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Un enjeu majeur pour l'Algérie
L'innovation et les Pôles de compétitivité
Publié dans El Watan le 24 - 08 - 2016


Par Saheb Bachagha
Expert-comptable et commissaire aux comptes ; membre de l'Académie des sciences et techniques financières et comptables-Paris
Pourquoi notre industrie n'est pas compétitive ? Et qu'a-t-on fait pour remédier à cet état de fait ? Doit-on s'interroger aujourd'hui dans de tels termes alors que notre pays dispose de compétences humaines mondialement reconnues, et que notre sous-sol regorge de richesses naturelles importantes.
L'instabilité du marché pétrolier et la chute des prix des hydrocarbures, principale ressource de notre économie, ont lourdement impacté nos réserves de change.
Les raisons avancées pour justifier cette faiblesse de notre industrie son nombreuses. Elles peuvent être résumées autour du constat selon lequel l'Algérie souffre d'un déficit immense en matière d'innovation. Il convient de rappeler que l'innovation associée à la recherche sont devenues des enjeux économiques majeurs et des éléments fondamentaux de la compétitivité d'une économie.
Or, il ne peut y avoir d'économie forte sans industrie forte et notre industrie qui représente à peine 5% du PIB doit plus que jamais jouer un rôle majeur d'entraînement de l'économie pour la croissance, l'emploi et l'innovation. Il lui faut adapter son modèle tout en bénéficiant d'un environnement qui lui permette de répondre durablement aux enjeux du XXIe siècle. Mais auparavant, il y a quelques handicaps à surmonter pour qu'elle sorte de son marasme.
Une formation inadaptée
La formation n'est pas suffisamment orientée vers les besoins de compétences de l'industrie. L'existence de tensions sur l'emploi dans de nombreux secteurs industriels atteste de l'inadéquation entre l'offre de formation et les besoins de l'industrie tant au niveau de la formation initiale que de la formation continue.
Recherche inefficace
Les fonds publics destinés au soutien de la recherche et développement dans le secteur industriel, quand bien même importants, sont malheureusement moins orientés vers le développement économique. Dans le secteur privé, l'effort de recherche quant à lui accuse un retard notable sinon inexistant
Le tissu industriel insuffisamment solidaire
En économie de marché, il est normal que les entreprises ne puissent se faire des cadeaux entre elles, mais elles peuvent reconnaître des intérêts communs et collaborer. Elles ne le font pas suffisamment en Algérie. Les filières, sauf exception, ne fonctionnent pas comme tel : les relations entre les grands donneurs d'ordre, leurs fournisseurs et les sous-traitants sont souvent dégradées, en tous cas insuffisamment explicitées et organisées ; elles n'identifient pas les intérêts communs.
Le dialogue social insuffisamment productif
On éprouve de réelles difficultés à aborder suffisamment tôt les problèmes liés aux bouleversements que connaissent nos entreprises et leur environnement. Les postures l'emportent sur l'écoute réciproque ; les intérêts personnels l'emportent sur l'intérêt général, un climat de méfiance s'installe trop souvent et interdit la recherche en commun de solutions aux problèmes de l'entreprise. Les échanges sur la stratégie, souvent formels, ne prennent pas de consistance. Les pays qui réussissent sont pourtant ceux où le dialogue social est porteur de dynamiques favorables à l'entreprise et à ses salariés.
Développer la croissance par la mise en commun de moyens d'entreprises innovantes, de recherche et développement, telle est l'ambition des pôles de compétitivité. Pour donner à l'innovation toutes ses chances de réussite, l'Algérie doit travailler en parfaite cohésion avec tous les acteurs nécessaires au développement de l'économie nationale : les industriels, les chercheurs, les investisseurs, les financiers, les experts-comptables, les centres de formation, doivent mettre leurs moyens en commun pour réussir ce grand challenge, celui d'une économie puissante. Et Dieu merci, tous les moyens existent pour gagner ce défi. Ce qui nous manque, c'est la bonne volonté des acteurs économiques, le manque d'initiative (on est toujours tenté par le gain facile par l'achat et revente en l'état) au lieu de s'investir dans des projets innovants créateurs de valeur ajoutée et d'emplois.
Cette culture du gain facile doit être révolue parce qu'elle ne sert pas l'économie nationale. Ce qui nous manque aussi, c'est l'absence de solidarité, le manque de coopération entre les acteurs économiques. Je ne prétends pas apporter à travers cette contribution une solution à la situation préoccupante que connaît notre pays ni proposer une feuille de route, il s'agit tout simplement d'une modeste réflexion dans l'espoir d'éclairer les idées. L'objectif recherché au travers de la mise en place des pôles de compétitivité est de créer «un écosystème de la croissance, c'est-à-dire la combinaison sur un territoire donné d'entreprises, de centres de formation et d'unités de recherche engagés dans une démarche partenariale destinée à dégager des synergies autour de projets innovants pour permettre le développement d'activités industrielles, de l'emploi, de conforter les régions, de créer de nouvelles richesses, de développer des infrastructures, de conduire des partenariats en collaboration avec les régions. Les domaines technologiques en émergence, les biotechnologies, l'agro-industrie, les énergies renouvelables, les produits dérivés du pétrole et l'industrie en général sont concernés. La mise en avant de facteurs clefs de compétitivité industrielle, au premier rang desquels se trouve la capacité d'innovation par la Recherche et développement (R&D) constitue l'enjeu de la politique des pôles de compétitivité qui a été conceptualisée par Michael Porter, universitaire à Harvard, sous le nom de
«cluster». Lui-même s'est inspiré de la théorie des avantages comparatifs de David Ricardo.
