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La vie trépidante d'un militant de l'ombre
Mémoires d'un insoumis de Mohamed Issiakhem
Publié dans El Watan le 18 - 02 - 2020

A 88 ans, Mohamed Issiakhem, bon pied bon œil, est vif et élégant comme un jeune premier, lui qui en a d'ailleurs le physique.
Homme délicieux, intarissable, il nous reçoit avec une infinie bienveillance pour refaire le monde et remonter le cours de l'histoire. Notre hôte garde intacts les souvenirs palpitants de ses années de militant baroudeur.
Des souvenirs qui se précipitent, s'entrechoquent, dans une narration pétillante comme le fut sa vie, et qui se trouvaient interrompus par moments lorsque Si Mohamed, en homme méticuleux, éprouvait le besoin de conforter le récit par l'archive.
Il allait alors remuer ses trésors de papier pour aller cueillir, ici l'un de ses faux passeports, là une vieille facture attestant d'achats de matériel pour «l'Organisation» ou quelque autre document historique…
Il faut savoir que Mohamed Issiakhem a été d'un précieux apport logistique aux premières unités de l'ALN avant d'intégrer des réseaux basés en Suisse et en Allemagne chargés de livrer des armes au Front.
Cousin du peintre M'hamed Issiakhem, originaire comme lui de Taboudoucht, près d'Azeffoun, il a longtemps fait le choix de la discrétion, avant de se résoudre à livrer son récit sous le titre : Mémoires d'un insoumis. Le livre, paru dernièrement aux éditions Chihab, est le fruit d'entretiens conduits par l'historien Daho Djerbal.
Mohamed Issiakhem est né le 29 décembre 1931 à Alger, «à l'endroit même où se dresse actuellement l'immeuble du Trésor», écrit-il. Donc, au boulevard du 1er Novembre, près de la place des Martyrs. Dès 1932, sa famille s'installe à Belcourt, berceau du nationalisme.
«Il n'est pas du tout indifférent d'être de Belcourt et fréquenter La Casbah d'Alger quand se pose avec acuité la question des voies et moyens de la lutte pour l'indépendance», fait remarquer Daho Djerbal dans la préface de l'ouvrage. «On ne sort pas indemne de la proximité avec le groupe des jeunes du PPA de Belcourt que l'on fréquente à l'école et au collège.
Il y a là ceux qui vont devenir les membres de l'Organisation spéciale (OS) du PPA-MTLD, quelques figures du comité central du MTLD, et parmi eux ceux qui vont jeter à Alger, dans le pays et à l'étranger, les bases du FLN-ALN».
Uniformes et pataugas pour l'ALN
Ayant hérité de son père un commerce de tissus florissant à la rue de la Lyre, M. Issiakhem n'hésite pas à se mettre au service de la Révolution dès le déclenchement de la lutte armée. «Lorsque j'ai adhéré au FLN, j'ai donné 500 000 francs, monnaie de l'époque», confie-t-il.
Documents à l'appui, il relate dans ses Mémoires comment il a équipé des unités de l'ALN de la Wilaya III en uniformes et pataugas. «Les premiers uniformes dans toute l'Algérie, c'étaient ceux que je leur avais livrés», affirme-t-il (voir entretien).
Ce que confirme Daho Djerbal dans sa préface en indiquant que Mohamed Issiakhem avait «fourni à la Zone 3 de l'ALN équipements et matériels pour les premières unités de moudjahidine des monts de Kabylie». Son activisme lui vaudra d'être traqué par la police française. «Vers le mois de septembre 1956, la police débarqua à la Société Amal pour s'enquérir de l'affaire des pataugas.
Elle découvrit que le stock de chaussures militaires avait été acheté par moi. (…) La menace d'arrestation pesait sur moi et les choses ne s'arrangeaient pas pour mes affaires et ma sécurité», relate-t-il dans son livre.
Commence alors un long périple jalonné de péripéties houleuses. M. Issiakhem part d'abord en Suisse. A Berne, il loge dans une pension où il a de prestigieux colocataires. «Ferhat Abbas, Ahmed Francis et tout le cercle du FLN logeaient dans cette pension», glisse-t-il.
