Le militant Samir Benlarbi, en détention provisoire depuis septembre 2019 à la maison d'arrêt d'El Harrach, a été relaxé, hier, par le tribunal de Bir Mourad Raïs (Alger). Arrêté le 16 septembre 2019 à Alger, il est poursuivi pour «atteinte à l'intégrité territoriale» et «diffusion ou détention de publications portant atteinte à l'intérêt national». «Le téléphone a sonné sûrement pour le cas Benlarbi. On nous parle même depuis quelques heures d'un décret d'amnistie pour les détenus condamnés définitivement. Il ne s'agit peut-être pas des détenus d'opinion, mais de ceux de la îssaba (bande). Des arrestations injustifiées sont toujours là. Les détenus, placés en garde à vue ces deux derniers vendredis et mis en liberté par les magistrats instructeurs, ont été obligés de signer un document illégal les obligeant à marcher ailleurs, en dehors d'Alger. Le régime a peur du flux qui envahira la capitale à la date anniversaire du 22 février», tranche Kaci Tansaout, coordinateur du Comité national pour la libération des détenus (CNLD). Plusieurs dizaines de détenus du mouvement populaire attendent leurs procès, parmi eux des activistes en vue, à l'instar de Karim Tabbou, Fodil Boumala, Abdelwahab Fersaoui, Brahim Laalami. A ce jour, elles seraient quelque 120 personnes à être maintenues en prison à travers le pays, malgré la mesure «surprise» de mise en liberté provisoire dont ont bénéficié des détenus (76) le 2 janvier 2020. «Personne n'a le nombre exact des détenus. Mais il y a une certitude, ils sont plusieurs dizaines à croupir en prison. Un décompte fait par un étudiant, qui collabore avec notre comité, fait ressortir une liste de plus de 120 détenus à travers tout le territoire national. Une dizaine a été libérée ces derniers jours», estime Tansaout. Ces deux dernières semaines, plusieurs programmations de procès ont été annoncées par les collectifs d'avocats relayés par le CNLD. A Ouargla, le procès des manifestants accusés d'«entrave au bon déroulement de l'élection présidentielle» est renvoyé au lundi 17 février au tribunal de Tougourt. A Médéa, le procès de Ryad Ouachene, Islam Saoudi et Younes Sayeh est annoncé pour le mercredi 19 février. La réhabilitation des détenus remis en liberté est réclamée par leur collectif d'avocats. Des excuses publiques sont également exigées. «On se réjouit de la libération de Benlarbi. Ce verdict de relaxe doit bénéficier à tous les autres détenus. Nous insistons sur un point : il faut que l'Etat reconnaisse ses erreurs envers des justiciables incarcérés arbitrairement. L'Etat doit montrer encore davantage sa bonne volonté d'aller vers la reconnaissance de ses erreurs. Il doit y avoir une juste réparation. Les détenus ont subi des pressions, leurs familles ont été malmenées et terrifiées. Il faut qu'ils soient réhabilités. Et que cessent pour de bon les poursuites à l'encontre des activistes», souhaite Abdelghani Badi, un des avocats en vue du collectif de défense. Pour lui, «la culture de la reconnaissance» des erreurs doit s'ancrer dans les mœurs. «Le régime doit reconnaître les erreurs commises durant les années 1990, 1960. Il doit passer du paternalisme à la reconnaissance franche de ses errements passés et présents. Nous devons savoir que le jugement dont a bénéficié Samir n'est pas définitif, le parquet a dix jours pour faire appel. L'Etat doit réparer ses erreurs judiciaires très rapidement, sans attendre 30 ans. La réparation doit se faire du vivant des victimes de l'arbitraire, pas comme on l'a fait pour Aït Ahmed ou Messali», assène l'avocat.