Le Président égyptien aurait pu se contenter d'un message de condoléances, mais il a pris la peine de se rendre à Alger. Du haut de ses 84 ans, le président égyptien, Hosni Moubarak, accompagné de son ministre des Affaires étrangères, Ahmed Aboul Gheit, s'est déplacé hier à Alger, pour une visite d'une journée. Objectif premier de ce déplacement inattendu: le président égyptien devait présenter ses condoléances à M.Bouteflika après le décès de son frère Mustapha, survenu vendredi dernier. Le président égyptien n'était nullement obligé de se rendre à Alger. Il aurait pu se contenter d'un message de condoléances ou à la limite, dépêcher son ministre des Affaires étrangères pour la circonstance. Mais il a fait le déplacement. Un geste d'une haute symbolique et à forte dose diplomatique. Or, la diplomatie entre Alger et Le Caire s'est trouvée brouillée après les graves incidents de l'automne 2009. La situation s'est envenimée en raison d'un match de football pour la qualification à la Coupe du Monde en Afrique du Sud. En effet, le bus transportant l'Equipe nationale a été caillassé, le 12 novembre 2009, au Caire. La brouille s'est installée quand des officiels égyptiens ont déclenché une campagne haineuse sans précédent contre l'Algérie. L'Egypte a usé de l'artillerie médiatique lançant de terribles attaques contre l'Algérie. Jamais un pays n‘a osé s'attaquer de cette manière aux symboles de l'Algérie indépendante comme l'ont fait certaines personnalités et médias égyptiens. Les officiels des deux pays se regardaient en chiens de faïence dans les rencontres internationales offrant un spectacle navrant de l'unité arabe. Cette unité est-elle aussi fragile? Qui aurait cru qu'un match de football de 90 minutes puisse tacler une vérité historique qu'on pensait inébranlable entre les deux nations? En décembre dernier, le président Moubarak a déjà tenté de rétablir les ponts du dialogue en soutenant que «la profondeur des relations entre les deux pays ne sera pas entamée par certains événements passagers». C'est ce qu'il vient de réitérer par cette visite et Alger a pris acte de ce déplacement qui signifie également que les hautes autorités égyptiennes veulent tourner la page de cette crise. Un geste à saluer. «Je pense que la rencontre prévue aujourd'hui (hier, Ndlr) entre les présidents Bouteflika et Moubarak et leur précédente rencontre à Nice (au sommet Afrique-France du 1er juin, dernier) (...) viennent confirmer la ferme volonté des deux présidents, peuples, et gouvernements et des deux Etats de poursuivre l'édification d'une relation forte pour la défense des droits arabes et la préservation de la sécurité de la région», a déclaré M.Aboul Gheit à son arrivée à Alger. «L'Algérie et l'Egypte sont deux pays frères et n'ont cessé d'oeuvrer ensemble depuis une soixantaine d'années», a rappelé le ministre, soulignant que cette visite «est une visite amicale et de courtoisie». Le président Bouteflika s'est entretenu en tête à tête, avec son homologue égyptien. Dans une brève déclaration à la presse, le chef d'Etat égyptien a indiqué au terme de ces entretiens qui ont eu lieu à la Résidence d'Etat à Zéralda, avoir évoqué avec le président Bouteflika les relations arabo-africaines, l'élargissement du Conseil de sécurité et toutes les questions intéressant l'Algérie et l'Egypte en tant qu'Etats arabes et africains. En réalité, le dégel a été entamé à Nice où les présidents Bouteflika et Moubarak s'étaient rencontrés fin mai 2010 lors du Sommet Afrique-France. Les sept mois de tension diplomatique entre les deux pays ont coûté cher à l'Egypte puisque ladite tension a débordé de son aspect strictement politique. Les relations économiques ont en pris un sérieux coup. A commencer par la perte des chantiers qui se chiffrent à des dizaines de millions de dollars pour les entreprises égyptiennes. Si le secteur des télécommunications a été celui qui a souffert le plus de cette crise, les entreprises égyptiennes brassent des millions de dollars pour les investissements consentis en Algérie dans le ciment, le médicament, l'électronique et le bâtiment. L'Egypte est le premier investisseur arabe en Algérie. C'est autant de milliards de dollars de pertes pour l'économie égyptienne qui en a grandement besoin en ces moments de crise sociale. Ce cours feuilleton égyptien est très instructif pour les Algériens dans la mesure où il leur a permis de revisiter leur histoire la plus ancienne remontant jusqu'au roi Chachnaq. Comme quoi, le peuple algérien n'est pas issu d'une génération spontanée. Au bouclier du pharaon égyptien, on a opposé le socle amazigh des Algériens. Mais inévitablement, à toute «guerre» succède une paix et les deux présidents viennent d'enterrer la hache de guerre.