Le monde a vécu plusieurs épidémies et/ou pandémies qui ont provoqué des crises sanitaires, dont les conséquences sont peu ou prou dommageables pour les nations, aussi bien sur le plan humain que sur le plan économique et social. A ce titre, on peut citer entre autres les épidémies de la peste (notamment la peste noire), celles du choléra, l'épidémie de la grippe espagnole, celle du virus d'Ebola, la grippe A (H1NI), l'épidémie de dengue, celle de SRAS,… ; ces terribles catastrophes sanitaires ont frappé irréversiblement le monde entier et ont fait des centaines de millions de victimes dans le monde au cours de l'histoire. 4- «Démondialisation», montée des nationalismes et relocalisations ? Les ruptures des chaînes d'approvisionnement liées au choc du Covid-19 ont révélé au grand public les risques de la mondialisation et des délocalisations. Dès lors, certains observateurs commencent à évoquer l'hypothèse d'un repli de la mondialisation, voire même celle d'une «démondialisation» sur des bases nationales. De plus, les relocalisations, c'est-à-dire le retour dans le pays d'origine d'unités de production auparavant délocalisées dans les pays à bas coûts, sont amenées à s'accélérer dans le monde. Pis encore, les grands ensembles régionaux pourraient s'affaiblir davantage après la crise, dans la mesure où l'on peut remarquer l'absence de réponses coordonnées entre pays, ce qui fait que la gestion de la pandémie se fait globalement au niveau de chaque Etat-Nation (fermetures des frontières nationales notamment). C'est le cas de l'Union Européenne, où les Vingt-Sept ont échoué le 26 mars 2020 à apporter une réponse commune face à la crise du Covid-19, nonobstant la mise en place d'un fonds de 37 milliards d'euros. Cette situation peut s'avérer dommageable pour la survie de l'Union. A cela s'ajoutent les institutions internationales, telles que l'ONU et ses démembrements, notamment l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), qui ont brillé par leur absence ; elles ont souvent agit de façon timide, insuffisante et/ou tardive. Signalons par ailleurs, qu'avec la crise du Covid-19, certains acteurs économiques et décideurs politiques sont en train de remettre en cause le rôle clé de la Chine dans la mondialisation productive, comme pôle manufacturier dominant. En effet, l'Empire du Milieu occupe une place prépondérante dans l'économie mondiale, avec environ 19 % du PIB mondial. Cet état de fait pourrait avoir des répercussions sur la géographie économique mondiale. Il faut dire que la Chine a tiré profit de la mondialisation initiée à partir du milieu des années 1980, au détriment notamment des pays occidentaux (l'Europe, les USA notamment.) La crise sanitaire a engendré une rupture des chaînes d'approvisionnement. A titre d'exemple, la plupart des produits pharmaceutiques et parapharmaceutiques sont produits en Chine et les autres pays se disputent l'approvisionnement en masques et autres matériels médicaux à partir de la Chine. Ainsi, parmi la conséquence du Covid-19, certains observateurs avancent l'hypothèse d'une relocalisation de la production industrielle au niveau des économies nationales, c'est-à-dire une reconfiguration ou une défragmentation des chaines de valeur. 5- Les Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) à la rescousse de l'économie mondiale Avec la crise du coronavirus et le confinement qui s'en est suivi, l'économie dite traditionnelle dans laquelle la proximité physique et/ou géographique est une condition sine qua non dans les relations de travail et dans les échanges, tourne au ralenti. Dans ces conditions, il semblerait que la nouvelle économie liée aux Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) constituerait une alternative à l'économie traditionnelle. Cette nouvelle économie a plusieurs caractéristiques, elle est : digitale, en réseaux, cognitive, dématérialisée, collaborative et partagée, etc. A titre d'exemple, face aux mesures drastiques de confinement, les réseaux sociaux ont facilité la vie des populations en termes notamment de contacts et d'échanges virtuels. Il en est de même pour le télétravail ou le travail à distance, où des études ont montré, par exemple, que 70 % des Français ont pu continuer à travailler, au moins partiellement, à distance de leur entreprise ou organisation ; la proportion est sans doute similaire en Amérique du Nord. On note également avec la crise sanitaire le développement de plateformes numériques dédiées à plusieurs domaines tels que l'enseignement (e-earning) et la santé(les téléconsultations), eu égard à la carence ou à l'insuffisance des outils classiques. Les banques et autres établissements financiers ont pour leur part encouragé l'utilisation et la généralisation des outils et applications TIC, à travers les paiements en ligne, les banques virtuelles ou les banques sans murs, etc. Ces outils existaient déjà, mais la grande nouveauté avec la crise du Covid-19, c'est leur passage à grande échelle. S'agissant du commerce électronique, il est aisé de constater que la crise du Covid-19 représente une opportunité pour ce marché, qui allait déjà assez bien avant la crise sanitaire. En effet, avec l'accès limité aux zones de magasinage physique et les contraintes de distanciation sociale, le commerce en ligne est devenu une alternative de choix. Il en ressort que depuis le début de la pandémie, les ventes des géants du commerce électronique (Amazon, Ebay, Alibaba, Netflix,…) connaissent une croissance fulgurante. D'ailleurs, le géant américain Amazon a récemment annoncé la création de 100 000 emplois aux Etats-Unis, en vue de répondre à la forte demande que génère la crise du coronavirus. 