La région du Sahel, qui s'étend de la mer Rouge à la Mauritanie, est devenue ces dernières années une poudrière prête à exploser à tout moment. L'exécution de l'otage français par la nébuleuse Al Qaîda, en réaction à l'attaque-surprise et surprenante des armées mauritanienne et française, décuple la menace dans cette région ouverte aux quatre vents. En plus des conflits ethnico-religieux qui jalonnent encore l'histoire du Sahel – Afrique noire- Afrique blanche, le Nord musulman le Sud chrétien (Soudan, Tchad, Mali, Niger) – les dirigeants de ces pays qui sommeillent sur des richesses inestimables (uranium au Niger, pétrole au Soudan et au Tchad…) et qui sont pour la majorité mal élus, peinent à asseoir leur autorité et garantir la sécurité à leurs peuples. A ce déficit démocratique s'est greffé le business du trafic à grande échelle de la drogue faisant notamment du Soudan, du Tchad, du Mali, du Niger une autoroute pour les narcotrafiquants qui s'approvisionnent depuis l'Amérique latine. Et entre la drogue et le terrorisme, la frontière est ténue au Sahel. La nébuleuse Al Qaîda y a donc trouvé un bon filon pour opérer en terrain conquis et parfois même acquis, comme cela a été le cas lors de la libération de quatre dangereux terroristes d'Al Qaîda contre la remise en liberté de l'otage – espion ? – français Pierre Camatt. Dans cette transaction effectuée en devises sonnantes et trébuchantes, Al Qaîda a touché le gros lot de la part de Paris, avec la sous-traitance du président malien Mamadou Toumani Touré (MTT). Ce jour-là, la France s'est rendue coupable d'une violation nette d'une résolution onusienne interdisant le paiement de rançon, comme le rappelle Salima Tlemçani dans son article ci-contre. L'épicentre des convoitises Le vieux Michel Germaneau, lui, a semble-t-il été sacrifié. Le président Sarkozy, qui promettait hier que « ce crime ne restera pas impuni », s'est contenté de dépêcher Bernard Kouchner à Niamey, Nouakchott et Bamako pour rassurer leurs dirigeants et, sans doute, pour absorber la colère de ceux qui, en France, dénonceraient la sortie ratée de l'armée française dans les sables mouvants du Mali. Plus généralement, l'exécution de l'otage français confirme que le Sahel devient de plus en plus incontrôlable de par le faisceau de conflits potentiellement contagieux pour le Sahara, et donc pour l'Algérie. Parallèlement, sous l'étendard de la lutte contre le terrorisme et Al Qaîda, les grandes puissances y pointent le nez. Mais il y aussi et surtout l'odeur forte du pétrole du gaz, du phosphate et de l'uranium qui chatouille les narines des responsables français, américains et désormais chinois. L'objectif stratégique étant de prendre le contrôle des grandes réserves énergétiques et, par là même, s'assurer une place au soleil dans les futurs équilibres géopolitique en Afrique de l'Ouest, au Sahel mais également au Maghreb. Pour ce faire, amplifier la menace terroriste devient un moyen de prendre pied, militairement d'abord, puis économiquement, dans cette région. L'entrée en scène de la Chine, de l'Inde et du Brésil dans certains pays du Sahel n'est pas pour plaire aux Etats-Unis et à la France. Surtout que les Chinois, par exemple, ne viennent pas avec des chars et des baïonnettes, mais seulement avec leurs bras et leur argent pour investir. Pour Pékin, le Sahel et toute l'Afrique constituent un chaos, certes, mais constructif tout de même…C'est dire que l'arc sahélien est devenu une zone de contact, voire de confrontation des intérêts géopolitiques qui ne sont pas profitables aux population des pays. C'est dans cette perspective que le professeur Berkouk (lire l'entretien) souligne que les pays du Sahel, qui ont créé un dispositif de coordination opérationnel de lutte contre le terrorisme (sommet de Tamanrasset), devraient faire fructifier cette initiative pour éviter les ingérences étrangères. A défaut, la région, déjà fortement instable, risque de se transformer en épicentre des convoitises des grandes puissances et, pis encore, le terrain d'affrontements armés.