La conjoncture économique internationale connaît un ralentissement inquiétant dû, en grande partie, à la propagation de l'épidémie du coronavirus. Cette baisse d'activité, notamment celle de la Chine, s'est répercutée négativement sur la demande de pétrole entraînant une chute rapide et assez grave du prix du baril. L'économie algérienne affaiblie par une gestion catastrophique de plus de 20 ans n'est pas aujourd'hui, assez armée pour faire face à une chute drastique de sa principale ressource. Que faire ? Existe-t-il quelques pistes ou approches qui peuvent sauver l'économie, épargner les équilibres macro-économiques et préserver la paix sociale ? Dans ce contexte assez difficile, une politique économique d'urgence s'impose. Des choix adaptés à la situation internationale et à l'état de notre économie doivent être arrêtés et appliqués. Ce constat nous a conduits à insister sur l'importance de certains facteurs clés qui déterminent la réussie de toute politique économique et favorisent le dynamisme et l'évolution d'une économie (les facteurs clés de succès, les FCS). Parmi ces facteurs, l'entreprise occupe une place incontournable. Elle constitue un élément déterminant dans la réussite de toute option économique. En effet, l'entreprise constitue un outil stratégique, vital et primordial dans toute économie qui se donne comme objectifs un développement réel, dynamique et durable. Elle est l'instrument incontournable pour la création des richesses d'un pays, pour une croissance continue et soutenue, pour la création d'emplois. Tenant compte de l'importance et du rôle d'une entreprise dans l'économie, Günter Venheugen, ancien vice-président de la commission chargée des entreprises et de l'industrie de l'Union européenne qualifiait les entrepreneurs et les entreprises «de l'ADN économique pour développer la compétitivité et l'innovation en Europe». Cette formule explique, à elle seule, la place réservée à l'entreprise et à l'esprit d'entreprendre dans l'économie et la stratégie économique de l'Union européenne. La récente crise financière a démontré et confirmé le rôle fondamental de l'entreprise dans l'économie, notamment le pouvoir qu'assument les PME dans la dynamisation de l'activité et le maintien ou la création des postes de travail. Les PME constituant la majorité des entreprises d'un pays ont un rôle considérable dans une économie. Dans l'Union européenne par exemple, 99% des entreprises sont des PME qui emploient plus de 60% de salariés, participent à 53% dans la constitution de la valeur ajoutée et à plus de 45% du chiffre d'affaires, 85% de nouveaux postes créés annuellement proviennent des PME. L'OCDE considère fondamentalement la PME comme «une source considérable d'emplois et de revenus, mais aussi le moteur d'innovation et de croissance». Le dynamisme des PME et leur capacité à s'adapter à la conjoncture placent ce type d'entreprises au centre de tout dispositif de développement et de croissance ou de lutte contre la crise. Mais leur capacité financière et la forte dépendance de l'évolution du marché les fragilisent dans les conjonctures très difficiles. C'est pourquoi, les pouvoirs publics doivent être très attentifs à l'évolution des PME. Ces spécificités qui caractérisent les PME, expliquent la réaction rapide et énergique des pays de l'Union européenne, durant la crise financière de 2009, à mettre en place un dispositif d'aide et de soutien aux PME avec un suivi quasi-quotidien. C'est une question vitale pour l'économie d'un pays et la reprise de la croissance. Il n'y a pas de définition de PME universellement reconnue, la distinction des PME des autres entreprises, reposait initialement sur le nombre de salariés. Le volume du chiffre d'affaires, le total du bilan ont été intégrés par la suite. Des seuils ont été délimités facilitant une définition assez complète basée sur des critères mesurables qui établissent une distinction entre la petite et moyenne entreprise (PME), l'entreprise à taille intermédiaire (ETI) et les grandes entreprises. Voyons quels sont les critères qui définissent une PME ? La loi d'orientation sur le développement et la promotion de la petite et moyenne entreprise (loi N° 17-02 du 10-01-2017) retient les critères suivants pour définir une PME : avoir entre 1 et 250 salariés, un chiffre d'affaires ne dépassant pas 4 milliards ou un total bilan annuel inférieur ou égal à 1 milliard et respecter les critères d'indépendance. Cette loi a retenu des objectifs forts intéressants visant l'impulsion de la croissance des PME, l'amélioration de l'environnement et du taux d'intégration, la promotion de la sous-traitance, l'évolution de la compétitivité, la promotion de la culture entreprendre, l'innovation et l'accès au foncier et au financement. Malheureusement, l'application de ces objectifs sur le terrain est limitée. Elle n'a pas pu engendrer un impact décisif sur la réalité des PME, sur l'évolution de la croissance de l'économie et la création de postes de travail. La démarche retenue par l'Union européenne pourrait nous être utile et constituer une référence ou un modèle à étudier et à adapter à l'environnement économique algérien. La qualité et l'efficacité des objectifs sélectionnés et son impact immédiat sur la réalité des PME confirment la pertinence de cette démarche. La Commission européenne a adopté un «Small Business Act», en quelque sorte une loi-programme applicable dans tous les pays de l'Union, comprenant des options stratégiques, des mesures concrètes et des objectifs à atteindre selon un échéancier. Cette manière, de faire est crédible et permet une évaluation mesurable pour éviter tout bilan démagogique, comme c'est le cas dans beaucoup de pays sous-développés. Le «Small Business Act» SBA, vise à faciliter la vie aux PME et placer les besoins des PME dans le centre des politiques de l'Union, conformément au principe : «Penser PME d'abord ou priorité aux PME.» Cette démarche devrait devenir «la norme» dans la définition des politiques économiques des pays européens. La formule : «L'Europe, c'est bon pour les PME, les PME, c'est bon pour l'Europe», illustre, assez bien, la conviction, la volonté et la détermination de l'Union. La PME est placée au cœur de toute stratégie de croissance et de création d'emplois. Le « Small Business Act » vise à inciter les pays de l'Union à développer des politiques favorables aux PME. Nous résumons succinctement les principes retenus par la commission et les mesures préconisées pour transformer ses principes en actions stratégiques. 