Importance n L'histoire est un lieu de la mémoire, mémoire que l'on interpelle et qu'on interroge. C'est un domaine à défricher continuellement. Chaque société a une Histoire ; celle-ci est produite, écrite, fructifiée. Qu'en est-il de celle de l'Algérie ? Le constat, fait par des historiens, est amère et déplorable, puisqu'il y a un risque de voir, un jour, en raison d'un manque effarant dans le domaine de l'écriture de l'Histoire de l'Algérie, disparaître notre mémoire à tous dans les rouages complexes et impitoyables de l'oubli. L'Algérien vit, depuis l'indépendance, dans une amnésie chronique aiguë qui risque de s'accentuer. D'où l'urgence de consigner par écrit notre passé, et cela indépendamment des influences politiques ou idéologiques. Des maisons d'édition, à l'instar de Chihab, Casbah ou encore récemment les éditions Alpha, s'investissent davantage dans l'édition d'ouvrages consacrés à l'histoire moderne de l'Algérie, surtout lorsqu'il s'agit de l'histoire immédiate. Une responsable des éditions Chihab, Yasmine Belkacem, explique : «Cela vient de l'intérêt du lecteur. Il y a effectivement un intérêt croissant quant aux livres qui parlent de l'histoire de l'Algérie, notamment des livres relatant la Guerre de libération ou l'histoire immédiate.» Des lecteurs, en nombre croissant, sont friands d'une telle littérature, car, «il y a, explique-t-elle, des pans de notre histoire à découvrir, à dévoiler.» Les besoins des lecteurs ont fait que les éditions Chihab créent une collection intégralement dédiée à l'histoire de l'Algérie. «La collection répond à un intérêt vif et pressant», souligne-t-elle. Et d'ajouter : «C'est pour en savoir plus, connaître autre chose que l'histoire officielle», précisant : «Le but, ce n'est pas pour polémiquer, mais plutôt afin de dire et révéler des faits qui n'ont pas été racontés, c'est pour dire des noms qui n'ont pas eu droit de cité.» Interrogée sur la démarche à entreprendre dans pareille entreprise, une opération qui s'avère, de par son envergure, délicate, la responsable des éditions Chihab explique : «Nous faisons appel à des historiens, et des acteurs d'histoire et à leurs témoignages.» Et de poursuivre : «Nous procédons également par cession de droits». Concernant les ouvrages consacrés à l'histoire moderne de l'Algérie, Yasmine Belkacem indique : «il n'y en a pas assez, il faut en avoir plus», ajoutant : «S'agissant de la Guerre de libération nationale, il y a des témoins encore vivants, et il faut et il est urgent de leur donner la parole.» L'objectif, ce n'est pas de polémiquer sur telle ou telle date ou situation, ou sur tel ou tel fait, lieu ou nom, mais de compléter, enrichir, voire colmater fissures et brèches de l'histoire de l'Algérie. Et s'exprimant sur l'histoire actuelle, immédiate, elle dit : «vu le foisonnement de l'histoire immédiate, il est essentiel d'en parler. Il y a des tas d'événements qui mériteraient d'être dits, racontés et consignés.» Car, l'Histoire est un domaine à défricher continuellement. L'Histoire est un lieu de la mémoire, mémoire que l'on interpelle et qu'on interroge. l S'exprimant sur la véracité des textes proposés, Yasmine Belkacem dit : «Il y a un comité de lecture constitué de spécialistes». Et de poursuivre : «c'est vrai que l'histoire a plusieurs versions ; ça fait partie d'ailleurs du jeu. Il y a des choses qui sont cachées, et un ouvrage peut effectivement engendrer une polémique, une contradiction, mais il peut compléter l'Histoire. L'apport de chacun apporte un complément.» «Il ne faut pas l'oublier, nous sommes un pays jeune, une société et une nation en construction», souligne-t-elle. S'agissant de l'écriture de l'histoire contemporaine et actuelle de l'Algérie, Yasmine Belkacem estime qu'«il y a toujours une demande. Les lecteurs sont nombreux à s'y intéresser, et ça serait bien que les historiens produisent davantage de livres afin de satisfaire les besoins du lectorat. Les éditions Chihab sont d'ailleurs ouvertes à toute suggestion et à toute contribution. Nous sommes soucieux de servir les lecteurs en les renseignant sur leur histoire. Et d'enchaîner : «Parce qu'on ne peut avancer dans le présent et vers l'avenir qu'en prenant connaissance de ce passé qu'est le nôtre et qui est commun à tous.» Cela revient à dire qu'il est nécessaire de fructifier le legs mémoriel, l'entretenir, d'où d'ailleurs le rôle des éditeurs de faire appel à des historiens pour pareille entreprise. «Un éditeur peut commander effectivement un texte, faire appel à un historien pour une contribution éditoriale», finit par relever Yasmine Belkacem.