La réponse est d'autant plus difficile que nous sommes assaillis par une marée d'informations anecdotiques ou fausses que relaient médias et réseaux sociaux. L'objectif de cet article est de résumer les données actuelles, en se basant sur les publications scientifiques sérieuses, afin d'expliquer au lecteur une stratégie de lutte adoptée contre cette pandémie. Un premier constat est qu'aujourd'hui, malgré une mobilisation des meilleurs laboratoires et biologistes partout dans le monde, aucun remède n'est disponible. De plus, aucun vaccin n'est envisageable avant de longs mois. Le virus responsable de cette pneumonie est très contagieux, une personne contaminée en infecterait en moyenne 4 tous les cinq jours si aucune mesure n'est prise. Finalement, même si le taux de mortalité pourrait être entre 1% et 0,5%, une difficulté vient du fait que la plupart des sujets infectés n'ont pas de symptômes alors qu'ils sont très contagieux. La prévention basée sur le confinement total et les gestes «barrières» permettent de ralentir la propagation de l'infection ; elle permet aux hôpitaux de s'adapter. Enfin, elle permet aux pouvoirs publics de préparer les équipes hospitalières à l'arrivée massive de patients atteints de Covid-19 d'assurer la disponibilité du matériel de protection et de réanimation, et de préparer des espaces de soins dédiés aux malades contaminés. En réduisant le nombre de malades graves à prendre en charge à la fois, elle permet de ne pas dépasser les capacités des unités de soins intensifs. Sans respect strict de ces mesures, l'augmentation du nombre de contaminés serait brutale en un temps très court, avec son cortège de formes graves exigeant une réanimation complexe, un personnel qualifié et des moyens matériels importants. Notre secteur de la Santé ne sera pas en mesure de faire face à une telle situation. Le respect strict de ces mesures est particulièrement contraignant, mais chacun doit être convaincu de leur nécessité. Nous devons avoir la sagesse de l'expliquer autour de nous et de nous y soumettre ; l'adhésion de la population dépend de notre confiance envers les pouvoirs publics ; ces derniers se doivent pour cela de dire la vérité sur la situation ; il est de leur responsabilité de fournir les moyens de protection adéquats et une formation, en particulier aux personnes directement exposées au risque de contamination, personnel de la santé (soignants, ambulanciers, agents de service, etc.), personnes chargées du ramassage des ordures… qu'il faut soutenir et encourager dans cette épreuve ; leur mission est difficile et douloureuse. Une vérification continue de l'implémentation locale des mesures nécessaires à leur sécurité et à leur mission est indispensable. Où en sommes-nous de cette épidémie en Algérie ? Au 10 avril 2020, le ministère de la Santé a annoncé un total de 1761 cas de patients atteints de Covid-19 avec 256 décès et 405 guérisons. Un chiffre important manque pour apprécier l'évolution : le nombre de tests effectués. Les décès liés au Covid-19 ne sont probablement pas tous comptabilisés. En effet, le taux de mortalité étant de l'ordre de 1%, 235 décès déclarés correspondraient à 23 500 personnes contaminées. Compte tenu de l'absence de dépistage et de l'absence de tests diagnostiques à grande échelle, le nombre de malades ne peut qu'être sous-estimé. La très grande majorité des wilayas sont atteintes. Ainsi, le virus circule largement à travers toute l'Algérie. Qu'est-ce qui fait sa gravité ? Le coronavirus responsable de cette épidémie est très contagieux. Il se transmet, de personne à personne, par contact étroit, par les mains, par les crachats, par les postillons et gouttelettes expulsées par l'éternuement ou la toux d'une personne infectée (d'où la recommandation de tousser dans le creux de son coude, de se servir de mouchoirs jetables et de s'en débarrasser dans une poubelle à couvercle). Ces gouttelettes invisibles à l'œil nu restent en suspension dans l'air quelque temps. Selon les données disponibles, le coronavirus survit dans le milieu extérieur (quelques heures dans l'air ambiant à quelques jours dans les supports inertes) d'où la recommandation de distanciation entre deux individus, de confinement, d'hygiène. Enfin, une bonne nouvelle, c'est que la capsule qui entoure le virus et qui lui permet de contaminer l'individu est détruite