1. Créer un environnement favorable à initiative, à la création d'entreprise où l'esprit d'entreprendre est récompensé. 2. Les PME qui déposent le bilan, mais dont la faillite est justifiée, auront des aides pour se relancer ou créer une nouvelle affaire. Une seconde chance est accordée aux gestionnaires ou propriétaires de ces PME en difficulté ou en faillite. 3. Rendre le principe «Priorité aux PME» effectif par la promulgation d'une réglementation qui agit favorablement sur l'environnement au profit des PME. 4. Assurer la réactivité des administrations aux besoins des PME. Etre attentif à leurs difficultés et réagir efficacement comme soutien permanent aux entreprises. 5. Adapter les outils des pouvoirs publics aux besoins des PME, notamment en leur facilitant l'accès aux marchés publics. 6. Assurer une meilleure exploitation des dispositifs d'aides au profit des PME. 7. Faciliter l'accès des PME au financement par l'amélioration et l'adaptation des différents instruments et en créant de nouveaux mécanismes. 8. Faire en sorte que le marché unique soit un espace opportunités concrètes pour le développement et l'expansion des PME de l'union grâce à une meilleure information et concertation sur les marchés. 9. Promouvoir la formation, l'adaptation des qualifications et l'innovation, facteurs déterminants pour l'amélioration de la compétitivité des PME et l'accès aux nouveaux créneaux. 10. Transformer les défis environnementaux en opportunités et non en contraintes. 11. Aider les PME à tirer profit de la mondialisation du commerce en améliorant constamment leur compétitivité. La commission a retenu des actions à appliquer à court terme, par exemple, réduire les charges administratives de 25%, limiter les délais de paiement, faire en sorte que les délais de constitution d'une PME ne dépassent pas une semaine, créer des bureaux d'information et de soutien en Inde et en Chine, deux gros marchés émergents offrant des opportunités d'exportation. La formation, le développement de l'esprit d'entreprise chez les jeunes, l'innovation sont des actions fondamentales qui ont été privilégiées pour redynamiser la création d'entreprises et maintenir un niveau de compétitivité assez élevé. Le but est de protéger l'Union des concurrents extérieurs et de s'accaparer une plus grande part du marché mondial. En ce qui concerne les entreprises qualifiées de start-ups, le but est de valoriser un travail de recherche. Elles sont donc innovantes et normalement à haute valeur ajoutée. En plus, elles enregistrent une croissance rapide en termes d'activité et d'évolution. En France, une série de critères est retenue pour définir une jeune entreprise innovante (JEI). C'est une PME, avec moins de 250 salariés et un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions d'euros. Elle réserve, au moins, 15% de ses charges à la recherche. Elle a moins de 8 ans. Capital détenu, au moins, à 50%, par des personnes physiques. Les liens très étroits entre ce type d'entreprises et la recherche, l'emploi de jeunes universitaires diplômés dans des technologies avancées, sont des facteurs favorables au développement d'un pays. Les pouvoirs publics estiment que ses start-ups peuvent créer une nouvelle dynamique et apporter un «plus» à l'économie et à la croissance. C'est pour cette raison que des états soutiennent la création et le lancement de ce type d'entreprise en mettant à la disposition des promoteurs des incubateurs. Un incubateur peut être un organisme public ou privé dont la mission principale est d'assister les start-ups dans les phases de démarrage et de lancement en mettant à leur disposition un soutien dans le conseil, dans la recherche de subventions ou de financement, la formation, l'aménagement de locaux, des avantages fiscaux… Mais la politique économique et les instruments utilisés par l'Etat pour dynamiser l'économie, encourager la demande ou promouvoir l'offre, protéger le marché ou favoriser l'innovation, tous ses outils décisifs pour le développement de l'entreprise doivent être retenus et appliqués. Le climat des affaires est très sensible aux mesures gouvernementales et peut contribuer au dynamisme des entreprises, comme il peut constituer un facteur de blocage, de contre-performance et d'étouffement de toute initiative innovante. Les interactions entre la politique économique d'un pays et l'activité des entreprises sont nombreuses et peuvent agir positivement ou négativement sur leur évolution réciproque. C'est pourquoi, la qualité managériale d'une entreprise et la qualité de la gouvernance d'un pays sont intimement liées. La cohérence et la complémentarité entre ces deux facteurs conduisent à la concrétisation d'un double objectif. En effet, dans un environnement adéquat et favorable, l'entreprise produit, crée des emplois, investie et paye ses impôts. L'économie du pays se porte bien, le chômage baisse, la croissance et le niveau de vie s'améliorent, les recettes de l'Etat augmentent, la paix sociale est assurée, le gouvernement a atteint ses objectifs les plus nobles. Par conséquent, l'entreprise devrait être au centre des préoccupations des dirigeants d'un pays et constituer l'épine dorsale de toute stratégie de croissance et de développement.
Par Brahim Lakhlef ,
Brahim Lakhlef, est diplômé en économie, auteur de plusieurs ouvrages, notamment : Qualité des institutions, réformes et résultats économiques (ALE-éditions), La gestion d'une entreprise en difficulté (El-Djazairia-éditions), Le tableau de bord pour piloter votre entreprise (Baghdadi-éditions). Email : [email protected]