Le Festival de Djoua, qui s'est ouvert il y a une semaine, s'est terminé jeudi avec ses couacs, mais surtout ses émotions. 10 000, voire 15 000 personnes, ou peut être plus, étaient restées encore éveillées au-delà de 4h du matin, dans la nuit de jeudi à vendredi, sur une colline au pied de laquelle a poussé une imposante scène. Jamais cette montagne n'a été aussi peuplée. Beaucoup dans cette grande foule, dont de nombreuses familles parmi lesquelles de vieilles personnes, ont été contraints à garer leur voiture et à continuer le trajet à pied sur une longue piste en pente, généreusement poussiéreuse, pour arriver jusque-là. Un gros problème de stationnement, tout comme celui du transport, a empoisonné la vie des festivaliers, qui ne se sont pas laissés, pour autant, abattre. On ne voulait pas, pour rien au monde, rater cette soirée de clôture. Et pour cause. L'auteur de El Bandi est au programme. La colline a fait le plein pour Cheikh Sidi Bémol. « L'année prochaine, nous serons plus nombreux, nous occuperons toutes les montagnes », promet Djamel Allam au micro, entre deux chansons, avant de se souhaiter joyeux anniversaire sous les youyous de la nombreuse assistance féminine. Le vieux routier, parrain du festival, vient de boucler ses 63 ans. La panoplie d'artistes, locaux et d'ailleurs, dont certains n'ont pas été annoncés, fera languir le public qui a longuement attendu Cheikh Sidi Bémol, qu'on fera lui aussi patienter sous sa tente. Des artistes amateurs, chorales d'enfants, ballets de danses kabyles, tlemcéniennes et bédouies, idhebalene (tambourinaires) participeront à la soirée. La palette musicale sera enrichie par la production d'un chanteur malgache qui voit dans Djoua de la « magie » pour avoir « transformé une montagne déserte en un lieu rassemblant tout ce monde ». S'il promet, tout enchanté, de revenir l'année prochaine, pour le groupe argentin qui lui succédera, ce n'est pas gagné. Il terminera son passage, fortement applaudi d'ailleurs, sur les nerfs à cause une « fausse note organisationnelle ». Son chef, visiblement rigoureux, en voudra aux organisateurs et le leur signifiera à la fin d'une prestation originale où une multitude d'instruments à vent et à cordes argentins et péruviens et autres tambours ont créé l'ambiance d'une scène où l'on semble évoquer les esprits. Tranchant avec la solennité de ce style sud-américain, le groupe Maya, qui est à Béjaïa dans le cadre d'une semaine culturelle dans la wilaya de Béchar, a invité au défoulement avant que Diwan Béchar fît le pas, lui, dans la transe à 1h30 du matin. Cheikh Sidi Bémol (Hocine Boukella) entrera en scène une dizaine de minutes plus tard. Beaucoup d'impatients ont quitté les lieux. Mais ce n'est pas pour autant que Djoua s'est désemplie. L'artiste retiendra son public en lui servant un plat musical aussi riche que varié. Après la prestation mémorable de Kateb Amazigh, le gnawi est reconvoqué à l'occasion face à un public qui en demande encore. L'auteur de Ghoumari n'en sera pas avare. Sa voix de bluesman aussi sera un motif supplémentaire pour forcer la séduction. Boudjeghlelou, Trig Setif, Amezwaru, Taqsit Uberri, Ma kayen walou kima l'amour, Blad e Tchina, Coulina, Bnat El Luxe, …. sa discographie est dans les coeurs de ses nombreux fans, des jeunes en majorité qui plongent volontiers dans les sonorités de ses opus, de Gourbi Rock jusqu'à Paris-Alger-Bouzeguène, en passant par Izlan Ibahriyene, Thalweg, sortie d'usine…. . Les visiteurs de cette ultime soirée de Djoua n'ont pas regretté d'avoir veillé aussi tard. La soirée s'est terminée vers 4h30 après que tous les artistes eurent rejoint la scène pour clôturer un festival dont le chapitre musical a fait de l'ombre aux expositions et autres activités.