Le monde est au bord d'une catastrophe économique majeure. Encore une fois, c'est le pétrole qui est l'enjeu prééminent de cette crise. C'est la réunion de l'OPEP à Vienne qui a été le déclencheur d'une guerre des prix dont les effets seront dévastateurs et dont l'issue est des plus incertaines. Les pays membres de l'Organisation et ceux non OPEP se sont réunis dans la capitale autrichienne pour discuter d'une baisse de prix, baisse devenue urgente à cause du coronavirus qui a provoqué un dérèglement de l'économie mondiale, accompagné d'une chute sensible des échanges internationaux. Le but était de diminuer la production pétrolière de 1,5 million de barils par jour afin d'éviter une chute drastique des prix. Or, à la grande surprise de tous, la Russie a exprimé une opposition ferme à cette diminution. Les Russes, au contraire, envisagent d'augmenter leur production pour concurrencer le pétrole de schiste américain. Seconde surprise, et de taille, l'Arabie Saoudite, premier producteur et exportateur mondial, décide de déclarer une baisse des prix : non seulement une augmentation de la production de 2 millions de barils/jour à partir du mois d'avril, mais aussi une baisse des prix dès le mois prochain. Les Saoudiens sont coutumiers des baisses des prix, mais personne ne s'attendait à l'annonce de cette immense braderie. Ils ont déjà commencé en 1986 en vue d'affaiblir l'Iran. Le résultat a été un désastre économique pour tous les pays de l'OPEP. Ils récidivent aujourd'hui en déclarant une guerre ouverte à la Russie. Incontestablement, il y a dans cette affaire la main du prince héritier Mohammed Ben Salmane, auquel son père malade a confié les pleins pouvoirs. Depuis qu'il s'est emparé de la totalité des pouvoirs avec la complicité des Etats-Unis, selon l'aveu de Trump, et en emprisonnant tous les autres membres de la famille royale, le prince héritier cherche à s'affirmer sur la scène internationale par tous les moyens, y compris en se mettant sous la protection des parapluies américain et israélien. N'a-t-il pas été jusqu'à dire aux Palestiniens de cesser de revendiquer Jérusalem-Est comme future capitale de l'Etat de Palestine, s'il venait à exister ? En échange, il leur a proposé de faire de leur capitale une sorte de douar situé dans la périphérie de la ville sainte. Le comportement de Riyad profitera surtout aux Américains, qui sont ainsi assurés que leur pétrole de schiste ne souffrira d'aucune concurrence. Mohammed Ben Salmane a trop présumé de ses forces en déclarant cette guerre des prix. Il a en face de lui un politicien redoutable en la personne de Vladimir Poutine, qui a mis au tapis plus fort et plus retors que lui. La Russie n'est pas l'Arabie Saoudite. Cette dernière dépend principalement du pétrole, alors que Moscou a une économie diversifiée qui va lui permettre de tenir le coup, surtout qu'il a des réserves en devises estimées à 80 milliards de dollars de plus que Riyad. A terme, le défi saoudien ne fera du mal qu'aux autres membres de l'OPEP et le prince héritier y laissera lui aussi des plumes pour son inconséquence et son arrogance. Le combat est inégal et se serait une bonne chose que l'Arabie Saoudite, ce pays moyenâgeux, vecteur d'intolérance et d'obscurantisme, morde enfin la poussière. Les dirigeants saoudiens ont cru agir impunément, à leur guise et se permettre de provoquer un chaos planétaire. Mais aujourd'hui, ce n'est pas l'affaire Adnan Khashoggi, cet opposant assassiné dans les locaux du consulat saoudien à Istanbul, et dont ils en sont sortis indemnes pour l'instant. Cette fois-ci, les enjeux sont mondiaux.