La plupart des clubs professionnels algériens souffraient financièrement depuis plusieurs années déjà. L'apparition du coronavirus (Covid-19) a mis encore plus de pression sur ces formations. Les clubs des Ligues 1 et 2 sont plus que jamais dans le rouge. C'est le cas du nouveau promu, le NC Magra, qui compte le plus petit budget du premier palier du football algérien. Le président du club, Azzedine Bennacer, dira à propos de la situation de sa formation : «Nous n'avons ni société nationale, ni sponsor, ni d'autres entrées d'argent. Il y a des clubs qui ont touché un milliard de centimes de la part de Sonatrach. Nous, nous avons constitué un dossier dans ce sens, mais on n'a rien eu. On a également sollicité de nombreuses sociétés, à l'instar de Mobilis, mais aucune parmi elles n'a répondu positivement à notre demande de prise en charge ou de sponsor. Depuis juillet 2019, le club a dépensé 6 milliards de centimes. Comme les autres clubs, on a payé 2 mois de salaires puis plus rien. Il faut compter aussi les dépenses des jeunes catégories. Ceci a accentué nos difficultés cette saison.» La situation est peut-être pire chez le pensionnaire de la Ligue 2, la JSM Béjaïa, comme a tenu à le mentionner son premier responsable, Abdelkrim Bouledjloud : «J'ai hérité des dettes antérieures des anciens entraîneurs, qui datent de 2015, 2016 et les anciens joueurs de 2016, 2017, 2018, qui n'ont pas été payés. Il y a aussi des arriérées contractés auprès des fournisseurs et également des arriérés de joueurs qui n'ont pas été régularisés. C'est une situation catastrophique, surtout si on ajoute à cela l'impact de la Covid-19, qui ne nous a pas permis d'avoir nos subventions et qu'il n'y a plus de sponsors.» Les salaires, cause de la faillite des clubs Pour l'ancien président de la Ligue nationale de football, Mohamed Mecherara, la situation financière difficile dans laquelle sont plongés les clubs professionnels s'explique par les salaires astronomiques que perçoivent les joueurs : «Ce n'est pas l'arrêt du championnat dû à la Covid-19 qui a plongé les clubs dans la faillite. Ce qui les a mis dans cette situation, c'est l'excès dans les dépenses, provoquées surtout par les salaires exorbitants. Ce sont des salaires qui n'ont aucun rapport avec le monde professionnel, qui paye les joueurs avec ce qu'il fait entrer comme argent. Chez nous, il n'y a aucune entrée d'argent. On n'a pas de stars qui utilisent leur image de marque pour vendre leurs maillots. Aucun club n'a passé un contrat avec un fabricant d'équipement sportif pour valoriser sa marque. Même chose pour les droits télé, car si nous étions dans un vrai monde économique, une télé ne passerait jamais un match de football du moment qu'il ne lui apporte rien. Donc cette histoire de Covid-19, c'est juste une petite couverture en plus.» Le pire, affirme Mohamed Mecherara, c'est que les clubs ne payent ni les impôts ni la sécurité sociale. «Les clubs ne développent ni les ressources ni savent réduire les charges», précise-t-il. L'état pointé du doigt Tout le monde sait aujourd'hui que les ressources financières de nos clubs reposent à 95% sur le financement de l'Etat, même si parfois il est assuré de manière indirecte. Mais les clubs ne sont pas tous placés sur le même pied d'égalité. Ce que relève le boss du NC Magra, Azzedine Bennacer : «Il y a quatre ou cinq formations qui ont des sociétés nationales. Leurs joueurs sont payés et ils se préparent déjà pour la saison prochaine, en recrutant de nouveaux joueurs. Les autres sont tous en grandes difficultés financières. L'ancien ministre de la Jeunesse et des Sports, Raouf Bernaoui nous avait promis des sociétés pour tous les clubs, mais au final c'était juste un projet sans lendemain. Il faut une vraie refonte du football national.» Le président de la JSM Bejaïa, Abdelkrim Bouledjloud ajoute : «On est lésés par rapport aux clubs la Ligue 1. Ce n'est pas normal qu'on donne 200 milliards de centimes à un club et un autre n'a même pas droit à 1 milliard de centimes. L'Etat est en train de faire dans le deux poids deux mesures.» Mohamed Mecherara abonde dans le même sens, en affirmant : «L'aide de l'Etat doit être équitable pour tous les clubs parce que cette politique de mettre un club sous l'égide d'une société publique et que celui-ci puisse disposer d'un budget illimité est une honte. Pourquoi donner 100 milliards de centimes à un club et un autre n'a droit à rien ? Ça fausse même l'éthique sportive.» Face à la situation difficile que traversent les clubs, l'Etat est comme toujours appelé à préparer un plan pour sauvegarder les clubs. «Le drame, c'est que l'Etat ne contrôle pas l'argent qu'il donne», regrette Mohamed Mecherara.