6- Et pendant ce temps, qu'en est-il de l'Algérie ? La crise du Covid-19 a provoqué une baisse historique des cours de l'or noir, avec un prix du baril tombé quasiment à 20 dollars. Cela pourrait avoir des effets dévastateurs sur l'économie algérienne qui dépend exclusivement de la rente pétrolière, aussi bien dans son financement que dans son fonctionnement global. Ainsi, l'Algérie déjà fragilisée par la chute des cours du pétrole depuis 2014, aura à gérer une situation économique très délicate, à la fois au niveau macroéconomique qu'au niveau microéconomique. A cela s'ajoutent les mesures de confinement de la population, qui, au-delà de la lutte contre la propagation du virus, aggraveraient la situation, car excepté quelques rares secteurs (notamment l'alimentaire, le secteur pharmaceutique, les produits d'entretien,…), qui ont des carnets de commande assez pleins, des pans entiers de l'économie sont quasiment à l'arrêt. Plus concrètement, toutes proportions gardées, il faut s'attendre à une exacerbation des déséquilibres économiques, avec notamment : creusement du déficit budgétaire ; déséquilibre de la balance commerciale ; chômage ; difficultés et/ou fermetures d'entreprises dans le secteur privé (très touché par le confinement) en ce qui concerne notamment les Toutes Petites Entreprises (TPE), les artisans-commerçants, les prestataires de services (les transporteurs,…), les professions libérales, … ; licenciement et précarisations ; paupérisation de la population (celle exerçant notamment dans l'économie informelle et de la débrouille) ; détérioration du pouvoir d'achat, etc. Il s'ensuit que l'Etat doit soutenir l'économie nationale quoi qu'il en coûte. Il doit jouer son rôle économique et social, intervenir explicitement dans l'économie, à travers un plan urgent et ambitieux d'aides aux entreprises touchées par la crise du Covid-19, car le report du paiement des impôts et cotisations sociales est une décision nécessaire, mais pas suffisante. Il convient également de soutenir la demande globale (la consommation et l'investissement) au moyen d'une politique monétaire expansionniste (accommodante). A cet égard, les dernières instructions de la Banque d'Algérie semblent rentrer dans cette perspective, notamment l'instruction n° 06-2020 du 29/04/2020 consistant à abaisser son taux d'intérêt directeur à 3 % et le taux de réserves obligatoires à 6 %, en vue de renforcer la liquidité bancaire. Ainsi, on peut aisément juguler la crise économique due au Covid-19 qui serait selon plusieurs spécialistes une crise conjoncturelle. Ceci dit, le plus dur reste à venir ; il consiste à engager une reforme très profonde du système hospitalier algérien, mais plus fondamentalement, il convient de gérer la crise systémique structurelle dont souffre l'économie algérienne depuis de nombreuses années, par le biais de politiques économiques efficaces, réfléchies, synergiques et concertées, visant notamment la diversification de l'économie nationale. Bref, des politiques socialement justes et économiquement rationnelles. Ça, c'est une autre question, car la gestion de la crise actuelle représente un défi pour l'Algérie et celle de la crise structurelle (plus profonde) s'en est un autre. Pour conclure La crise du Covid-19 est peut-être une occasion inédite et inattendue, susceptible de reconsidérer ou repenser l'économie mondiale. Comme on dit, à quelque chose malheur est bon. Une économie plus juste, plus égalitaire, plus solidaire, moins polluante, plus humaniste. Une économie au service de l'homme, pas l'inverse !? Une économie qui concilie l'intérêt individuel avec l'intérêt commun, en cherchant en filigrane des compromis acceptables. Une économie qui concilie l'efficacité économique avec l'équité sociale. Mais, une économie qui valorise également la recherche scientifique, la créativité et l'innovation, la biologie et la médecine, les nouvelles technologies, les Technologies de l'Information et de la Communication (TIC), les biotechnologies, les nanotechnologies), l'entrepreneuriat, etc. Une économie qui est encline au développement durable et à la transition énergétique (avec plus d'énergie renouvelable et moins d'énergie fossile), au grand bénéfice de la civilisation humaine toute entière. (Fin de la contribution)
Par Dr Ali Mokrane Docteur ès Sciences Economiques et Maître de Conférences –A-(HDR) à l'université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou
Précision Dans la première partie de la contribution du Dr Ali Mokrane, il fallait lire «l'Allemagne qui a adopté un plan inédit de 1100 milliards d'euros pour lutter contre les impacts économiques et sociaux de la crise du Covid-19 et non un plan inédit de 1 milliard d'euros». Nous tenons à préciser également que Dr Ali Mokrane est maître de Conférences – A -(HDR) à la faculté d'économie de l'université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou. Il n'est pas aussi enseignant de génétique, cytogénétique de développement et génétique humaine. Toutes nos excuses à l'auteur de la contribution et à nos lecteurs.