Jean-Luc Mélenchon remet au goût du jour le terme de «clochardisation». Lors de son meeting numérique, diffusé sur les réseaux sociaux et retransmis en direct par la télévision Franceinfo, il a dénoncé la «clochardisation sanitaire» de la France dont le libéralisme économique est responsable, selon son argumentation. Il n'est pas inintéressant de rappeler que ce substantif «clochardisation», aujourd'hui rentré dans les dictionnaires, a été créé par Germaine Tillion en 1957. Elle avait effectué quatre missions ethnographiques dans la région la plus pauvre de l'Algérie : les Aurès entre 1934 et 1940. De retour en Algérie, alors que la guerre fait rage, comme membre d'une officielle enquête sur le sort des populations civiles, elle découvre la vie misérable qu'elle ne peut qualifier. Alors elle invente ce mot qui entrera dans la langue française : «Je les ai quittés dans la dernière semaine de mai 1940. Quand je les ai retrouvés, entre décembre 1954 et mars 1955, j'ai été atterrée par le changement survenu chez eux en moins de quinze ans et que je ne puis exprimer que par ce mot : ‘‘clochardisation''.» (Germaine Tillion, L'Algérie en 1957, Paris, Minuit, 1957, p. 27). Le 28 août 1957, dans un article du journal Le Monde, ce mot «clochardisation», comme tout néologisme, est placé entre de nécessaires guillemets. Depuis, il est rentré dans le langage commun et Mélenchon en a actualisé le sens qui reste toujours très actuel pour caractériser la misère grandissante de l'humanité face à la terrible pandémie du Covid-19.