Les émeutes liées à la distribution de logements sociaux deviennent de plus en plus fréquentes et de plus en plus violentes. Chaque fois, des citoyens s'estiment lésés par les pouvoirs publics si leurs noms ne figurent pas sur la liste des attributaires ; ils descendent dans la rue, brûlent des pneus, saccagent les lieux d'autrui et poussent l'agressivité jusqu'à attaquer de malheureux citoyens — surtout les femmes — qui ont la malchance de se trouver sur leur passage. Ces manifestants d'un nouveau genre, que la répression la plus brutale ne fait désormais pas reculer, sont arrivés à la conclusion que le pouvoir en place est très frileux et qu'il ne cède que devant la force. Car, s'il y a bien une chose qui donne des nuits blanches aux gouvernants, c'est la crainte d'un soulèvement populaire qui pourrait faire tache d'huile et se transformer en un nouvel Octobre 1988. D'autant que l'exhibitionnisme des nouveaux riches de l'actuelle décennie exaspère au plus haut point les Algériens qui, eux, ne savent pas où donner de la tête face aux problèmes de chaque jour. Il faut surtout dire que ce sont les dirigeants qui attisent le mécontentement. Leur démagogie et leur populisme mal placés créent le malaise. En effet, chaque fois que quelques dizaines de logements sont distribués aux plus démunis à travers le territoire national, l'opération se fait avec un grand tapage médiatique. La télévision est conviée à chaque distribution suivie d'un spectacle humiliant pour le bénéficiaire, obligé de s'exhiber devant les caméras. En quoi cela intéresse-t-il un résidant de Annaba de savoir que des compatriotes d'Oran ont été relogés et vice-versa ? Avec le temps, la publicité faite autour de telles actions devient frustrante pour ceux qui n'ont pas la chance d'accéder à un logement décent. Pour de telles situations, la discrétion aurait été de mise pour éviter le mécontentement des habitants des bidonvilles. En ayant recours à une médiatisation humiliante et insultante pour les concitoyens, les gouvernants créent immanquablement des jalousies, suivies de colère et de désordre. Ils ont semé, ils récoltent le fruit d'une politique attentatoire à la dignité.