Mis en contact avec des marchands d'armes allemands et suisses, il mène une vie des plus trépidantes, digne d'un film d'action. Parmi les missions les plus délicates que l'auteur eut à accomplir, la livraison de 60 kg de plastic à la base arrière de l'ALN à Tripoli (Libye) sur instruction d'Ahmed Mahsas. «D'après les instructions données par Mahsas, nous devions d'abord aller en Allemagne.
Nous avons donc quitté Berne pour Zurich. C'était en 1956, tout de suite après le détournement de l'avion des Cinq. De là, nous sommes allés à Hambourg. (…). C'est là que Slahdji qui était accompagné d'Otto Schlüter a pris contact avec moi. C'était ce dernier qui fournissait les armes.».
«Otto Schlüter était membre du réseau de Georg Puchert, marchand d'armes pour le compte du FLN, visé par deux attentats manqués de la Main rouge en 1956 et 1957 (où sa mère est tuée). C'est lui qui affrète, en décembre 1957, le navire Atlas chargé de 140 tonnes d'armement à destination de l'ALN des frontières».
Le suicide du procureur René Dubois
Le plastic devait être acheminé depuis l'aéroport de Genève à Tripoli via Léopoldville (Kinshasa). Issiakhem et ses coéquipiers (un Algérien et deux Suisses) sont débusqués et arrêtés à l'aéroport de Genève.
Le militant nationaliste sera emprisonné avant d'être placé en résidence surveillée. En voulant rendre visite à Marcel Léopold, l'un de ses coéquipiers suisses qui était établi à Genève, ce dernier est abattu par la Main rouge au moyen d'une «sarbacane» chargée de curare, un poison impitoyable.
L'affaire fait scandale. Mais le scandale le plus retentissant que fera éclater Mohamed Issiakhem concerne René Dubois, le procureur général de la Confédération helvétique qui se donnera la mort le 23 mars 1957.
De forts soupçons d'intelligence avec un diplomate français, officier du SDEC, le colonel Mercier, pesaient sur le procureur suisse. «René Dubois avait fourni à Marcel Mercier des centaines de documents concernant les activités du FLN sur le territoire helvétique», soutient Mohamed Issiakhem.
Dans le livre, il révèle comment, devant les dénégations de René Dubois, il avait envoyé une photo au Département fédéral de la Justice suisse montrant «MM. René Dubois et Marcel Mercier attablés dans un restaurant à Paris.
Après le démenti publié par René Dubois, cette photo fut expédiée à M. Feldmann, chef du Département politique de la Confédération helvétique. En apprenant la nouvelle, René Dubois mit fin à ses jours», rapporte l'auteur. «Après son suicide, l'émotion fut vive en Suisse.
La presse internationale se déchaîna, montrant que la neutralité de la Suisse était sujette à caution, l'affaire des fuites n'en étant qu'une partie.» A l'issue de son procès, M. Issiakhem sera expulsé de Suisse. Et c'est en Allemagne qu'il poursuivra son combat aux côtés de Hafid Keramane.
Dans un document daté du 1er juin 1964, Keramane apporte ce témoignage : «Je soussigné, Hafid Keramane, ancien responsable de la Délégation permanente du FLN en République fédérale allemande, atteste par la présente que le frère Issiakhem Mohamed avait activé au sein de la Délégation permanente durant la période allant du début 1958 à fin 1959, où pour des raisons de santé, il fut acheminé en République Démocratique Allemande aux fins de soins.
J'atteste par ailleurs que le frère ci-dessus nommé avait été auparavant incarcéré en Confédération helvétique pour achat et acheminement d'armes. Je certifie en outre que le frère Issiakhem Mohamed nous avait rendu d'énormes services et avait fait preuve d'un grand esprit de sacrifice et d'abnégation…».
Mémoire d'un insoumis fourmille de détails et d'épisodes truculents qui ont le mérite de lever le voile sur les coulisses d'une guerre qui n'était pas gagnée d'avance, et dont l'issue heureuse pour le peuple algérien doit beaucoup à de vaillants militants de l'ombre, des hommes d'exception de la trempe de Mohamed Issiakhem.


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