La perspective d'une mise en cause par un tribunal de l'ONU du puissant groupe armé Hezbollah dans cet assassinat, fait craindre de nouvelles violences confessionnelles. Le président syrien Bachar Al Assad, effectuant sa première visite au Liban depuis l'assassinat du dirigeant Rafic Hariri, et le roi Abdallah d'Arabie Saoudite ont entamé, hier à Beyrouth, une mission conjointe sans précédent destinée à calmer les tensions liées à ce crime. Après leur arrivée en début d'après-midi d'hier à bord de l'avion du roi Abdallah en provenance de Damas, les deux dirigeants ont eu des entretiens avec le chef d'Etat libanais Michel Sleimane au palais présidentiel de Baabda près de Beyrouth. Ils ont également rencontré le Premier ministre Saâd Hariri, fils de l'ex-Premier ministre libanais assassiné, le président du Parlement Nabih Berri. Leurs ministres des Affaires étrangères et le chef des renseignements saoudien, le prince Mokren ben Abdel Aziz étaient présents. Aucune déclaration n'a été faite. Un déjeuner élargi aux ministres et autres officiels, dont des représentants du puissant groupe armé chiite du Hezbollah, devait suivre. Pour la visite, les drapeaux saoudien et syrien, ainsi que d'immenses portraits du monarque ont été accrochés sur les bords des routes de la capitale libanaise. Le stationnement sur la route du convoi a été interdit et des militaires et membres de services de sécurité ont été déployés en force. Pointé du doigt pour le meurtre de l'ex-Premier ministre libanais en 2005, le régime de M.Assad a été contraint de retirer ses troupes de chez son petit voisin après 30 ans de tutelle, marquant le début d'une longue période d'animosité entre les deux pays. Damas dément toute implication dans ce crime. M.Al Assad a visité à deux reprises le Liban en tant que président, en 2002. Il s'agit également de la première visite d'un monarque saoudien au Liban depuis 1957. Cherchant à mettre tout leur poids pour éviter un nouveau conflit confessionnel dans ce petit pays méditerranéen, les dirigeants saoudien et syrien font ce déplacement hautement symbolique pour dire leur attachement à la stabilité du Liban, menacé d'une nouvelle crise liée au meurtre de Hariri. Le 22 juillet, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah a annoncé qu'il s'attendait à ce que le Tribunal spécial pour le Liban (TSL), créé par l'ONU, accuse des membres de son parti d'implication dans le meurtre de Hariri. La perspective d'une telle accusation par le TSL fait craindre de nouvelles violences confessionnelles sanglantes comme celles qui avaient opposé en 2008 des partisans du sunnite Saâd Hariri et ceux du Hezbollah. «Leur visite conjointe revêt un caractère historique, voire déterminant, de par son "timing" et ses conséquences sur la crise qui s'intensifie au Liban sur fond du TSL», écrit le quotidien libanais An Nahar. A Damas jeudi, M.Al Assad et le roi Abdallah avaient souligné l'importance de «soutenir tout ce qui contribue à la stabilité et à l'unité» du Liban. «Ils sont là pour exercer leur influence sur leurs alliés libanais (...) pour barrer la route à toute escalade», affirme Sahar al-Atrache, analyste pour le centre de prévention des conflits International Crisis Group (ICG). La Syrie, aux côtés de son allié chiite l'Iran, est le principal soutien au Hezbollah qui prône la lutte contre Israël, tandis que l'Arabie Saoudite est le plus important allié régional de Saad Hariri. Les relations entre ces deux puissances régionales, distendues après l'assassinat de l'ex-Premier ministre, se sont réchauffées fin 2009. Ce rapprochement s'est répercuté positivement sur les liens entre Beyrouth et Damas, qui ont établi en 2008, des relations diplomatiques. Jusqu'avant la première visite à Damas fin 2009 de Saâd Hariri, son camp, majoritaire au Parlement, était virulent à l'égard du régime syrien, accusé aussi d'avoir planifié l'assassinat de plusieurs personnalités libanaises après celui de l'ex-Premier ministre.