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Le Commandant Azzedine
« La France doit restituer nos archives »
Publié dans El Watan le 03 - 04 - 2005

Le commandant Azzedine estime dans cet entretien que tout n'a pas été dit sur la guerre de Libération nationale. Il exhorte les historiens et les détenteurs d'archives à s'impliquer davantage dans l'écriture de ces pages de l'histoire de notre pays.
Tout a-t-il été dit sur la guerre de libération ?
Que non ! Seuls les histoires seront à même de rétablir les faits après l'écoute des témoins et des acteurs de cette guerre. Pour cela, la France a une grande responsabilité puisqu'elle est détentrice d'archives très riches et très édifiants qu'elle doit mettre à la disposition des historiens. En ce qui me concerne, je suis prêt à mettre à la disposition de qui l'exprime les archives et les témoignages en ma possession ; en toute modestie, je sais que je n'ai été qu'un acteur, humble par rapport à la grandeur de nos martyrs. En conclusion, je terminerai par les deux dernières lignes tirées d'un long texte poétique qui a illustré un album photo (B. Ethèl) paru après l'indépendance. Le matricule premier novembre.
A préparé ton rêve
Paix sur la terre aux blés de bonne volonté
Malek Haddad
Homme de terrain durant la guerre de libération, comment avez-vous reçu la signature des Accords d'Evian ?
Pour moi, ce fut un moment de joie ineffable. C'est la suprême reconnaissance à mes compagnons d'armes tombés au champ d'honneur. Ils ne connaîtront pas la joie de ce jour, mais devant la mémoire de leur ultime sacrifice, le peuple se reconnaîtra et il me vient en mémoire ces vers de Malek Haddad :
Ils sont entrés dans la légende
Et la légende leur ouvre les bras
Tout tournait dans ma tête à l'annonce des accords : les guillotinés, les rescapés des camps, les torturés, les veuves et les orphelins des martyrs. Mes pensées allaient également à toutes ces femmes meurtries, à toutes celles qui ont tout donné jusqu'à leur dernier souffle, aux survivants des camps et des prisons à ma nièce Zhor Zérari, qui après avoir « visité » plusieurs prisons de France me disait dans un poème émouvant :
Que m'importe le retour
Si mon père
N'est pas sur le quai
De la gare
Et son père était un martyr, dont le corps ne fut jamais
retrouvé.
Est-ce que l'accord reflétait ce que vous attendiez ?
C'est sûr ! Près de 8 ans de guerre ! Des sacrifices énormes ! Des centaines de milliers de morts ! Plus de 8000 villages rasés ! L'Algérie déclarée zone interdite ! Et voilà que l'espoir, que nos espérances se concrétisent par un accord qui est le résultat de plusieurs négociations. L'indépendance est enfin au bout de nos fusils !
Etait-il vital de signer cet accord ?
Certainement ! Parce qu'il consacrait la légitimité de notre lutte et l'indépendance de l'Algérie.
A l'heure où les tortures commises sur les Algériens sont reconnues par nombre de militaires français, on parle d'exactions commises sur des harkis par les Algériens en soutenant le chiffre de 100 000 morts. Etes-vous d'accord ?
Les chiffres sont toujours en excès quand il s'agit de jeter l'anathème sur nous ! A-t-on cité les morts de Mai 1945 ? A-t-on chiffré les morts et les sévices de l'armée coloniale ? Mustapha Lacheraf dont on ne peut douter du sérieux de ses recherches avance le chiffre, « ... de huit à dix millions de morts du fait des guerres et répressions coloniales (entre 1830 et 1962) ». C'est sûr, des excès ont pu être commis. Mais, ce ne sont là que les conséquences d'une grande colère longtemps, très longtemps, refoulée jusqu'à la fin d'une guerre qui fut sans merci. 100 000 morts dites-vous ? Pour moi avec deux zéros en moins, comparé aux exactions de l'OAS et de ses commanditaires. A-t-on seulement fait un retour en arrière, le jour de la libération de la France et des exécutions sommaires et nombreuses non seulement de collaborateurs, mais aussi sur des personnes suspectes de « sympathie » avec l'ennemi (femmes au crâne rasé, vieillards bastonnés et j'en passe). J'irais même plus loin. Dans toutes les révolutions, dont la nôtre, il faut établir deux colonnes : une positive et une négative ; il faut avoir le courage de s'assumer.
Que pensez-vous des dernières déclarations de l'ambassadeur de France sur les crimes commis le 8 Mai 1945 à Sétif ?
Certes, il faut regarder vers l'avenir. Je ne peux que me féliciter des nouveaux rapports entre les peuples algérien et français. Cependant, tourner la page de l'histoire ne signifie pas la déchirer. Le geste de l'ambassadeur de France est selon moi la symbolique d'un acte de repentance. En sortira grandi celui qui le manifestera. Les relations France-Allemagne ont évolué vers la grande Europe, grâce aux gestes de de Gaulle et d'Adenauer.


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