Un nouveau décret exécutif fixant les modalités de contrôle des médicaments ayant des propriétés psychotropes permettra à la corporation d'exercer dans la sécurité. C'est l'une des assertions de Messaoud Belambri, président du Syndicat national algérien des pharmacies d'officine (Snapo) qui était récemment à El Kala pour préciser les dispositions du décret exécutif n° 19-379 du 31 décembre 2019 fixant les modalités de contrôle administratif, technique et de sécurité des substances et médicaments ayant des propriétés psychotropes. «Le premier texte de l'année 2020 et le premier signé par le nouveau chef du gouvernement», nous font remarquer certains participants non sans une pointe d'ironie. Près de 80 pharmaciens ont participé à la rencontre organisée à l'hôtel «Le Moulin» d'El Kala et au fructueux débat qui a suivi. Assurément, le nouveau texte attendu depuis des décennies par les pharmaciens d'officine est une avancée indéniable, car en définissant et en encadrant les responsabilités des nombreux intervenants dans la filière médicament, il met à l'abri le praticien qui travaille dans la légalité. «On pourra travailler dans la clarté et la sécurité», précise M. Belambri en parlant au futur, car les dispositions réglementaires entreront en application en avril prochain après les 3 mois laissés aux pharmaciens pour leur mise en conformité. Un texte qui a mis du temps pour voir le jour. «Il a fallu secouer le cocotier à maintes reprises entre 2006 et 2019 pour que cela avance», raconte le président du syndicat. «Des confrères ont été condamnés à des peines de prison parce qu'ils ont servi des ordonnances fictives ou de complaisance. Certains purgent encore leur peine», nous apprennent les pharmaciens, qui reconnaissent aussi que certains de leurs confrères se prêtent à des pratiques délictueuses, mais que ce ne sera plus possible à condition que les inspections inopinées prévues par les textes soient rigoureusement encadrées pour ne pas laisser de failles aux magouilles. «Ce qui est certain, c'est que c'est la fin des ordonnances virtuelles et de complaisance. Le médicament essentiel ira directement au malade, c'est une manière efficace de contribuer à la lutte contre les stupéfiants», expliquera M. Belambri. Tromadol et Lyrica ne sont pas des psychotropes Les comprimés de ces deux médicaments qui forment le plus gros des saisies chez les trafiquants de stupéfiants, les dealers et leurs clients ne sont pas des psychotropes et ne figurent pas sur la liste des médicaments soumis aux dispositions du décret exécutif sur les psychotropes. Mais comme on le sait, ces deux médicaments, comme bien d'autres substances, sont utilisés comme stupéfiants par des franges vulnérables de la population comme les enfants et les adolescents. «Un texte est en préparation pour y remédier», a déclaré le président du Snapo. Selon les chiffres donnés par les services de sécurité, 1,2 million de comprimés ont été saisis durant le premier semestre de 2019. Et comme on estime que les saisies ne représenteraient que 10% de ce qui circule et ce qui est consommé, c'est donc en centaines de millions qu'il faut compter. El Tarf est une zone de passage de et vers la Tunisie où des comprimés de certains psychotropes seraient en vente libre. La presse tunisienne a évoqué, au vu de prises effectuées par les services de sécurité, l'existence d'une centrale de stockage des trafiquants à Béja, tout près de la frontière algéro-tunisienne. Des pharmaciens mettent en garde, car ce qui vient de la contrebande est une goutte d'eau. Ce sont des comprimés de fabrication locale qui sont les plus abondants. C'est par cartons entiers avec des milliers de comprimés que sont approvisionnés les trafiquants et les revendeurs. Si les fabricants rencontrés sur place comme Méridal qui sponsorise la campagne d'information du Snapo sont contrôlés à chaque étape de l'approvisionnement, de la fabrication et de la commercialisation, il n'en est pas de même pour les innombrables distributeurs qui dominent la filière et le marché du médicament. Il y a en Algérie 14 usines de médicaments avec une production dépassant de loin les besoins réels. Le mal est là aussi. Les inspecteurs de la santé auront à jouer un rôle déterminant avec les dispositions du nouveau décret. «Mais les inspecteurs actuels ne sont pas pharmaciens», nous affirme-t-on. Même si leur désignation se fait par une commission et leurs interventions sont encadrées et codifiées, il est préférable qu'ils soient de la corporation. Il n'y aurait en fait que 10 inspecteurs pharmaciens pour tout le pays et les participants le déplorent, car il en faudrait au moins 500 presque tout autant que les pharmaciens qui sont au chômage. Que couterait le recrutement de 500 personnes et une courte formation en la matière. C'est de l'avenir des enfants dont il est question lorsqu'on parle de stupéfiants et dans ce cas ça n'a plus de prix.