Au niveau du marché hebdomadaire de Tadjenanet, dans la wilaya de Mila, les commerçants sont sceptiques, voire méfiants, vis-à-vis du projet d'obligation du chèque pour tout paiement dépassant les 500 000 DA. D'aucuns voient dans cette démarche une intrusion des pouvoirs publics, synonyme de « frein à la bonne marche des affaires ». Un large échantillon de revendeurs d'Oum El Bouaghi, M'sila, Guelma, Annaba, Aïn Fakroun et Constantine, versés dans le créneau de la literie, des stores, des sacs de voyage (maroquinerie) et de l'habillement (vêtements pour femmes, hidjabs et autres djellabas), trouvent que « ce projet ne peut être positif que s'il cible les producteurs et les importateurs car, après tout, nous ne sommes, pour la plupart, que des relais entre les fournisseurs et les clients ». Entre autres pratiques commerciales, des voix s'accordent à dire que la pratique du troc, la vente à crédit et le recours aux courtiers sont de mise. Ce qui ne cadre pas tout à fait avec les conditions que veut mettre en place le principe du paiement par chèque. Très connus au niveau de cet immense centre de négoce, des grossistes de Médéa, Blida, Boumerdès, Tipasa, Tizi Ouzou et Alger indiquent dans leur majorité « avoir eu vent, par le biais des journaux, de cette nouvelle disposition ». Mais ils sont néanmoins partagés sur la question. Globalement, ils considèrent que ladite disposition est « inadéquate » et « contraignante » dès lors que les intervenants au niveau du marché de Tadjenanet n'opèrent pas dans des magasins fixes facilitant l'accomplissement de cette formalité. Et de s'interroger : « Comment voulez-vous qu'on vous établisse un chèque, sachant que les commerçants du marché de Tadjenanet sont des itinérants provenant d'au moins 30 wilayas du pays ? » Des liquidités importantes en circulation L'autre motif de méfiance soulevé par les commerçants qui s'approvisionnent sur ce marché est lié au défaut de facturation érigé en mode de transaction. Ce problème est connu au niveau de tous les maillons de la chaîne, en commençant au niveau des ports et des frontières terrestres. Ainsi, l'on imagine mal qu'un importateur, qui ne facture pas sa marchandise, établisse des factures à ses clients, grossistes et détaillants. Pour ainsi dire, se soumettre à l'obligation de traçabilité du produit vendu et donc se conformer à l'obligation du paiement par chèque des sommes dépassant les 500 000 DA s'avère être une disposition difficile à concrétiser. Ceci, alors que cette grande aire commerciale brasse des sommes colossales qui ne servent, tout compte fait, qu'à alimenter davantage l'informel. A en croire des sources officielles, la masse monétaire en circulation lors d'une séance de marché, dont la durée est de 5 à 6 heures, varierait entre 200 et 300 millions de dinars. Estimation « dérisoire », affirment des initiés, selon lesquels le volume réel des numéraires en circulation dépasserait de 10 fois au moins ces seuils. A bien des égards, le constat tient la route. D'autant plus qu'on affirme que les transactions commerciales se concluent à coups de « sachets en plastique noirs » bourrés de billets de banque. Preuve en est encore que cette enceinte de 11 hectares est prise d'assaut par quelque 1200 à 1500 commerçants. Les visiteurs : acheteurs, intermédiaires, prestataires de service… se comptent, quant à eux, par milliers. L'opulence de cette place du négoce national se mesure aussi à l'aune des consistantes entrées financières qu'il procure à la municipalité. Sa mise en adjudication évolue selon une courbe croissante, engrangeant par année fiscale des recettes oscillant entre 100 et 150 millions de dinars.