Le 4e discours présidentiel plaira à beaucoup de Français et en laissera beaucoup d'autres songeurs. Les paramètres sanitaires étant incertains et très difficiles à maîtriser, il ne pouvait pas être trop péremptoire ni martial, et en cela il semble avoir entendu le président allemand, «cette pandémie n'est pas une guerre». Nicolas Sarkozy a-t-il murmuré à son oreille ? Il afficha au contraire une posture d'humilité, de prudence, d'unité et de proximité. Et puis il a parlé des tests, et là, «le Père du peuple» du 20h nous a fait revenir quelques semaines en arrière et les nombreux ratés de Si… Beth Ndiyae qui déclarait par exemple «qu'ils (les professeurs) ne travaillent pas avec la fermeture des écoles». Le président de la République prévoit une réouverture progressive des crèches, écoles, collèges et lycées afin d'éviter un creusement des inégalités avec le confinement, mais le cri d'alarme du Medef n'y est-il pas aussi (comme dirait l'autre) pour quelque chose ? Après la solidarité des premières semaines, Emmanuel Macron acte un principe de réalité, la perspective d'un chaos économique, c'est pourquoi il souhaiterait ardemment une reprise de l'activité à partir du 11 mai. Les enfants sont ainsi sacrifiés aux impératifs économiques, mais par une étrange logique on ne rouvre pas les commerces. Aux yeux de beaucoup, en France et à l'étranger, le bateau tangue. Une autorité forte serait pourtant nécessaire. Jacques Séguéla n'a-t-il pas dit : «Si c'est le chaos, c'est Sarkozy pour 2022 et que seules des circonstances exceptionnelles peuvent le faire revenir.» Emmanuel Macron place ses espoirs dans la recherche d'un vaccin (pas avant un an) et dans les essais cliniques en cours, mais pas un mot de «monsieur chloroquine» alors qu'il est allé récemment à sa rencontre. Nicolas Sarkozy lui voue une admiration que l'on pourrait penser sincère, car une seule chose le fascine, l'efficacité. Il l'avait soutenu dès 2009 avec la création de l'Institut hospitalo-universitaire en maladies infectieuses à Marseille. Et si Nicolas Sarkozy se présentait à l'élection de 2022 avec le soutien du professeur Raoult, quelle belle affiche ! Nous ne serions plus à une surprise près dans cette période où les certitudes sont bousculées. Si la Direction générale de la santé a annoncé «un haut plateau» de l'épidémie, la décrue apparaît lente alors que les règles de confinement sont respectées par la majorité des Français, sauf peut-être dans les territoires qu'Eric Zemmour aura le loisir de commenter, mais pas seulement… Geoffroy Roux de Bezieux, président du Medef, a trouvé refuge dans son manoir en Loire-Atlantique, niché dans les rochers avec vue imprenable sur l'océan, faisant fi de la maréchaussée pour venir travailler à Paris. Une deuxième vague plus létale n'est pas à exclure, l'hypothèse d'une transmission du «virus chinois» par voie aérienne est plausible. La contamination des 50 marins à bord du Charles de Gaulle – n'est-il pas meilleur confinement qu'un navire en pleine mer – interroge. Sera-t-on vraiment en mesure de dépister massivement les «suspects» du Covid-19, en particulier dans les établissements scolaires de Seine-Saint-Denis, et les mettre en quarantaine, il n'est pas interdit d'y jeter un voile de suspicion. Le chef de l'Etat a aussi annoncé que les aides aux entreprises seront prolongées et renforcées, la célèbre marque de chaussures André n'est-elle pas en redressement judiciaire ? Plus grave encore, l'usine bretonne Plaintel a été rachetée par un groupe américain en 2018 parce que l'Etat avait failli à ses engagements. Elle alimentait pourtant la France en masques devenus si stratégiques. Emmanuel Macron veut reprendre vigoureusement le flambeau de l'indépendance nationale parce que les Français ont peur, et cette peur détruit la confiance. C'est aussi pour Emmanuel Macron la peur de perdre la maîtrise de son destin. Dans son discours de Toulon, l'ex-président de la République appelait déjà, pour sortir de la crise financière mondiale de 2008, «l'Europe à réfléchir sur sa capacité à faire face à l'urgence, à repenser ses règles, ses principes, en tirant les leçons de ce qui se passe dans le monde» et soulignait «la peur qui détruit la confiance, elle porte un nom, c'est la peur pour la France de perdre la maîtrise de son destin». Deux hommes, deux crises, deux façons de faire ? L'un a-t-il su se réinventer en attendant que l'autre se réinvente, ont-ils un projet pour tenter d'offrir un horizon aux Français et guider le bon peuple de France vers un avenir prometteur, une fois le vilain virus vaincu ? Nicolas Sarkozy candidat à l'élection présidentielle ou guide expérimenté qui accompagne Emmanuel Macron à sa réélection ? Nous le saurons prochainement.
Par Brahim Kas Doctorant-chercheur sous la direction de Pascal Boniface, Université Paris 8