C'est une position inédite que vient d'exprimer le guide de la Révolution libyenne, le colonel Mouammar El Gueddafi, à l'égard du peuple sahraoui dont il déclare soutenir l'autodétermination. A l'occasion d'une rencontre, mardi à Tripoli, avec une délégation algérienne composée de représentants des partis de l'Alliance présidentielle (FLN, RND, MSP), comme rapporté par l'APS, M. El Gueddafi a souligné en effet que le référendum sur l'autodétermination au Sahara occidental est « l'unique solution à laquelle il faut recourir ».Plutôt réservé sur la question jusque-là préférant ménager ses amitiés avec le Maroc, M. El Gueddafi a cette fois déclaré publiquement son soutien au droit du peuple sahraoui de disposer de lui-même, conformément aux résolutions des Nations unies. Et cet alignement clair et public constitue un appui de poids pour la lutte du peuple sahraoui et son représentant, le Front Polisario. Ceci d'autant que la Libye est un pays qui compte dans la région du Maghreb et du Sahel. Après avoir normalisé ses relations avec les pays occidentaux, dont les Etats-Unis, Tripoli a connu et connaît encore un chassé-croisé des dirigeants américains, britanniques, français et italiens, attirés par l'odeur du pétrole et les bonnes affaires pour remettre à flot leurs économies secouées par la crise financière internationale. C'est dire que cette position exprimée par le guide libyen sera sans doute écoutée et analysée par les puissants de ce monde, surtout que la Libye et son dynamique guide jouent tout de même un rôle majeur dans l'équation géopolitique au Maghreb et dans le Sahel. Les Etats-Unis et l'Union européenne n'ont évidemment pas intérêt à se mettre à dos un partenaire stratégique dans la lutte contre l'immigration clandestine et le terrorisme transnational. Qu'El Gueddafi s'aligne quasiment sur la position algérienne sur le dossier sahraoui est en effet un signe que quelque chose a changé. « Je persiste à dire que le référendum était l'unique solution (…). Il est insensé pour nous, en tant que frères, arabes et musulmans, de nous quereller mutuellement (…). Nous ne devons plus recourir aux armes », a conseillé le guide libyen dans ce qui s'apparente à un retour à de meilleurs sentiments. Et comme pour couper court aux fausses interprétations, M. El Gueddafi assène : « J'insiste toujours sur le référendum sans lequel il n'y a pas d'autre solution. » Et c'est là une allusion à peine voilée au roi du Maroc, lui signifiant que son plan d'autonomie n'est pas une solution. M. El Gueddafi estime, ce faisant, qu'il faut « convaincre toutes les parties qui rejettent le référendum d'y recourir ». Le guide est allé jusqu'à distiller une leçon de morale à Mohammed VI, sans le citer, en déclarant qu'« il est établi de par le monde que l'on ne peut occuper, accaparer ou réprimer un groupe de personnes contre sa volonté ». Une anière à lui d'inviter les Marocains à ne pas persister dans la voie de la répression pour maintenir leur domination sur ce territoire autonome, à contresens de l'autodétermination qui est « un principe universel ». El Gueddafi souligne dans cette perspective que le peuple sahraoui avait le droit de choisir, à travers un référendum parrainé par les Nations unies, d'adhérer au Maroc ou d'opter pour l'indépendance. « Si les Sahraouis diront non et optent pour leur indépendance nul ne saurait les contraindre à choisir une autre solution », affirme le colonel El Gueddafi. Le guide libyen pense que le dossier du Sahara occidental est un « problème douloureux » et « constitue un frein à la concrétisation de l'Union du Maghreb arabe (UMA) ». Des propos qui ne vont certainement pas plaire aux dirigeants marocains pour qui « l'unité territoriale » – comprendre l'annexion du Sahara occidental – constitue une revendication « sacrée » au même titre que « Dieu, le roi et la patrie ».