Venus de plusieurs régions du pays, les enseignants du primaire ont marché hier à Alger. Malgré un dispositif sécuritaire très renforcé et des actes de violence, ils ont pu rejoindre le palais du gouvernement. C'est place des Martyrs, à 10h précises, que le rendez-vous était donné à des centaines, voire des milliers d'enseignants du primaire. Avant même que les premiers groupes se constituent, les camions de la police encerclaient la place. Voulant concrétiser leur plan, les enseignants se sont retrouvés nez-à-nez avec les policiers qui n'ont pas hésité à utiliser la force pour les garder encerclés dans l'historique Sahet Echouhada. Non loin des ruines romaines et des deux stations de métro, les enseignants se sont retrouvés dans un véritable embargo. «Je suis un enseignant, je ne suis ni voleur ni membre de la îssaba !» «Quelle honte, l'enseignant sous embargo !» criaient les manifestants. Ce n'est qu'en voulant casser le dispositif que les heurts ont commencé. Un jeune enseignant, visiblement révolté face au comportement de la police, a été tabassé sous nos yeux puis embarqué. Même le renfort de ses collègues n'a pas pu lui éviter la matraque. Une trentaine d'autres, voire plus, dont des femmes, ont également été embarqués. Enfermés dans un fourgon, ils ont été empêchés de rejoindre la marche, qui jusqu'à midi n'était pas plus qu'un simple sit-in. «Que vais-je enseigner à vos enfants dans le cours sur la sûreté nationale ? Comment vais-je leur mentir et leur dire que vous êtes au service du citoyen alors que leur enseignante a été tabassée ? Nous ne sommes pas armés, et ne comptons faire du tort ni aux biens ni aux personnes. Nous ne voulons que marcher sur un territoire qui nous appartient à tous et faire parvenir notre voix à ces responsables sourds-muets», criait, pratiquement en larmes, une enseignante. Au moment où les membres de la coordination nationale négociaient avec les agents de la police pour libérer les manifestants arrêtés, d'autres essayaient de trouver une issue pour concrétiser leur plan de marche. Un gradé de la police tentait de convaincre les manifestants de repartir chez eux, en vain. Ses arguments, à savoir le message est passé, ou encore désignez des représentants pour être reçus par des responsables au gouvernement, n'étaient pas convaincants. «On veut juste nous dérouter. On nous prend pour des gamins auxquels on fait des promesses pour les faire taire. Nous sommes décidés à marcher et nous le ferons coûte que coûte», déclare Moussa Slimani, membre de la Coordination nationale des enseignants du primaire et coordinateur de la région Alger-Est. Vers 13h, ses propos ont été concrétisés. Fuyant le dispositif sécuritaire, les enseignants protestataires ont emprunté les ruelles exiguës de La Casbah pour monter, via des rues parallèles et des raccourcis, vers le palais du gouvernement. Ils ont été stoppés aux alentours de la caserne de la Protection civile. Contents de leur exploit, les protestataires ne sont revenus sur leurs pas que vers 14h30 pour faire un rassemblement à la place Emir Abdelkader, à Alger-Centre. Ils ne se sont dispersés qu'une heure après, notamment après la libération des dizaines d'enseignants arrêtés dans la matinée. Une chose est sûre, cette marche a redonné un nouveau souffle au mouvement des enseignants du primaire qui promettent une mobilisation sans précédent pour les débrayages des semaines à venir. Pour rappel, ces enseignants sont en débrayage cyclique chaque lundi depuis le 7 octobre dernier. Ils réclament, entre autres, une revalorisation salariale par l'application du décret présidentiel 266/14 fixant la grille indiciaire, avec effet rétroactif. Ils demandent également l'allégement des programmes et du volume horaire ainsi que le recrutement de superviseurs afin d'éviter à l'enseignant les charges extra-pédagogiques. En plus de son mutisme, le département de Mohamed Ouadjaout refuse de donner suite aux appels de dialogue de cette catégorie d'enseignants, sous prétexte qu'ils n'ont pas de couverture syndicale. Pour éviter un retard dans les programmes, il a ôté les classes de 5e année, dont les élèves sont concernés par les examens de fin d'année, aux enseignants grévistes.