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«Le déconfinement doit s'appuyer sur le dépistage ciblé des sujets contacts et l'isolement des individus testés positifs» Pr Abderzak Bouamara. Chef de service d'épidémiologie et de médecine préventive au CHU de Blida
– Une tendance baissière de la Covid-19 est actuellement enregistrée dans la wilaya de Blida, l'épicentre de l'épidémie. Quelle évaluation faites-vous de la situation ? Effectivement, le service d'épidémiologie et de médecine préventive au CHU de la wilaya de Blida a mis en place, dès le début de l'épidémie, un système de surveillance-réanimation, sachant que ce service de réanimation draine toutes les formes graves de Covid-19 de la wilaya de Blida. Le but de ce système de surveillance était d'estimer deux indicateurs, qui sont considérés, jusqu'à maintenant, comme les meilleurs indicateurs pour suivre les tendances évolutives d'une épidémie, à savoir le taux d'hospitalisations dans un service de réanimation et surtout le taux de mortalité. Ce dernier pourrait être même utilisé pour estimer la population infectée et par conséquent calculer le fameux R0. Maintenant, si on prend en considération tous ces indicateurs, je pense que la tendance de l'épidémie est vers la baisse et on en est à la fin, cela n'empêche pas, je le dis bien, qu'on peut assister à la persistance ou l'apparition de foyers au niveau de la wilaya sous forme de clusters, d'où l'importance d'une bonne stratégie de prévention afin de maîtriser ces foyers et éviter ces extensions par la réalisation d'enquêtes épidémiologiques qui doivent être rapides, sans oublier l'application des mesures barrières. – La situation se stabilise, mais le nombre de cas semble en augmentation ; pourquoi d'après vous ? Actuellement, on peut raisonnablement dire que l'épidémie de coronavirus est sous contrôle, cela signifie que nous avons de bons indicateurs, à savoir le nombre d'hospitalisations en réanimation, le taux de mortalité et le R0. Mais des clusters, c'est-à-dire des foyers épidémiques où la maladie Covid-19 se propage, existent toujours. C'est ce qui explique un peu cette légère augmentation du nombre. Maintenant, il est nécessaire de les identifier et de les prendre en charge à travers des enquêtes épidémiologiques autour des cas positifs. Comme il est indispensable de continuer à respecter les gestes barrières (lavage des mains, éviter les contacts physiques rapprochés, utiliser un masque de protection dans l'espace public) et cela pourrait aller jusqu'à la fin d'année ou plus. La mise en place d'une stratégie pour l'enquête épidémiologique (tracing) – tester-tracer-traiter- isoler – pour repérer au plus vite les cas de Covid et empêcher le retour de l'épidémie est indispensable. Ce scénario pourrait vraisemblablement être celui de la situation sanitaire à venir, dans les prochaines semaines et mois. – En quoi consiste et quel est l'objectif de la surveillance épidémiologique à travers les enquêtes ciblées à la recherche de cas contacts ? La surveillance épidémiologique à travers les enquêtes ciblées à la recherche des cas contacts a pour but de repérer au plus vite les cas Covid. L'idée est de remonter la chaîne des contacts récents du patient pour détecter les personnes à qui il a pu transmettre le virus, afin de les dépister à leur tour ou de les isoler par précaution. Un tel travail d'analyse des «clusters de contamination» doit être conduit par les autorités sanitaires. La surveillance épidémiologique à travers ces enquêtes ciblées permettrait le dépistage et l'isolement des personnes testées positives, son objectif principal est de freiner la transmission de la Covid-19 et par conséquent une sortie du confinement sans risque. – L'Algérie entame la première phase de déconfinement et la reprise de toutes les activités. Qu'en pensez-vous ? La perspective de la fin du confinement pose des questions : l'avantage d'une levée progressive, le risque d'une deuxième vague ou que faire si on ne peut pas éradiquer le virus ? Un déconfinement brutal et mal préparé pourrait bien relancer l'épidémie. Une bonne partie des confinés seront en effet contagieux, parfois même sans le savoir, car une grande partie des porteurs du virus n'ont aucun symptôme. Si elles se mêlent au reste de la population, ces personnes