Les accidents de la route font de plus en plus de victimes en Algérie. Toutes les lectures et interprétations sur la sécurité routière montrent un constat alarmant. Notre pays compterait parmi les pays où le risque d'accident de la route est le plus élevé au monde. D'aucuns n'hésitent plus à qualifier ce phénomène de macabre et l'été est souvent une période propice aux accidents en cascade. Durant cette période, le bilan est encore plus catastrophique et les statistiques le confirment sans l'ombre d'un doute. Selon la Protection civile, durant le premier semestre 2010, il a été enregistré 11 746 accidents de la circulation qui ont causé 13 896 blessés et 842 décès. En juin 2010, il y a eu 2377 interventions, 2644 blessés et 170 morts. A titre comparatif, selon la même source, au mois de mai dernier, 135 décès ont été comptabilisés. Le lieutenant Bernaoui, chargé de l'information à la Protection civile, tente une explication : « C'est une tendance lourde observée lors de la saison estivale au regard du trafic routier qui est très sollicité et les départs de vacances vers la mer, la forêt et le camping. Les causes sont généralement le non-respect du code de la route (excès de vitesse et dépassements dangereux). Nous essayons d'agir par des campagnes de sensibilisation avant et pendant la saison estivale. La vigilance ne doit pas se relâcher, notamment en cette période de longues migrations estivales. » D'autres statistiques nous ont été divulguées pour prendre conscience de l'ampleur du drame routier. Du 4 au 10 juillet, il y a eu 747 accidents de la route qui ont engendré 787 blessés et 24 décès. A Alger, on comptabilise 132 accidents, 128 blessés et 2 décès. Au cours du week-end du 15 au 18 juillet, il y a eu 24 accidents, 21 morts et 91 blessés. Au niveau de la Gendarmerie nationale, un seul mot d'ordre circule : il faut sonner l'alerte et sensibiliser les citoyens. Un détail est à signaler : en Algérie, contrairement à ce qui est pratiqué ailleurs (le suivi des blessés durant 30 jours d'hospitalisation), ne sont comptés comme tués que les accidentés décédés sur place. Les blessés qui succombent lors de leur transfert à l'hôpital ou suite à des traumatismes seront toujours comptabilisés en tant que blessés. En 2006, les autorités ont dénombré 40 885 accidents sur les routes algériennes, qui se sont traduits par 60 120 blessés et 4120 morts. L'Algérie enregistre plus de 11 tués de la route chaque jour et 5 accidents chaque heure. De 1995 à 2000, il a été constaté une augmentation du nombre d'accidents due à une forte croissance du parc automobile. 2001 à 2006 est une période marquée par une légère diminution, notamment en 2005, par rapport aux années précédentes du fait de la mise place d'un nouveau dispositif réglementaire (loi 16-04 : retrait de permis). Il est observé un certain relâchement sur le système de retrait de permis, notamment hors de la capitale. Le bilan établi jusque-là semble catastrophique. Est-ce que cela voudrait dire pour autant qu'il n'y pas eu de résultats en matière de lutte contre l'insécurité routière en Algérie ? La réponse est oui, selon Farès Boubakour, de l'université Hadj Lakhdar (Batna), responsable local du projet Esteem. Pour lui, « l'insécurité routière, aujourd'hui, est en train de revenir au niveau des années 1985 (en termes de nombres d'accident, de blessés et de tués). Aujourd'hui, nous avons une mobilité qui a explosé : extension urbaine, déplacements plus longs, une population qui a augmenté de plus de 50%. Et un parc de véhicules multiplié au moins par 3. Or, à peu de chose près, on a les mêmes nombres de tués, de blessés et d'accidents ! » Les experts en sécurité routière, en épluchant le bilan annuel des accidents de la circulation, ont estimé qu'en dépit de l'application des mesures accablantes introduites par le nouveau code de la route, le nombre d'accidents n'a pas régressé. Même si le facteur humain demeure, selon leurs propos, la cause essentielle, il n'en demeure pas moins que d'autres facteurs méritent d'être relevés, en particulier le mauvais état des routes, le manque d'éclairage et de signalisation, les pièces de rechange dites « Taiwan ». Le directeur du Cnpsr attribue cette augmentation à plusieurs facteurs, dont le déséquilibre entre le nombre croissant de véhicules (le parc roulant a atteint près de 5 millions de véhicules) et le manque d'infrastructures routières. « La prévention ne doit pas se limiter uniquement aux mesures astreignantes, elle doit être accompagnée de formation pour les conducteurs », a-t-il souligné. Les radars sont le symbole de la nouvelle politique de sécurité routière impulsée par les pouvoirs publics, mais ils n'ont pas permis une modification du comportement des conducteurs. Plus que la peur du gendarme, toujours dissuasive, il est important d'aller vers la diffusion d'une culture de la sécurité routière. Cette situation n'est pas près de changer, surtout que les transports, en Algérie, s'effectuent à 90% par route. De 1990 à 1999, le volume du trafic de marchandises par voie ferrée a baissé de 26%. Pour les voyageurs, c'est encore pire ; la baisse a été de 63% sur la même période. Il faut signaler que la majorité des victimes des accidents routiers sont des enfants et des jeunes. De plus, ces accidents engendrent des dépenses : assurances, soins médicaux, arrêts de travail, sans compter les conséquences sociales. Concernant les coût des accidents de la route, Amar Tou, ministre des Transports, l'a estimé à 100 milliards de dinars au Trésor public en 2007.