Elle a fait les beaux jours dans de nombreuses régions à travers le monde. On citera les districts italiens, les clusters au Pays basque espagnol, les réseaux de compétences allemands : Kompentenznedtze. Le cluster désigne une portion déterminée de territoire. Pour Michael Porter, il s'agit de concentrations géographiques et économiques naturelles où la croissance est importante et soutenue par les interactions entre les privés, publics et institutionnels en liaison avec le type d'activité spécifique. Eventuellement, la mise en place de cette stratégie en Algérie repose sur les pôles industriels existants déjà, à savoir dans la région de Annaba une infrastructure minière, de fer et d'acier ; dans le Constantinois, une infrastructure d'industrie mécanique ; au Centre, une infrastructure d'industrie de véhicules lourds ; dans l'ouest, une infrastructure pétrochimique, une industrie électronique et mécanique agricole. Il s'agit d'envisager sur ces pôles industriels des pôles de compétitivité.
Le fonctionnement des pôles de compétitivité tels qu'ils se pratiquent dans d'autres pays
Chaque pôle de compétitivité doit être représenté et animé par une entité juridique propre, sous forme d'association et doit disposer d'une équipe permanente souvent légère (3 à 4 personnes) avec un budget de fonctionnement ; le financement de ces structures est assuré par ses membres et par les contributions de l'Etat et des collectivités territoriales. Son rôle est de faciliter le montage des projets entre différents acteurs des pôles. Cette structure de gouvernance est tenue d'accorder une place prépondérante aux acteurs industriels, scientifiques et académiques dans ses instances dirigeantes tout en permettant la représentation des collectivités territoriales intéressées.
Les missions officielles confiées aux structures de gouvernance des pôles consistent en :
- l'élaboration et la mise en œuvre de la stratégie générale du pôle ;
- la coordination et la sélection (labellisation) des projets de recherche à candidats :
- à un soutien de la part des financements publics dédiés spécifiquement à la politique des pôles ;
- la communication du pôle, l'évaluation des projets.
Il faut noter par ailleurs que ces structures jouent un rôle prépondérant dans le rapprochement entre les membres du pôle, l'émergence et le choix de projets stratégiques. Elles sont aussi chargées de s'assurer de la place accordée aux PME dans le fonctionnement et la définition de la stratégie du pôle.
Le contrat cadre ou le contrat de pôle de compétitivité
Parallèlement à la structuration de la gouvernance des pôles, les relations entre les différents acteurs de chaque pôle ont été contractualisés dans un contrat cadre.
Ce contrat cadre conclu entre l'Etat, les collectivités territoriales concernées et la gouvernance du pôle a pour objectif de définir :
- les modalités de fonctionnement de la structure de gouvernance des pôles (statut juridique, organisation et fonctionnement des instances, méthodes de sélection des projets) :
- les objectifs et la stratégie du pôle ;
- les moyens d'animation du pôle ;
- la mise en place d'un comité de coordination entre les signataires du contrat cadre pour assurer le suivi ;
- la définition de la zone de recherche et de développement attachée au pôle ;
- les principes retenus pour la labellisation des projets ;
- les moyens d'évaluation des pôles.
Ce contrat cadre est un document type, conclu avec chacun des pôles de compétitivité labellisé ; il doit faire l'objet d'une validation par le Comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire (CIADT).
L'accompagnement technique des pôles de compétitivité
Concomitamment à la labellisation, il a été décidé d'assurer un soutien technique et méthodologique de l'Etat à chaque pôle de compétitivité à travers la mise en œuvre d'une équipe dédiée. Le groupe de travail interministériel, quant à lui, est chargé d'une mission générale d'accompagnement et de suivi des pôles.
Les missions du groupe de travail interministériel recouvrent désormais :
- la facilitation des relations entre les pôles et l'administration ;
- le suivi des pôles ;
- l'évaluation ;
- la diffusion d'informations et de bonnes pratiques ;
- L'organisation de manifestation.
Le comité de coordination partenarial
Chaque pôle de compétitivité a donné lieu à la création d'un comité de coordination dédié constitué autour des walis des régions concernées. Chaque comité est organisé en un comité des financeurs et un comité scientifique en charge du suivi et de l'évaluation technique des résultats du pôle.
Ces comités sont constitués autour :
- des services déconcentrés des ministères concernés ;
- des recteurs des d'universités ;
- des représentants des collectivités territoriales ;
- d'un correspondant du groupe de travail interministériel.
Missions de l'Expert-comptable
L'expert-comptable a un rôle à jouer et souhaite un rôle dans la bataille de l'innovation.
Par sa présence quasi permanente aux côtés du chef d'entreprise, l'expert-comptable est le mieux placé pour promouvoir l'innovation comme levier de la croissance, pour amener son client à définir cette fonction vitale pour son entreprise et pour l'aider à la structurer. Cela dit, la réalisation d'interventions auprès de membres potentiels ou actifs des pôles de compétitivité impose à l'expert-comptable de disposer de solides compétences et de méthodes de travail éprouvées pour dispenser des conseils éclairés et mettre en œuvre les différents régimes institués par le législateur pour favoriser l'innovation et la recherche au sein des entreprises privées algériennes.
Conclusion
Il reste bien entendu que la concrétisation de tels projets exige un niveau de compétences et d'expérience crédibles, ce sont ces critères qui doivent guider le choix des hommes pour de telles missions, il s'agit de donner un nouvel élan à l'industrie algérienne, et tous les acteurs susceptibles d'y contribuer seront invités à se rassembler autour d'un véritable pacte productif pour la compétitivité, la croissance et l'emploi, il faut surtout éviter de banaliser telle ou telle fonction, chaque mission doit être guidée par la culture managériale qui lui est nécessaire pour espérer récolter le succès au lieu de l'échec.


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