaisie, tentant par différents canaux de reprendre langue avec Alger pour dépasser la crise et limiter les dégâts. Les intérêts égyptiens en Algérie sont colossaux. Ses investissements en Algérie depuis 2001 s'élèvent à 242 milliards de dinars, dont 98 milliards de dinars pour les télécommunications. Les échanges commerciaux entre les deux pays ont atteint environ 442 millions de dollars au premier semestre 2009. L'Algérie est le principal fournisseur de l'Egypte en gaz naturel. En cherchant à se réconcilier avec Alger, le pouvoir égyptien veut préserver ses intérêts, mais espère aussi par la même bénéficier de nouveaux marchés dans le cadre du plan quinquennal 2010-2014 doté de 286 milliards de dollars. Une question mérite cependant d'être posée : les relations entre les deux pays peuvent-elles redevenir comme avant ? Comment l'Algérie va-t-elle accueillir cette « offre » de réconciliation ? Pour le moment, Alger observe le silence.