Toutes les lectures et interprétations sur la sécurité routière chez nous montre un constat alarmant. En effet, l'Algérie compte parmi les pays où le risque d'accidents de la route est le plus élevé au monde. Ainsi, si l'on rapporte le nombre de tués au parc de véhicules disponibles exprimé en 104, on obtient un indicateur qui pourrait nous permettre de nous rendre compte de l'intensité du phénomène d'insécurité routière dans notre pays (1) La lecture des chiffres permet de se rendre compte relativement facilement que les pays les plus riches maîtrisent davantage le phénomène d'insécurité routière. Les pays du Sud enregistrent un nombre de tués par rapport au parc de véhicules 10 à 20 fois plus élevé que celui des pays industrialisés. Ainsi, alors que les autres pays réalisent des résultats tout à fait intéressants en matière de sécurité routière (nous pensons tout particulièrement au cas français où les chiffres ont été divisés pratiquement par deux en quelques années), les statistiques algériennes les plus récentes montrent une augmentation préoccupante. Le nombre d'accidents a explosé depuis 2001 pour rejoindre aujourd'hui les niveaux des années 1985, voire les dépasser (Cf graphique ci-dessous). En 2006, 40885 accidents ont été enregistrés sur les routes algériennes et se sont traduits par 60120 blessés et 4120 tués. L'Algérie enregistre ainsi plus de 11 tués de la route chaque jour et 5 accidents chaque heure. L'analyse du graphique permet de définir trois phases distinctes. 1985 à 1994 : cette période est caractérisée par la diminution nette du nombre d'accidents et de blessés (mais les accidents restent plus mortels). Cette baisse du nombre d'accidents s'explique globalement par la situation sécuritaire de l'époque. En effet, un sous-enregistrement des accidents de la route est possible. En plus, le contrôle et l'obligation du respect de règles de circulation ne constituaient pas véritablement une priorité pour les agents de l'ordre et des gendarmes. Un autre élément capital qui explique qu'il y avait moins d'accidents est la conséquence de la baisse importante de la mobilité des Algériens due au climat de peur, avec notamment une quasi inexistence des déplacements dès la tombée de la nuit. 1995 à 2000 : l'amélioration de la situation générale a occasionné un retour progressif à la normale. La période se trouve caractérisée par une augmentation du nombre d'accidents conjuguée à un accroissement du parc automobile. 2001 à 2006 : cette période est marquée par une augmentation progressive des accidents pour arriver à un niveau de chiffres comparable aux années 1985. A noter toutefois une légère diminution, notamment à partir de 2005, par rapport aux années précédentes. Ceci pourrait s'expliquer par la mise en place d'un nouveau dispositif réglementaire (loi 16-04 avec le retrait de permis). Toutefois, sur ce plan, il est observé un certain relâchement en matière de contrôle et de retrait de permis, notamment hors de la capitale. Ce relâchement se traduira sans doute par une croissance du nombre d'accidents dans les chiffres de 2007. Ceci dit, il est important de relativiser un peu les choses. La situation aurait été catastrophique. En réalité, la situation peut être vue plutôt comme positive, surtout les dernières années. En effet, si l'on raisonne globalement, il y a moins d'accidents et moins de victimes de la route si l'on tient compte de l'évolution d'un certain nombre d'indicateurs. Tout d'abord, si l'on considère le parc qui est en augmentation (arrivé à 3.5 millions de véhicules, alors qu'il était de 1.9 million en 1985, et en cette période on avait bien les mêmes chiffres d'accidents de la route. En effet, les gens roulent de plus en plus et sur des distances de plus en plus longues. Aussi, pour que la comparaison soit significative, il faudrait retenir le facteur véhicule/kms qui le seul indicateur pertinent pour la circonstance. Comme la mobilité en 2006 a explosé par rapport à ses niveaux de 1985, on aurait pu (dû) avoir un nombre d'accidents beaucoup plus important que celui constaté aujourd'hui et de loin. En réalité, les efforts entrepris par les pouvoirs publics en matière de sécurité ont donné des résultats positifs mais qui restent