Plus d'un mois après sa disparition, le 17 décembre 2019, un vibrant hommage a été rendu au cinéaste Cherif Aggoune, samedi après-midi, au Centre national de la cinématographie et de l'audiovisuel (CNCA), à Alger. Des réalisateurs, des comédiens, des critiques de cinéma, des cinéphiles sont venus nombreux pour saluer la mémoire d'un grand homme du 7e art algérien, en présence des membres de la famille Aggoune, ses frères Abdellah et Saïd. Une minute de silence a été observée avant une série de témoignages des gens qui ont travaillé avec lui ou l'ont côtoyé. Ils lui ont tous rendu hommage avec émotion et respect. Le réalisateur Ahmed Rachedi (L'Opium et le bâton, Les Sept remparts de la citadelle) dira à propos du regretté Cherif Aggoune : «J ai rencontré Cherif quelques jours avant son départ. Il y eut des silences, et on s'est compris. Pour moi, il n'est pas mort, les artistes ne meurent, il préparait d'autres films. Le cinéma était une mission.» L'acteur Ahmed Benaïssa : «J'ai joué dans son film L'Héroïne. C'était un militant, on a fait beaucoup de festivals…». Abdelkrim Tazaroute, journaliste et critique de cinéma : «Très jeune, il a été responsabilisé, il s'est occupé de sa famille, il a vendu de la glace, a décroché une licence de physique et fait des études de cinéma. Il me disait : tout ce qui est amazigh m'interpelle. Il avait un message d'espoir.» Abderrahim Laloui, réalisateur (Mémoires de scènes) : «Cher ami Cherif, combien de fois s'est-on chamaillé pour refaire le monde. Tu disais qu'un artiste devrait être à l'écoute de son pays, être rebelle. Tu es mort avec une grande amertume. Tu es parti pour un monde meilleur. Repose en paix.» Larbi Lakhel, producteur et réalisateur (L'Epopée de la résistance au sud-Ouest 1855-1935) : «On a perdu un ami, un collègue. Cherif reste un militant de sa culture, pays et métier. On fait du cinéma pour exorciser les maux. Il défendait la cause du métier contre la dilapidation, l'escroquerie. Il faut que la corporation soit unie. Qu'on cesse de faire dans l'animosité, on n'a plus le droit à la désunion.» L'acteur Abdenour Chelouche : «J'ai connu Cherif en 1982. Il me disait tes yeux brillent, tu es mon frère. Si c'est facile pour les prédateurs, la création s'en débarrassera.» Saïd Mehdaoui, producteur et réalisateur : «Je reconnais sa passion et son amour pour le cinéma.» Je vous lis un mot de l'actrice Samira Meziane en hommage à Cherif Aggoune : «Le tournage du film L'Héroïne était héroïque. Il avait un cœur aussi jeune. Ciao l'artiste.» «Il n'a pas été payé pour le film l'Héroïne» Le frère de Cherif Aggoune, Abdallah : «Cherif est décédé en France. Il était parti rendre visite à sa fille. Il devait dans cette journée aller au concert de Brazil Tayeb. Il souffrait de la goutte. C'était un bon vivant. Le producteur de L'Héroïne n'a, jusqu'à aujourd'hui, pas payé Cherif pour ce film.» Le film L'Héroïne de Cherif Aggoune a été projeté. Un long métrage très poignant sur la bipolarisation entre les groupes terroristes islamistes et le pouvoir, et les humbles paysans des zones éparses, qui sont les premières victimes. Alors, sans défense, ils envisagent de fuir la folie meurtrière vers les centres urbains, les villes… ou bien résister. C'est l'histoire d'une mère courage. «Inch'allah, des milliers de Cherif Aggoune» Une distinction honorifique a été décernée à la famille Aggoune des mains de Youcef Bachar Sehairi, secrétaire d'Etat à l'industrie cinématographique qui déclarera : «Cherif était un frère, un militant. On avait travaillé sur plusieurs projets de cinéma. Il nous inspirait, jusqu'à la dernière minute de sa vie. Inch'allah, il y aura des rencontres qui encourageront les jeunes cinéastes. Inch'allah, il y aura des milliers de Cherif Aggoune.»