risquent d'en contaminer d'autres et, ainsi, relancer la diffusion du virus. De ce fait, le déconfinement doit se faire avec beaucoup de prudence, de manière progressive et bien sûr adapté à l'évolution de l'épidémie, sachant qu'actuellement le nombre de cas graves, de décès, la capacité d'accueil en unité de soins intensifs ainsi que le R0 sont en faveur du déconfinement. Un déconfinement qui doit être méthodique, car le risque d'une sortie ratée va pousser au recours au reconfinement, qui sera lourd en conséquences sociales et économiques. La stratégie du déconfinement doit s'appuyer sur le dépistage ciblé des sujets contacts et l'isolement des individus testés positifs au Sars-CoV-2, avec respect des mesures de distanciation sociale et port obligatoire du masque, ce qui fait du citoyen une pièce maîtresse dans la réussite du déconfinement par son adhésion totale aux mesures de prévention. – Peut-on connaître, selon votre évaluation, le profil de cette épidémie dans la wilaya de Blida en termes de nombre de personnes contaminées et d'immunisation ? Si je réponds à cette question, je dois parler du R0, qui est le taux de «reproduction» des maladies infectieuses, c'est-à-dire le nombre moyen de personnes qu'un cas contagieux peut infecter. Ce taux s'applique et se calcule à partir d'une population qui est entièrement susceptible d'être infectée, c'est-à-dire qui n'a pas encore été vaccinée ni immunisée contre un agent infectieux. Cependant pour la pandémie due au Sars-CoV-2, on peut considérer qu'aucune personne n'était immunisée avant le début de l'épidémie. Le R0 pour ce virus pourrait être évalué entre 2 et 3 (chiffres moyens), sachant que certaines personnes sont plus contaminantes que d'autres. Le calcul du R0 n'est pas aussi simple que sa définition, il change rapidement en fonction des mesures prises pour justement essayer de diminuer sa valeur. La transmissibilité et le nombre de contacts sociaux peuvent varier, alors que la durée de la période contagieuse reste constante. Malgré les considérations mathématiques, on veut estimer grossièrement le R0 de la Covid-19 dans la wilaya de Blida, qui compte un million d'habitants. On pourrait assimiler la probabilité de transmission au risque d'être infecté, qui serait une incidence ou un taux d'attaque calculé de façon approximative à partir des seuls sujets infectés pendant une unité de temps. Selon les calculs effectués en prenant en considération les indicateurs impliqués à l'échelle de la wilaya au cours de la dernière semaine du mois de mai, en tenant compte de toutes les formes (symptomatiques ou non symptomatiques), le nombre de sujets infectés au cours de la même période pourrait être estimé à 2600. La transmissibilité et le nombre de contacts sociaux peuvent varier alors que la durée de la période contagieuse reste constante. Certainement, puisque ces deux paramètres sont liés directement au respect du confinement et aux mesures barrières, à savoir : se laver les mains, éviter les contacts physiques rapprochés, utiliser un masque de protection dans l'espace public, ainsi que les enquêtes épidémiologiques, cependant la durée moyenne de contagiosité du virus Covid reste constante, elle est estimée à 10 jours. – Selon certains spécialistes, l'épidémie tire à sa fin avec l'arrivée de l'été. Partagez-vous la même approche ? Comme je l'ai précisé auparavant, chaque épidémie à un début et une fin, et d'après les indicateurs qu'on a maintenant, on peut dire qu'on en est à sa fin, avec persistance de quelques foyers, d'où l'importance de la vigilance et une stratégie adaptée aux différents scénarios possibles de l'évolution de l'épidémie. – Y aura-t-il, d'après vous, une nouvelle vague d'ici l'automne ? D'après les études publiées, si seulement 25% des cas sont identifiés, nous aurons à affronter une seconde vague en été ou en automne, plus intense que la première, cela reste à ce stade des suppositions et cela ne veut pas dire que les autorités sanitaires et les citoyens ne peuvent rien faire pour éviter une 2e vague, dans l'hypothèse pour l'instant assez improbable. Le mot d'ordre qui reste est la prudence, qui signifie la nécessité de dépister, tracer et isoler 50% des cas, avec protection spécifique des personnes à risque, la distanciation physique et le port du masque.