Face à la situation sanitaire exceptionnelle que traverse la France où vivent de nombreux musulmans, le conseil des Mosquées du Rhône a réuni ses instances théologiques pour mener une réflexion sur l'adaptation des rituels et des pratiques funéraires dans l'inhumation des personnes musulmanes qui décèdent en ces temps de pandémie et de confinement. Le conseil a fait le constat que dans le département du Rhône existe seulement «une dizaine de carrés musulmans dont la majorité est déjà saturée». «Ce nombre est largement insuffisant pour faire face à la demande grandissante des citoyens de confession musulmane» qui décèdent en cette période, que ce soit pour cause de Covid-19 ou pour toute autre raison. Ce peut-être largement extrapolé aux départements voisins et même à toute la France. En Alsace, à Strasbourg, un des points chauds de l'épidémie, le problème s'est posé avec acuité, comme le révèle le quotidien Libération : «La question des places disponibles pour l'inhumation se pose surtout pour les familles de défunts musulmans. Pour eux, le cimetière communal et les carrés musulmans de Strasbourg ont des capacités plus limitées. Au total, la commune dispose de 158 places en tout, ainsi qu'une réserve foncière immédiatement mobilisable de 150 places. Mais la demande risque d'augmenter fortement : le culte musulman interdit l'incinération et la fermeture des frontières empêche le rapatriement des corps au pays, ce que font habituellement certaines familles lorsque l'un des leurs décède. La ville de Strasbourg est l'une des rares municipalités du département à disposer d'un cimetière public musulman.» C'est le cas aussi à Vernon (Eure). Le journal Paris Normandie fait l'écho de l'absence de carré musulman : «La plupart des pays ayant fermé leurs frontières, de nombreuses familles musulmanes sont contraintes de trouver une solution à Vernon pour inhumer leurs proches. Reste que le cimetière de la ville ne comporte pas de carré musulman… Un habitant a ainsi interpellé François Ouzilleau, maire (DVD), lors du live facebook organisé le 31 mars. «Sans carré musulman, comment fait-on pour enterrer notre frère qui vient de décéder il y a quelques jours et qui ne peut ni être rapatrié, à cause du confinement, ni être enterré à Mantes-la-Jolie ou Evreux, car les municipalités ne prennent que les personnes de leur ville par souci de place ?» Rapatriement des corps impossible et cimetières saturés S'il est impossible de rapatrier les corps vers les pays d'origine, dont l'Algérie, le fait est accentué du fait que «certains pays musulmans ont suspendu le rapatriement des corps de défunts depuis la France, ce qui aggrave encore davantage le problème», explique le conseil des imams du Rhône qui a consulté le Conseil théologique des imams du Rhône (CTIR). La décision a été prise «d'autoriser les familles musulmanes à faire inhumer leurs défunts dans les cimetières communaux en cas d'absence ou de saturation des carrés musulmans. Cette décision qui revêt un caractère provisoire a été prise par le CTIR pour répondre à une situation de nécessité absolue. Elle sera abrogée quand la situation sera redevenue normale». Cette décision a reçu le soutien des organisations musulmanes dont le Conseil français du culte musulman (CFCM), rappelant ainsi la nécessaire adaptation du droit musulman face à des circonstances exceptionnelles, en l'occurrence ici l'épidémie du Covid-19. Lors d'une récente réunion en visioconférence, M. Moussaoui, président du CFCM a rappelé au ministre de l'Intérieur, ministre des Cultes que «la pratique de l'enterrement dans les pays d'origine, choisie par certains musulmans, est aujourd'hui interdite, et certains des 600 carrés musulmans qui existent en France sont d'ores et déjà pleins. Il a donc demandé à ce que des mesures soient prises pour mettre à disposition de nouveaux espaces de sépultures». Pas de toilette rituelle Comme cela est appliqué dans les pays musulmans, en Algérie notamment, «le CTIR rappelle par ailleurs que la pratique de ‘‘la toilette mortuaire rituelle'' est interdite pour les personnes décédées du Covid-19, afin d'éviter la propagation du virus. Le CMR a chargé le CTIR de rédiger des notes explicatives détaillées sur les rites funéraires de l'Islam qui se retrouvent bouleversés par l'épreuve du coronavirus. Ces notes seront distribuées à tous les imams». Interrogé par Saphirnews, Azzedine Gaci, recteur de la mosquée de Villeurbanne et porte-parole du CMR, a laissé entendre qu'une fois la crise passée, «l'exhumation des défunts enterrés dans les cimetières communaux pour les rapatrier dans des pays musulmans ou pour être enterrés dans un carré musulman est possible surtout si le défunt a laissé un testament, qu'il faut respecter». Cependant, «si les parents du défunt ont les moyens financiers pour le faire, ils peuvent le faire. S'ils n'ont pas de moyens, ils peuvent aussi laisser le corps à son emplacement». Enfin, selon Le Monde qui donnait l'information à la fin mars, le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, a démenti «la rumeur, qui s'est répandue dans certains milieux musulmans, que la crémation serait rendue obligatoire pour les morts du Covid-19».