à l'eau et au savon. Il est difficile de reconnaître le sujet contagieux ; en effet, le sujet infecté peut contaminer d'autres individus près d'une semaine avant le début même des symptômes, en phase «d'incubation», et des semaines après sa guérison. Les personnes confinées dans les institutions (services de psychiatrie, prisons) sont particulièrement à risque. La maladie peut être grave, voire mortelle, chez certains sujets infectés ; sont particulièrement vulnérables les sujets présentant d'autres maladies (obésité, maladies cardiovasculaires ou pulmonaires, diabète…) et les sujets âgés. Cependant les plus jeunes et ceux sans autre maladie apparente peuvent présenter des formes graves de la pneumonie. Comment réduire la mortalité ? La seule issue est de faire barrière à l'infection par un confinement de la population et l'application des mesures de distanciation et d'hygiène (recommandations de l'OMS d'accès libre sur la toile). Il faut rester chez soi, éviter tout contact physique (poignées de mains, embrassades ou bises ; ne pas serrer la main ou faire la bise pour se saluer) ; lors d'un déplacement obligatoire le port d'un masque (ou à défaut d'un masque en coton cousu à domicile, d'une écharpe ou d'un chèche, en coton lavable à l'eau chaude et au savon), protégeant le nez et la bouche, peut réduire la transmission du virus. Il est conseillé d'éviter les réunions, les rassemblements, se tenir à deux mètres de distance lors des déplacements obligatoires. Maintenir cette distance (un minimum de 2 mètres) des personnes présentant des symptômes respiratoires. Se laver soigneusement les mains (pendant au moins 20 secondes) à l'eau et au savon ou à défaut au gel hydro-alcoolique (contenant de 60% d'alcool), très régulièrement et à chaque arrivée dans un nouveau lieu. Se laver les mains avant de préparer à manger, après le passage aux toilettes, après avoir touché d'autres personnes. Bien nettoyer à l'eau javellisée les surfaces, son environnement, son domicile et l'aérer. Les soignants en contact étroit avec les sujets infectés ou soupçonnés de l'être sont les plus à risque ; ils doivent disposer de vêtements de protection appropriée (avoir le bon équipement et être formés à la façon de le mettre, de le retirer et de l'éliminer) ; il est requis d'avoir des ratios personnel-patient adéquats, des structures accueillant les sujets infectés ou soupçonnés de l'être assez spacieuses pour permettre le maintien d'une distance sociale d'au moins 2 mètres entre les patients et entre les patients et les soignants. La formation des soignants (infirmiers et médecins), la disponibilité de respirateurs et de produits nécessaires pour la réanimation sont essentiels. En conclusion, la prévention est le seul moyen vérifié de freiner la progression de l'épidémie et d'en limiter la gravité ; des mesures de confinement et des comportements individuels adéquats peuvent étaler dans le temps le nombre de cas graves pour leur permettre une prise en charge médicale. Les pouvoirs publics doivent avoir un message clair et engager tous les moyens de préventions afin de lutter contre cette pandémie. Une réponse coordonnée à l'échelle régionale, mondiale, serait nécessaire. Nous sommes conscients que ces mesures sont particulièrement contraignantes pour tout un chacun, surtout pour les plus démunis, ceux mal logés souffrant de promiscuité, ne disposant pas d'eau courante, les sans domicile fixe, ceux comptant des malades mentaux parmi eux, ceux dépendants pour survivre de leur activité à l'extérieur, les aînés souffrant de grande solitude, les prisonniers… ; le retentissement socio-économique et psychologique est non négligeable… Des comportements collectifs responsables, l'implication de la société civile, une grande solidarité, donneront plus de chance de s'en sortir. Nos concitoyens ont prouvé tout récemment encore leur civisme et leur degré de responsabilité, nous savons que nous pouvons compter sur leur engagement dans cette nouvelle épreuve.
Par Mme Fatima Asselah , Professeur en médecine, ancienne cheffe de service à l'hôpital Mustapha d'Alger
Références : Peng Zhou et al. Nature vol 579 Mars 2020. Wu Z, McGoogan JM. Jama 2020. https:// doi.org/10.1001/jama.2020.2648. H Tiam et al. Science 10.1126. science abb6 105 (2020). MUG Kraemer et al. Science 12 1126. science abb 4218 (2020). WHO (Mars 2020)