Des informations ont circulé, avant-hier, disant que le leader d'Ennahdha, Rached Ghannouchi, a décidé de dissoudre le bureau exécutif du mouvement islamiste. Il s'agit d'un renouvellement de cette instance exécutive, choisie par le leader et parrainée par la choura du mouvement. Des interrogations ont accompagné cette décision, alors que le mouvement s'apprêtait à tenir son congrès, prévu en mai 2020. L'échec des islamistes d'Ennahdha à former le gouvernement de Habib Jamli, suite aux élections législatives du 6 octobre dernier, leur avait déjà prouvé que ce n'était plus aussi facile de manipuler, à leur guise, la vie politique tunisienne. Le modèle politique choisi par la Constitution de 2014, privilégiant le régime parlementaire, a néanmoins permis aux opposants d'Ennahdha de réussir à s'opposer au gouvernement de Jamli et de forcer les islamistes à accepter le candidat et l'alliance proposés par le président Kaïs Saïed, pour gouverner la Tunisie. Pis encore, l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) a été obligée d'accorder des pouvoirs exceptionnels au chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh, pour faire face à la Covid-19. En bref, la succession des événements n'a pas servi le dessein prévu par Ennahdha pour la Tunisie et, pas uniquement sur le plan politique. Même à l'intérieur du mouvement, les choses ne sont pas allées comme l'a prévu Ghannouchi. Jeu serré Lors des tractations pour la formation du gouvernement, durant les mois de décembre, janvier et février derniers, Rached Ghannouchi a eu, à plusieurs reprises, à changer son fusil d'épaule, tant la scène était mouvante. Il avait à gérer un calendrier chargé, comportant aussi bien les soucis de la politique nationale que ceux organisationnels de son parti, Ennahdha, qui avait programmé son congrès pour mai 2020. Finalement, et après moult tractations, Ghannouchi n'a pas trouvé mieux que de reporter, sine die, le congrès, n'étant pas parvenu à créer les solutions idoines, puisque son départ était prévu, selon les termes du règlement intérieur en vigueur. Le développement des événements a propulsé Abdellatif El Mekki au-devant de la scène, alors que Ghannouchi lui avait facilité l'octroi du ministère de la Santé pour l'éloigner du congrès. Depuis 2015, Ennahdha a été obligé de se comporter comme un parti politique au pouvoir, devant faire face aux tâches brûlantes de la vie politique et socioéconomique courante. Les résultats se sont fait ressentir dans les urnes le 6 octobre 2019, avec un maigre butin de 52 sièges, loin des 89 sièges de 2011 et, même, des 69 sièges de 2014. Le départ de Béji Caïd Essebsi a davantage compliqué la tâche de Ghannouchi, qui devait se résoudre à trouver le meilleur moyen possible pour garder les rênes du pouvoir entre ses mains. Mais les enjeux, et notamment le coronavirus, n'ont pas servi ses desseins pour la Tunisie. Il n'a pas suffi que ce soit cet Elyes Fakhfakh, un indépendant pas docile, qui prenne les rênes de la Kasbah, le parti Qalb Tounes, sur lequel comptait Ghannouchi pour déstabiliser Fakhfakh, s'est disloqué. L'aile favorable à Nabil Karoui ne disposant plus que de 29 députés. Du coup, même s'ils sont tous là, fait rare, et même avec l'appui des 16 députés d'Al Qarama, les 109 députés nécessaires pour faire chuter le gouvernement ne sont pas à la portée de main. Sans dire que le gouvernement Fakhfakh est auteur d'un sans-faute imparable lors de son traitement de la Covid-19. Tout a donc joué contre Ghannouchi pour qu'il soit obligé de changer son équipe de manœuvre, le bureau exécutif, pour mieux préparer l'avenir, le sien et celui d'Ennahdha.