La Journée nationale de la commune, célébrée le 18 janvier, généralement avec les mêmes rituels d'exposition de quelques pièces biométriques, de ternes festivités ou de remise de médailles à des fonctionnaires, désabusés par l'indifférence d'une administration locale ingrate, devrait être une halte pour faire le bilan de cette institution de proximité, supposée être le socle de la décentralisation territoriale et définir quelques perspectives. Censée être le rempart de sécurité et de la participation citoyenne au développement local, la commune est devenue au fil des années un pare-choc sur lequel viennent se fracasser les désillusions et les désespoirs des populations abandonnées par l'Etat. A défaut d'une mutation vers une gestion qualitative et débureaucratisée, les communes, en particulier celles de la wilaya de Béjaïa, se voient au contraire régulièrement assaillies par les citoyens des quartiers et des villages, qui n'hésitent pas à fermer les sièges et les routes pour exprimer leurs préoccupations et protester contre les responsables élus, accusés de fausses promesses, voire traités de «bras cassés !». Le contexte actuel de la révolution nationale a également exacerbé d'une manière relative les sentiments négatifs des citoyens à l'égard de la commune, assimilée à un démembrement «putride» du système. Cette contribution s'attache à tenter de mettre en évidence les causes de cette aversion, et de poser quelques éléments de perspective. Quid du cadre institutionnel ? Comparativement au code communal de 1990, la loi 11-10 du 22 juin 2011 n'a apporté aucune nouveauté substantielle, si ce n'est le concept de la gestion participative, censée favoriser l'exercice de la démocratie locale, qui n'a pas connu de traduction concrète faute de jurisprudence, mais surtout de volonté politique des Assemblées élues, même lorsqu'elles sont dirigées par les représentants des formations prétendues de l'opposition, qui se sont pourtant toujours posées comme les parangons de la démocratie. Dans la situation actuelle d'une administration hermétique, l'accès du citoyen à l'information sur les affaires de la cité est extrêmement limité, y compris pour la consultation des documents autorisés par le code communal, à l'instar des extraits de délibérations inaccessibles dans certains cas même aux élus qui en sont les auteurs. Les prérogatives réduites des élus locaux en matière de développement local, de gestion foncière et d'habitat sont depuis davantage rognées en faveur de l'administration incarnée par le secrétaire général dont les missions clairement définies dans ce nouveau code sont précisées et protégées par le décret du 13/12/2016. Cette législation, qui place de manière factice ce fonctionnaire désigné par l'Etat sous l'autorité du président de l'APC, tend à créer des situations de tension dès lors que les objectifs respectifs peuvent être opposés, entraînant de l'immobilisme dans la gestion de la commune aux secousses préjudiciables directes sur le cadre de vie des citoyens. Ce texte a également sensiblement élargi le pouvoir de substitution du wali, en sa qualité de représentant de l'Etat, dont l'intervention sur les affaires de la gestion de la collectivité, à l'instar du domaine de la salubrité publique, est largement illustrée à Béjaïa par l'épisode rocambolesque de l'EPIC pour la gestion des déchets et peut aller jusqu'à l'imposition de choix budgétaires de développement mettant en porte-à-faux les Assemblées élues, dont la faiblesse affecte la souveraineté populaire et creuse le fossé avec les citoyens qui vont jusqu'à remettre en cause l'utilité du mandat local. Faut-il espérer à la faveur de la révolution citoyenne un lifting en profondeur de la composition politique classique pour changer le choix des candidatures à la gouvernance locale en dehors des règles tribales et clientélistes qui sont désastreuses. Finances et fiscalité locale Depuis sa création en 1967, la commune dont les ressources provenant pour près de 90% de la TVA (Taxe sur la valeur ajoutée) et de la TAP (Taxe sur l'activité professionnelle), qui a du reste drastiquement diminué, est restée un acteur passif en matière de fiscalité locale dans l'attente d'une profonde réforme – plusieurs fois annoncée et chaque fois reportée – s'agissant d'un enjeu politique stratégique majeur, qui devrait poser les termes d'une réelle décentralisation et de l'aménagement des territoires. Dans ce contexte, la commune reste tributaire du trésorier public qui agit comme un simple contrôleur des dépenses, faisant que des gisements de ressources fiscales locales soient perdues par la collectivité à l'instar de la taxe foncière et de la TEOM (Taxe d'enlèvement des ordures ménagères), pour ne citer que celles-là, dont les recouvrements sont quasi-nuls. Au plan des ressources propres, la mauvaise gouvernance locale ne favorise pas l'amélioration du rendement du gisement patrimonial non maîtrisé qui ne représente pas plus de 3% du budget. En matière financière, la nomenclature budgétaire héritée des instructions de comptabilité publique de l'année 1990 empêche toute approche analytique des comptes de la commune et laisse la voie ouverte aux dérives budgétaires, caractérisées par des recettes de fonctionnement excédentaires pour les communes riches et des stocks d'enveloppes budgétaires d'investissements non consommées soumises à l'érosion et signes patents d'une non-gestion. Le chemin de l'optimisation des finances publiques des communes est encore très long faute d'une véritable réforme fiscale et d'un management moderne, expurgé des calculs hasardeux et malsains. Gageons que la commémoration de cette journée nationale de la commune posera les jalons d'une réflexion fructueuse autour de la révision urgente du code communal, qui devra consacrer une véritable décentralisation, le détachement réel de la gestion locale de la tutelle du wali et surtout la mise en place de critères de performance pour l'évaluation de l'action de l'administration communale qui reste la pierre angulaire.