Donald Trump semble avoir trouvé la clef pour contrôler les cours pétroliers mondiaux. Et l'affaire de Khashoggi l'a bien aidé, écrit le journal Nezavissimaïa gazeta. Le risque de sanctions américaines contre le prince héritier d'Arabie saoudite personnellement à cause de l'assassinat de l'opposant Jamal Khashoggi a transformé Riyad en producteur de pétrole docile, qui augmente sa production malgré la baisse des cours au niveau mondial, selon Nezavissimaïa gazeta. Manifestement, l'alliance pétrolière russo-saoudienne serait révolue. Cette nouvelle disposition des forces sur le marché pétrolier sera entérinée les 5 et 6 décembre pendant la réunion des pays membres de l'Opep+. Les ministres des 25 pays membres sont attendus à Vienne le 7 décembre, où ils devraient s'entendre sur une réduction de la production afin de ralentir l'accroissement de l'excès de pétrole sur le marché mondial. En attendant, les pays exportateurs augmentent activement leur production. Ce mois-ci, celle de l'Arabie saoudite est passée à 10,8-10,9 millions de barils par jour avec des pics temporaires à 11 millions. Pour leur part, les USA ont atteint un record de 11,6 millions de barils par jour. Les réserves commerciales de pétrole dans les réservoirs américains ont également augmenté, pour atteindre 447 millions de barils à la mi-novembre. Le mois dernier, la Russie a augmenté sa production de 4,4% jusqu'à 11,4 millions de barils par jour, dépassant le niveau d'octobre 2016. Par ailleurs, Donald Trump suit attentivement le cours pétrolier et le comportement des pays exportateurs. Il a récemment remercié l'Arabie saoudite pour la baisse du prix du baril en demandant d'aller "encore plus bas". Et dans les conditions actuelles, il est peu probable que Riyad refuse de se plier à ses exigences. Les USA exercent clairement une pression sur Riyad et sur le prince héritier dans le contexte de l'assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, selon le quotidien. Le locataire de la Maison-Blanche affirme que les USA n'ont pas l'intention de perdre leur "excellent allié" qu'est l'Arabie saoudite. "Nous ne connaîtrons jamais tous les faits autour du meurtre de Khashoggi. Mais quoi qu'il en soit nous maintiendrons nos relations avec Riyad, qui a été un excellent allié dans la lutte importante contre l'Iran", a-t-il souligné. Dans le même temps, les médias américains ont rapporté que la CIA avait conclu que le prince héritier Mohammed ben Salmane avait personnellement donné l'ordre de tuer le journaliste. De toute évidence, le gouvernement saoudien se trouve dans une situation difficile, notent les experts. "D'un côté, un journal américain très influent l'accuse d'avoir commandité l'assassinat d'un journaliste d'opposition. De l'autre, la direction du pays a besoin d'un prix du baril élevé (au moins 70-75 dollars pour maintenir le budget à l'équilibre). Le second de ces facteurs a certainement davantage de poids pour l'élite du pays, et les Saoudiens chercheront à réduire l'offre pétrolière mondiale. Ils estiment déjà qu'il faut la réduire de 1,4 million de barils en 2019", déclare Sergueï Ermolaev, maître de conférences à l'université russe d'économie Plekhanov. Et d'ajouter: "Cependant, les perspectives de croissance économique mondiale s'assombrissent à cause d'une forte probabilité d'escalade de la guerre commerciale entre les USA et la Chine. C'est pourquoi il ne faut pas compter sur un rebond significatif du prix du baril. Il faut surtout s'inquiéter qu'il ne chute pas davantage." Ilia Jarski, directeur associé et membre du groupe d'experts Veta, ne considère même pas la possibilité de sanctions contre Riyad. Selon lui, elles seront encore plus néfastes pour Washington. "L'Arabie saoudite exporte 7,7 millions de barils par jour, par conséquent la moindre allusion à des sanctions contre Riyad pourrait faire revenir le baril à 90 dollars et plus", estime Ilia Jarski.