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Un gendarme à la tête de la DGSN : Questions autour d'une nomination
Publié dans El Watan le 07 - 07 - 2010

Prévue aujourd'hui en présence de l'ensemble des cadres de la police, l'installation officielle du général-major Abdelghani Hamel en tant que directeur général de la Sûreté nationale n'a pas surpris. Le cachet d'événement national que veulent lui donner les autorités peut-il dissiper les lourdes interrogations qu'elle suscite dans les rangs des cadres ? L'Ecole supérieure de la police de Châteauneuf, à Alger, abritera aujourd'hui la cérémonie d'installation officielle du nouveau directeur général de la Sûreté nationale (DGSN), quatre mois après l'assassinat du colonel Ali Tounsi par un de ses proches collaborateurs, le colonel Chouaïb Oultache, un retraité des forces aériennes auquel il avait confié le plan de modernisation des structures de la police, mais aussi la mise en place d'une unité de surveillance aérienne.
A cette cérémonie sont conviés non seulement les cadres de la police, mais également des membres du gouvernement, de nombreuses personnalités ainsi que les représentants de tous les médias, pour en faire un événement national. Certains diront que « c'est la touche » du tout nouveau patron, ce général fraîchement promu au grade de général-major (lundi dernier), admis à la retraite à 52 ans juste pour diriger l'institution policière. Abdelghani Hamel s'est illustré lors de son passage à la tête du groupement régional de la gendarmerie d'Oran (entre 2004 et 2005) par de nombreuses sorties sur le terrain avec des journalistes, très médiatisées d'ailleurs et qui peut-être ont été pour beaucoup dans sa nomination à la tête du Groupement des gardes-frontières (GGF) qu'il a dirigé pendant trois ans avant que le Président lui confie le commandement de la Garde républicaine, un poste plutôt réservé à ses hommes de confiance. Le général passe pour « un chef qui communique ».
Transformer une cérémonie protocolaire en événement peut-il être vu comme une manière de « rassurer » les troupes et de « les mettre en confiance » ? Les nombreux policiers avec lesquels nous nous sommes entretenus restent très déçus. Pour eux, la qualité de communicateur « ne fait pas du nouveau patron l'homme idéal pour diriger l'institution policière et surtout trouver le traitement qui puisse la guérir de la lourde maladie qui la ronge ». Sentiment légitime surtout lorsqu'on sait qu'en dépit de certains acquis arrachés au compte-gouttes ces dernières années, la Sûreté nationale a fait face à de rudes épreuves à tel point qu'elle a fini par être l'otage de luttes de clans et de règlements de comptes qui ont eu pour résultat l'assassinat de son directeur général par un de ses proches collaborateurs et dans son propre bureau. Pour beaucoup, ce crime est la preuve que l'institution touchait vraiment le fond, d'autant qu'il avait été précédé par une crise relationnelle ouverte (durant des mois) et publique entre le défunt, vu comme un proche des militaires, et l'ex-ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, qui penche vers le clan présidentiel.
En réalité, la fin tragique de Ali Tounsi préludait pour de nombreux cadres, « une nouvelle ère qui aurait pu rompre avec cette pratique qui consiste à aller chercher en dehors de l'institution les hommes qui la commandent ». L'installation du directeur de la police judiciaire, Abdelaziz Affani, en tant que DGSN par intérim, en dehors de tout ce que peuvent lui reprocher certains de ses collègues, a quelque part ramené « cette confiance et cette sérénité » dans les rangs. « Après tout, c'est un cadre de la police qui connaît assez bien les problèmes de l'institution, ses priorités et ses préoccupations. D'ailleurs, durant les quatre mois qu'il a passés en tant qu'intérimaire, sa priorité a été de revoir l'organigramme de la Sûreté nationale et le statut de la police. Les deux dossiers sont finalisés et on ne sait quel va être leur avenir.
Abstraction faite de sa bonne ou mauvaise conduite, le fait est là. Il a donné la priorité à la ressource humaine et à l'environnement dans laquelle elle évolue parce qu'il se sent directement concerné de par le fait que c'est un enfant de la police. Un militaire ou un gendarme dont la carrière est assurée ailleurs aura d'autres priorités et d'autres préoccupations », note un divisionnaire. Il estime que la police nationale « recèle de nombreux cadres compétents qui peuvent diriger l'institution et la remettre sur les rails pour être au service du citoyen et non pas des clans ou des groupes d'intérêt ».
Certains de ses collègues abondent dans le même sens et voient mal un général-major, issu de la gendarmerie, prendre les commandes de la Sûreté nationale. Pour eux, de tout temps, policiers et gendarmes se disputent le terrain et les prérogatives, même s'ils sont bien définis par les textes. « Ils ont quasiment la même mission, mais il y a toujours eu une guerre entre eux. Pour un policier, il est anormal qu'un gendarme devienne son chef et vice-versa. Le général-major aura du mal à convaincre les cadres de ses bonnes intentions et à les rassurer sur un avenir meilleur. L'espoir d'une nouvelle ère a vite laissé place à l'amertume et à la démobilisation. Ce qui va compliquer davantage la mission du DGSN. C'est utopique de croire que le général-major puisse remettre sur les rails l'institution. Il assumera une mission plus politique que technique », relève un jeune chef de sûreté de wilaya.
Cet avis reste néanmoins récusé par quelques officiers qui estiment que l'institution « a connu tellement de dérives, de bavures et de règlements de comptes, d'infiltration et d'exfiltration ayant eu pour conséquence l'assassinat de son premier responsable, que les autorités ont préféré confier sa gestion à un militaire pour des considérations de discipline, de remise à l'ordre et surtout de contrôle ». Mais entre les avis des uns et des autres, le général-major Abdelghani Hamel recevra aujourd'hui les commandes d'une Sûreté nationale en situation de profonde crise de confiance et de crédibilité. L'une des questions qui reste posée est de savoir si ceux qui l'ont désigné à ce poste ont délibérément choisi l'option du contrôle politique de la police au détriment de celle de la réhabilitation de ses cadres.


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