Aujourd'hui, pour restaurer le patrimoine architectural, on détruit ce qui est encore en bon état, notamment le matériau noble qui caractérise les édifices anciens, pour le remplacer par un autre, complètement anachronique. Des citoyens, dont des artistes de la ville de l'antique Cirta, se sont rapprochés de nos bureaux pour, notamment, « lancer un SOS concernant le gâchis opéré par les personnes chargées de la réfection du lycée des Sœurs Saâdane, sis au Coudiat, qui ont arraché l'ancien carrelage, non seulement encore en très bon état, mais très beau ». Pour rappel, la réhabilitation de quelques-uns des plus anciens lycées de Constantine, qui se poursuit toujours, devait s'achever à la fin de l'année scolaire 2008-2009. Six lycées, parmi les plus anciens du Vieux Rocher, sont concernés par l'opération : Rédha Houhou (ex-D'Aumale),Hihi El Mekki (ex-Franco-Musulman), El Houria (ex-Lavran), Les Sœurs Saâdane (ex-Chanzy), Tarek Ibn Ziad (ex-Les Pères blancs) et enfin le technicum Tewfik Khaznadar (ex-De garçons). Celle-ci a été inscrite le 27 février 2008, suite à une directive présidentielle relative à la prise en charge des établissements du secondaire, « datant de l'époque coloniale, n'ayant jamais fait l'objet de rénovation, et ayant produit nombre de personnalités nationales ». Ce projet d'envergure a requis un coût de réalisation de 657 MDA (millions), réparti par ordre d'importance des travaux, comme suit : 130 MDA pour le lycée Rédha Houhou, 120 pour Hihi El Mekki, 90 pour El Houria, 80 pour Les Sœurs Saâdane, 110 pour Tarek Ibn Ziad, et 127 pour le technicum Tewfik Khaznadar. Ainsi que l'avait bien souligné, alors, le chef de bureau suivi à la Dlep, théoriquement tout a été étudié pour avancer, mais au plan exécution, il nous avait fait part de ses craintes, surtout au sujet du matériau devant être utilisé pour ne pas déroger à l'esprit d'époque et effectuer une restauration digne de ce nom. Selon lui, il n'y a plus d'artisans pour façonner certains carrelages, certaines boiseries et autres ouvrages d'art. Il faut les commander à l'étranger, ce qui pourrait induire des dépenses supplémentaires. Retaper n'est pas restaurer Selon l'avis de l'artiste peintre et sculpteur, Ahmed Benyahia, fervent défenseur de la ville du Vieux Rocher, aujourd'hui la question est de savoir pourquoi devrait-on détruire ce qui est encore en bon état, et qui plus est, caractérisé par la noblesse du matériau ? Néanmoins, toujours selon notre interlocuteur, le massacre n'est heureusement pas généralisé, car « la restauration du lycée El Houria est en train de se faire dans d'excellentes conditions par un bureau d'étude conscient de l'enjeu ». Il nous apportera une plaque de carrelage intacte, avec fleur de lis, ramassée dans le tas d'autres jetées à l'extérieur du lycée des Sœurs Saâdane pour étayer ses propos. Ecoutons-le : « C'est un problème de fond. L'intention de bien faire est indéniable, mais la réalité sur terrain est tout autre. Nous avons hérité d'un patrimoine architectural pluriel qu'il faut préserver, car c'est un langage mémoriel. Ce matériau massacré au lycée des Sœurs Saâdane pouvait durer encore un siècle, malheureusement certains bureaux d'étude font le maximum de casse pour gonfler les factures, parce que c'est l'appât du gain qui prime, ou l'inculture. Dans ce cas-ci, c'est de l'argent jeté par les fenêtres. » Ce genre de bévues est courant, d'après cet artiste, qui cite l'exemple, entre bien d'autres, de l'ex-chambre de commerce transformée en pôle judiciaire spécialisé, qui abritait en son milieu une magnifique mosaïque, qu'on a arrachée pour la remplacer par du marbre. Il est plus que temps, dit-il, qu'on fasse appel à des gens compétents, non motivés par le gain rapide, pour restaurer le patrimoine architectural, dont l'Algérie regorge, car ne s'improvise pas restaurateur qui veut !