invisibles car on raisonne sur l'absolu. Un projet de recherche consiste à faire une étude de l'accidentologie durant la même période en retenant les mêmes caractéristiques des années 1985 et faire une projection sur 2008 et comparer les résultats. Il est quasi certain que l'on trouvera une amélioration de la sécurité routière aujourd'hui. Ainsi, dans le même ordre d'idée, le graphique ci-haut montre qu'une augmentation vive du nombre d'accidents à partir de 2001 s'est accompagnée par une augmentation plus que proportionnelle en blessés. Nous pensons que ces « blessés » auraient pu être des « tués » mais qu'au moins deux facteurs ont fait que cela n'a pas été le cas : les voitures sont plus sûres, avec notamment l'arrivée de l'airbag, mais c'est surtout la réussite à avoir pu imposer d'une manière ferme le port de la ceinture de sécurité qui s'est généralisé par la suite. Enfin, il y a lieu de considérer aussi que la facteur équipements de sécurité sur les voitures récentes comme l'ABS, c'est en quelque sorte autant d'accidents évités. En conclusion, quels que soient les efforts fournis par les pouvoirs publics, il reste qu'un tué de la route est un tué de trop pour la collectivité. Et une véritable prise en charge de la sécurité routière, passe tout d'abord par des actions intégrées et durables sur la composante conducteur-véhicule-environnement et ce, à travers une réglementation sévère, appliquée sur le terrain et conjuguée à beaucoup de communication et de sensibilisation. Améliorer les résultats chaque année en diminuant leur nombre d'accident devrait constituer un challenge pour toute la société sans avoir peut-être la prétention de se fixer un objectif plutôt utopique comme l'ont fait les pays scandinaves de zéro mort par an. Le problème est sur un autre plan plus complexe. L'élévation du niveau de vie des Algériens dans les années à venir, les formules d'achat facilité de voitures qui sont de moins en moins chères (asiatiques et indiennes) avec un coût d'utilisation de l'automobile pas vraiment dissuasif : un carburant pas cher à 20 DA le litre, encouragent les ménages à s'équiper en automobiles. Cette situation est à mettre en perspective avec le développement des villes, l'étalement urbain, la conurbation, et la métropolisation qui génèrent de fortes mobilités. L'usage de la voiture et son généralisation inévitable constitue le véritable problème pour nous dans les années à venir avec toutes les conséquences de congestion, de perte de temps, de pollution, de sécurité routière, etc., et cette situation ira en s'accentuant et en se généralisant dans la plupart des villes du pays. D'ores et déjà se dessinent les tendances lourdes difficiles à contrebalancer dans le futur. A notre sens, pour que nos routes soient véritablement sécurisées, il faudrait que s'établisse à terme une certaine hiérarchie et une certaine logique d'usage de la voiture. Les gens posséderont des voitures qu'ils utiliseront en fonction de motif de déplacement. Pour les transports pendulaires (domicile-travail), l'usage des transport collectifs s'impose compte tenu des coûts de transports plus intéressants avec accès rapide à la destination et à des prix attractifs (formules d'abonnement). Cette configuration pouffait être obtenu avec un système de tramways avec rabattement par bus rapide sur une voie réservée pour les villes moyennes. Un métro/tramway ou un BRT pour la capitale ou pour une métropole importante. Pour l'interurbain, où il y a le plus d'accidents mortels, il s'agira de développer essentiellement le transport par voie ferrée à compléter par un système de transport par autocars de haute qualité de service. Du coup, l'usage de la voiture particulière se stabilisera et se limitera au fil du temps et la voiture sera consacrée à un autre type de déplacement (loisirs, shopping, vacances, etc.) Ce système d'organisation des déplacements diminuera le nombre de voitures en circulation et il y aura nettement moins d'accidents sur la route. Note de renvoi : 1- A noter qu'en Algérie, on ne compte que les tués sur le coup, contrairement aux autres pays qui comptabilisent les tués dans les 30 jours/06 jours. Ce qui fera augmenter l'indicateur au- delà de 28.83 bien évidemment