Un rapport du Conseil mondial de l'or, repris par la presse nationale, classe l'Algérie comme détentrice de la première réserve d'or en Afrique. Alors que l'entreprise d'exploitation des mines d'or fait actuellement l'objet d'une enquête par le DRS, qu'en est-il exactement ? Enfin un bon classement : dans son rapport annuel 2010, le Conseil mondial de l'or, une organisation basée à Londres, plaçait récemment l'Algérie à la 22e place mondiale des pays détenteurs de réserves officielles en or, avec un stock estimé à 173,6 tonnes. Il y a autant d'or en Algérie ? Le malentendu s'installait, et des Algériens chômeurs, comme en compte le pays en stocks considérables, ont commencé à préparer pelles et pioches pour une ruée vers l'or dans le désert. Hélas, il ne s'agit pas de gisements ou de mines d'or, mais de réserves d'or, c'est-à-dire des lingots achetés sur le marché international par la Banque centrale algérienne pour constituer des stocks officiels, afin de les utiliser à la fois comme instrument d'échange monétaire et comme réserve de valeur. Autrement dit, l'Algérie possède en or bancaire l'équivalent de 6 milliards de dollars, qu'il faut ajouter aux 200 milliards de dollars de réserves de change. Oui, l'Etat est riche, mais ça, tout le monde le sait. Mais on ne doit pas pour autant poser nos pelles et nos pioches. L'Algérie possède plusieurs gisements d'or, dont deux sont déjà exploités par l'ENOR, joint-venture australo-algérienne à 52/48%. Juste une tonne par an actuellement, et 1,5 tonne envisagée pour l'année 2010. C'est peu, mais en potentialités, l'Algérie serait « la deuxième réserve d'or naturel africain derrière le Congo », d'après Douglas Perkins, PDG de GMA, la filiale du groupe australien qui exploite les mines d'Amesmessa et de Tirek en partenariat avec Sonatrach pour le compte de l'ENOR. Trois millions de tonnes dormiraient dans le sous-sol, selon cet expert, soit près de 100 milliards de dollars. En plein désert. A vos pioches ! La désolation du Tanezrouft In Ouzzal, un gigantesque bloc de pierres d'un milliard d'années. Juillet 2001, sous la chaleur insupportable dans ce fin fond du désert, entre Bordj Badji Mokhtar et Timiaouine, à 400 km au sud-ouest de Tamanrasset, la mine de Tirek donne ses premières onces d'or à l'Algérie. En bordure de l'effrayant plateau désertique du Tanezrouft, une faille monumentale nord-sud a découpé le Hoggar occidental, et c'est le long de cet accident que les quartz aurifères ont été trouvés. Tirek donne 60 kg d'or par mois avec un taux de 12 g du précieux métal par tonne de roche extraite. Ce qui est relativement faible, et ce qui a poussé l'opérateur australien à se déplacer à 60 km plus au sud, toujours sur la même faille, à Amesmessa, où le taux de 18 g/t est plus encourageant. Et surtout, avec des réserves estimées à 2,5 millions de tonnes, contre 500 000 pour Tirek. Novembre 2008, l'unité de production se déplace à Amesmessa et sous un climat déjà plus doux, le premier lingot est coulé en présence de Chakib Khelil, extrait de la deuxième mine d'or algérienne. Aujourd'hui, la production représente environ une tonne par an, avec des prospectives plus ou moins sérieuses de 5 à 6 tonnes par an, selon les estimations de l'opérateur australien. Mais d'autres gisements existent et les Chinois sont déjà présents au nord du Hoggar où ils ont pris des concessions d'or, pendant que d'autres opérateurs étrangers lorgnent vers Tiririne dans le Hoggar oriental ou encore In Allarène, Derreg et Timeg dans le Hoggar occidental, où les indices d'or sont établis. Tout n'est pas aussi facile pour autant et il ne s'agit pas de pelles et de pioches mais d'une entreprise très complexe. L'Australien du GMA se plaint d'ailleurs du Tanezrouft où la solitude de ce plateau classé comme l'un des plus désertiques au monde engendre des problèmes de chaînes de logistique et d'approvisionnement, conjugués à la bureaucratie nationale. L'or est loin de tout, dans cette région d'In Ouzzal qui veut dire littéralement « là où il y a du métal » en tamacheq. Les Touareg le savaient-ils ? En tout cas, tout le monde le sait, dans cette zone du Nord-Sahel où les difficultés sont nombreuses, le problème de la sécurité reste un paramètre très important, surtout en ce moment où l'armée algérienne a interdit les déplacements au sud de Tamanrasset. Personne n'en parle, sujet tabou. Les Australiens vont-ils partir ? « Pas des kangourous » GMA, Gold Mining Algeria, est la filiale algérienne, propriété à 100% de l'australien GMA Ressources. L'entreprise s'est associée par l'intermédiaire d'une joint-venture à un consortium algérien pour créer l'ENOR, l'Entreprise nationale de l'or, qui gère la production. 52% des parts pour l'Australien. 48% pour Sonatrach, qui a fini par racheter les parts de tous les opérateurs algériens présents au départ dans l'ENOR. Mais il semble que ce ne soit pas suffisant, malgré la rentabilité assurée de la mine d'Amesmessa. Les Australiens veulent investir et se développer mais se plaignent d'un manque de liquidités. Pour cela, ils ont émis des actions pour attirer de l'argent frais. Alors que la partie algérienne a théoriquement un droit de regard sur l'intégration de nouveaux actionnaires, les Australiens de GMA viennent de vendre un actif de 9% pour un montant de 3 millions de dollars à Askom Precious Metals Mining, filiale du fonds d'investissement égyptien Citadelle. Déjà, la partie algérienne s'interroge sur cet investissement, craignant un nouveau scandale du type Orascom Lafarge, où l'Egyptien vendrait immédiatement à un opérateur étranger les parts qu'il vient d'acquérir. Mais rien n'est sûr, le gisement d'Amesmessa est rentable et les Egyptiens, qui exploitent d'autres gisements minéraux en Lybie et au Soudan, ne sont pas forcément dans une logique de spéculation. Reste une énigme, comme l'explique un spécialiste algérien de l'Organisme national de recherche minière (ORGM) : « Comment l'Algérie, avec toutes les réserves monétaires qu'elle possède, peut-elle avoir un problème de liquidités pour investir dans un secteur aussi rentable, là où l'once d'or est passée de 400 dollars, à l'ouverture de la mine, à plus de 1000 dollars actuellement ? » Bonne question. La seule mine d'or algérienne va-t-elle fermer ? « Nous ne sommes pas des kangourous », conclut le cadre de l'ORGM. En tous les cas, deux choses sont sûres. Il y a une semaine, le Conseil mondial de l'or faisait un zoom sur l'or algérien. Il y a une semaine aussi, Hosni Moubarak était en Algérie.