De l'électroménager aux vieux meubles, en passant par les combinés de téléphone, les tabourets, les fourneaux, et même les vieilles chaussures, les acheteurs ambulants de vieilleries dont les gens veulent se débarrasser, pullulent dans l'Algérois. Ils sillonnent à longueur de journée les artères et les rues de la ville à la quête du moindre objet ancien. Habituellement, ils parcourent les venelles des cités dans de vieilles voitures aussi usées que les antiquités qu'ils achètent aux particuliers. Ils sont généralement deux à bord. Tandis que l'un conduit, l'autre crie, en bramant haut et fort la liste des objets qu'il pourra vous acheter. L'intonation est si constante qu'on est en droit de supposer qu'un apprentissage pour le bon fredonnement de ces phrases itératives serait de mise. « Les novices son initiés par leurs aînés, ils apprennent les formules dans le tas, et nous les corrigeons si nécessaire », soutient Ami Ahmed, qui fait ce métier depuis une vingtaine d'années. A bord d'une vieille Peugeot 404, son fils Mohamed âgé d'à peine 17 ans émerge de la voiture qui roule en s'accoudant à la portière arrière et déchire par sa voie stridente le silence matinal. « Qech lelbie… », s'ensuit alors sur un ton plus cadencé la fameuse liste d'objets, « bifi, s'niouates, tabouret, cuisinière,… fourneau », pour qu'à la fin et en guise de clôture pour la ligne mélodique, il met sur le dernier objet ânonné un point d'orgue, étiré jusqu'à essoufflement. Aussitôt qu'une personne intéressée fait signe à la voiture, celle-ci s'arrête illico, et débute alors un marchandage, dont seuls ces brocanteurs détiennent les rouages. C'est ainsi qu'une bibliothèque faite en ébène et qui coûterait à coup sûr dans les 50 000 DA se retrouve au bout de la négociation bradée à seulement 1000 DA, comme un vulgaire tas de bois de caisse qui finirait, à en croire le nouveau détenteur, presque dans la cheminée. En se renseignant sur le lieu d'établissement de ces fins acheteurs, nombre d'entres eux nous affirmeront qu'ils sont installés à Hammadi, une localité qui se trouve à une trentaine de kilomètres du centre-ville. Arrivés sur place, il nous est nullement difficile de situer le lieu de résidence de ces commerçants d'un autre âge, car à la vue de nombreux véhicules de marque Peugeot 404 stationnés devant des mansardes de fortune, on est certains qu'on est au bon endroit. Aussitôt qu'une nouvelle camionnette s'arrête, d'autres brocanteurs revendeurs de deuxième main se ruent pour connaître la nature de son chargement. Ce sont majoritairement des meubles, « ce n'est pas intéressant », affirme Nacer un jeune revendeur, « ce qui marche le plus pour la saison ce sont les réfrigérateurs ». Pour d'autres, ils négocient la marchandise à prix modeste, le détenteur de la marchandise finit par la céder à un vieil acheteur qui va l'acheminer dans l'intérieur du pays où elle sera écoulée facilement, nous affirment-on. D'autres brocanteurs, rafistolent eux-mêmes la marchandise dans des locaux situés au centre-ville et attendent d'éventuels acheteurs particuliers, « nous pouvons aussi vendre la marchandise en gros, si le prix qui nous est proposé est intéressant », nous dira un commerçant. Tout compte fait, tout le monde trouve son compte dans cette pratique, les brocanteurs en premier, les clients, et les vendeurs.